Loi Elan : l'amélioration des relations entre les bailleurs et les locataires


Quatre ans après la loi Alur, une nouvelle loi sur le logement a été publiée au Journal Officiel du 24 novembre 2018. Il s’agit de la loi dite "Elan" ou "portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique".

 

Ce texte en date du 23 novembre 2018 compte 234 articles et réforme de nombreux domaines : copropriété, location, construction, urbanisme… Le Conseil constitionnel a validé la majorité des dispositions dans sa décision en date du 15 novembre 2018.

 

L’Institut national de la consommation vous présente les évolutions de ce texte depuis le pré-projet de loi daté du 13 décembre 2017.


 

Les articles 134 et suivants de la loi Elan viennent modifier les règles applicables aux locations immobilières.

 

Une nouvelle forme de l'acte de cautionnement

Ces règles sont fixées par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989.

 

Auparavant, la personne physique qui se portait caution devait faire précéder sa signature de la reproduction manuscrite de plusieurs mentions.

 

Désormais, la personne signera l'acte de cautionnement sans reproduire à la main les éléments de son engagement.

 

Le document comportera les mentions :

  • du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location,
  • de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte,
  • de la reproduction manuscrite de l'alinéa de l'article relatif à la résiliation de la caution.

De nouvelles dispositions en cas de violences entre le locataire et son conjoint

Ces dispositions s'appliquent :

  • au conjoint du locataire,
  • à son partenaire lié par un pacte civil de solidarité
  • ou à son concubin notoire.

Si l'une de ces personnes quitte le logement en raison de violences exercées au sein du couple ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui, il en informe le bailleur.

 

Dans ce cas, il doit envoyer une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (LRAR), accompagnée :

  • de la copie de l'ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales dont il bénéficie et préalablement notifiée à l'autre membre du couple
  • ou de la copie d'une condamnation pénale de ce dernier pour des faits de violences commis à son encontre ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui et rendue depuis moins de six mois.

La solidarité du locataire victime des violences et celle de la personne qui s'est portée caution pour lui prennent fin le lendemain du jour de la première présentation da la LRAR au domicile du bailleur, pour les dettes nées à compter de cette date.

 

Le bailleur peut donner congé à son locataire en cas de motif légitime et sérieux. Ce principe est fixé par l'article 15 de la loi de 1989. Selon la loi Elan, le fait pour le locataire auteur des violences de ne pas acquitter son loyer à compter de la fin de la solidarité est un motif légitime et sérieux.

 

Ces dispositions ne sont pas applicables aux locations gérées par la loi du 1er septembre 1948.

 

Les mentions du commandement de payer

La loi Elan du 23 novembre 2018 fixe précisément les mentions que doit comporter un commandement de payer.

 

Il s'agit :

  • de la mention que le locataire dispose d'un délai de deux mois pour payer sa dette ;
  • du montant mensuel du loyer et des charges ;
  • du décompte de la dette ;
  • de l'avertissement qu'à défaut de paiement ou d'avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s'expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d'expulsion ;
  • de la mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département, dont l'adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière ;
  • de la mention de la possibilité pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil.

A défaut, la sanction est la nullité du commandement de payer.

 

Les actions de groupe en matière de location immobilière

L'article L. 623-1 du code de la consommation régit les actions de groupe des associations de défense des consommateurs.

 

Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agrééepeut agir devant une juridiction civile afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique.

 

Cette action en justice doit avoir pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles.

 

La loi Elan vient préciser deux points importants :

  • Le manquement du professionnel peut relever ou non du code de la consommation ;
  • Cette procédure pourra s'exercer dans le cadre de la location d'un bien immobilier.

 

L'expérimentation du dispositif d'encadrement des loyers

En principe, la fixation du loyer des logements mis en location est libre.

 

L'article 17 de la loi de 1989 applique ce principe dans les zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant.

 

Cependant, dans ces zones, un dispositif d'encadrement des loyers pourra être expérimenté.

 

A titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la loi du 23 novembre 2018, certaines collectivités pourront demander qu'un dispositif d'encadrement des loyers soit mis en place dans les zones visées précédemment. Ce dispositif est prévu par l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018.

 

Dans quelles collectivités ?

