Investir dans des produits financiers responsables, est-ce rentable ? L’Autorité des marchés financiers (l’AMF), a répondu à toutes vos questions sur la finance durable en direct mardi 3 octobre à 18 heures.

 

Le point avec Florence Corne de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

 

 

 

Laurence Ollivier, journaliste au magazine 60 millions de consommateurs

 

Bonsoir,

 

Bienvenue sur notre Facebook live du jour consacré à la finance durable.

 

Avec nous, pour répondre à la question Comment donner du sens à mes placements ? j’ai le plaisir d’accueillir Florence Corne, de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF).

 

Bonsoir Florence,

 

Bonsoir Laurence, bonsoir à tous,

 

Je vous rappelle le principe de notre live. Vous nous posez vos questions et nous vous répondons.

 

La semaine de la finance responsable bat son plein, l’occasion de découvrir ou redécouvrir avec vous Florence ces formes de placements pas comme les autres.

 

Avant de prendre les questions des internautes, Florence, pouvez-vous nous préciser de quoi parle-t-on lorsque l’on dit finance durable ou finance responsable ?

Finance durable ou responsable, un terme générique qui désigne le fait de prendre en compte des critères "extra-financiers", non financiers, en plus de critères financiers habituels, dans votre choix d’investissement, c’est-à-dire dans le choix des titres des entreprises dans lesquelles vous investissez.

 

Aïe, pouvez-vous nous expliquer ces deux termes, d’un côté critères financiers et de l’autre extra-financiers ?

Les critères financiers : valeur du titre en bourse (en général action), prévisions de croissance de l’entreprise (chiffre d’affaires, bénéfices), sa stratégie de développement commercial, les investissements qu’elle effectue, sa solidité financière, son endettement, la liquidité de ses titres (pouvoir les acheter et vendre facilement) …

 

Les critères extra-financiers sont appelés aussi des critères ESG, pour Environnement, Social et Gouvernance :

 

Vous dites E pour environnement : ça consiste en quoi ?

Pour l’environnement : prend en compte de différents aspects de l’impact de l’entreprise sur l’environnement, comme les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’électricité, le recyclage des déchets, l’utilisation d’énergies fossiles, etc.

 

Et puis S pour social ?

Pour le social : critère vaste en terme d’indicateurs, comme la prévention des accidents du travail, l’intégration des salariés en situation de handicap, la formation ou encore la qualité du dialogue social au sein de l’entreprise, etc.

 

Enfin G pour gouvernance, dites-vous ? Là on a absolument besoin de vous Florence pour un décodage J

Pour la gouvernance : critère généralement le moins concret pour les épargnants. Un élément essentiel à prendre en compte dans une entreprise, c’est l’ensemble des dispositifs qui assurent son bon fonctionnement. Il peut s’agir de l’indépendance du conseil d’administration, de la transparence sur la rémunération des dirigeants, ou encore de la façon dont elle garantit le respect des droits de ses actionnaires minoritaires.

 

Ces critères sont donc très vastes.

 

 

Si je comprends bien dans la finance tradi on ne regarde que le côté "financier", c’est-à-dire la profitabilité d’une entreprise et dans la finance durable on prend aussi en considération son impact climatique, son comportement avec ses salariés, ses sous-traitants, ses actionnaires… ? Et on croise les deux notions ? C’est bien cela ?

Oui, en matière de finance durable, on tient compte des critères financiers et des critères extra-financiers dans le choix des entreprises dans lesquelles on investit.

 

C’est super : ça veut dire que je peux savoir et choisir dans quoi je place mon argent ?

Vous pouvez effectivement faire vos choix selon vos valeurs, en fonction des critères extra-financiers