Il s'agira des collectivités suivantes :

  • des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière d'habitat,
  • de la commune de Paris,
  • des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris,
  • de la métropole de Lyon
  • et de la métropole d'Aix-Marseille-Provence.

Comment sera déterminé le territoire concerné ?

Sur proposition du demandeur transmise dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi, un décret déterminera le périmètre du territoire de la collectivité demandeuse sur lequel s'applique le dispositif.
 

Certaines conditions devront être réunies :

  1. Un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social ;
  2. Un niveau de loyer médian élevé ;
  3. Un taux de logements commencés, rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années, faible ;
  4. Des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l'habitat et de faibles perspectives d'évolution de celles-ci.

Les catégories de logements et les secteurs géographiques sont déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'observatoire local des loyers.

 

Quelles seront les références ?

Pour chaque territoire ainsi délimité, le représentant de l'Etat dans le département fixera, chaque année, par arrêté :

  • un loyer de référence,
  • un loyer de référence majoré,
  • et un loyer de référence minoré.

Ces trois références seront exprimées par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logements et par secteur géographique.

 

La Loi Elan précise la définition de certaines notions.

Chaque loyer de référence est égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l'observatoire local des loyers selon les catégories de logements et les secteurs géographiques.

Chaque loyer de référence majoré et chaque loyer de référence minoré sont fixés, respectivement, par majoration et par minoration du loyer de référence.

Le loyer de référence majoré est égal à un montant supérieur de 20 % au loyer de référence.

Le loyer de référence minoré est égal au loyer de référence diminué de 30 %.

 

Comment sera fixé le loyer ?

Dans les territoires où s'applique l'arrêté, le loyer de base des logements mis en location sera fixé librement entre les parties lors de la conclusion du contrat de bail, dans la limite du loyer de référence majoré. Une action en diminution de loyer pourra être engagée si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature de ce contrat.

 

Dans quel cas pourra être appliqué un complément de loyer ?

Un complément de loyer pourra être appliqué au loyer de base pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
Le montant du complément de loyer et les caractéristiques du logement le justifiant seront mentionnés au contrat de bail.

 

Lorsqu'un complément de loyer sera appliqué, le loyer s'entendra comme la somme du loyer de base et de ce complément.

 

Un complément de loyer ne pourra être appliqué à un loyer de base inférieur au loyer de référence majoré.

 

Quelle sera la procédure en cas de contestation du complément de loyer ?

Le locataire qui souhaitera contester le complément de loyer disposera d'un délai de trois mois à compter de la signature du bail pour saisir la commission départementale de conciliation, sauf lorsqu'il s'agit d'un bail mobilité.

 

En cas de contestation, il appartiendra au bailleur de démontrer que le logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.

 

En cas de conciliation, le montant du loyer, tenant compte de l'éventuel complément de loyer, sera celui fixé par le document de conciliation délivré par la commission départementale de conciliation.

 

En l'absence de conciliation, le locataire disposera d'un délai de trois mois à compter de la réception de l'avis de la commission départementale de conciliation pour saisir le juge d'une demande en annulation ou en diminution du complément de loyer. La fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de la commission départementale de conciliation pourra être soulevée d'office par le juge.

Dans les deux cas, le loyer résultant du document de conciliation ou de la décision de justice s'appliquera à compter de la prise d'effet du bail.

 

Quel sera le régime applicable aux logements meublés ?

L'arrêté fixera, pour les logements meublés soumis à la loi du 6 juillet 1989, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré par catégorie de logement et par secteur géographique. Ces éléments seront déterminés par l'application d'une majoration unitaire par mètre carré aux loyers de référence pour tenir compte du caractère meublé du logement. Cette majoration sera déterminée à partir des écarts constatés entre les loyers des logements loués nus et les loyers des logements loués meublés observés par l'observatoire local des loyers.

 

Le complément de loyer tiendra compte des équipements et services associés aux logements meublés.

 

Ces dispositions ne seront pas applicables aux logements meublés situés dans une résidence avec services gérée selon un mode d'organisation adapté aux nécessités des résidents par un mandataire unique.

 

Au plus tard six mois avant son terme, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport d'évaluation de cette expérimentation.

 

Quelles seront les mentions du contrat de location ?

 

Le contrat de location précisera :

  • le loyer de référence
  • et le loyer de référence majoré, correspondant à la catégorie de logements.

En cas d'absence dans le contrat de location de cette mention, le locataire pourra, dans un délai d'un mois à compter de la prise d'effet du contrat de location, mettre en demeure le bailleur de porter cette information au bail. A défaut de réponse du bailleur dans le délai d'un mois ou en cas de refus de ce dernier, le locataire pourra saisir, dans le délai de trois mois à compter de la mise en demeure, la juridiction compétente afin d'obtenir, le cas échéant, la diminution du loyer.

 

Quelle sera la procédure lors d'un renouvellement de contrat ? 

 

  1. Lors du renouvellement du contrat, une action en diminution de loyer pourra être engagée si le montant du loyer fixé au contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré. Le loyer ainsi étudié ne prendra pas en considération le montant du complément de loyer, si celui-ci est appliqué le cas échéant.
     
  2. Une action en réévaluation de loyer pourra être engagée dès lors que le loyer est inférieur au loyer de référence minoré.

Dans ces deux cas, l'une ou l'autre des parties pourra proposer un nouveau loyer à son cocontractant :

  • au moins six mois avant le terme du contrat pour le bailleur
  • et au moins cinq mois avant le terme du contrat pour le locataire. Le montant du loyer de référence majoré ou minoré pris en compte correspondra à celui qui est en vigueur à la date de la proposition émise par l'une des parties.

 

Le nouveau loyer proposé dans le cadre d'une action en réévaluation de loyer sera inférieur ou égal au loyer de référence minoré. Le locataire pourra, par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables, contester l'action en réévaluation de loyer.

 

Les loyers servant de référence devront être représentatifs de l'ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables, situés soit dans le même groupe d'immeubles, soit dans tout autre groupe d'immeubles comportant des caractéristiques similaires et situés dans la même zone géographique. Le nombre minimal de références à fournir sera de trois. Toutefois, il sera de six dans les communes, dont la liste sera fixée par décret, faisant partie d'une agglomération de plus d'un million d'habitants.

 

Lorsque le bailleur fait application de cette procédure, il ne pourra donner congé au locataire pour la même échéance du contrat.

 

La notification d'une proposition d'un nouveau loyer reproduira intégralement, à peine de nullité, les dispositions de la loi et mentionne le montant du loyer ainsi que le loyer de référence majoré ou le loyer de référence minoré ayant servi à le déterminer.

 

En cas de désaccord ou à défaut de réponse du cocontractant saisi quatre mois avant le terme du contrat, l'une ou l'autre des parties pourra saisir la commission départementale de conciliation.

 

A défaut d'accord constaté par la commission départementale de conciliation, le juge pourra être saisi avant le terme du contrat. A défaut de saisine du juge, le contrat sera reconduit de plein droit aux conditions antérieures du loyer, éventuellement révisé.

 

Lorsque les parties s'accorderont sur une hausse du loyer ou lorsque cette hausse est fixée judiciairement, celle-ci s'appliquera par tiers ou par sixième selon la durée du contrat. Toutefois, cette hausse s'appliquera par sixième annuel au contrat renouvelé, puis lors du renouvellement ultérieur, dès lors qu'elle sera supérieure à 10 % si le premier renouvellement avait une durée inférieure à six ans.

 

Quelles seront les conséquences du constat par le Préfet du non-respect de ces dispositions ?

Lorsque le représentant de l'Etat dans le département constate qu'un contrat de bail ne respecte pas ces dispositions, il pourra mettre en demeure le bailleur, dans un délai de deux mois, d'une part, de mettre le contrat en conformité et, d'autre part, de procéder à la restitution des loyers trop-perçus. Le bailleur sera informé des sanctions qu'il encourt et de la possibilité de présenter, dans un délai d'un mois, ses observations.

 

Si cette mise en demeure reste infructueuse, le représentant de l'Etat dans le département pourra prononcer une amende à l'encontre du bailleur, dont le montant ne peut excéder 5 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. Cette décision sera motivée et indiquera les voies et délais de recours. L'amende sera prononcée après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations.

 

Le prononcé de l'amende ne fera pas obstacle à ce que le locataire engage une action en diminution de loyer.

 

 

Virginie Potiron,

Juriste à l'Institut national de la consommation

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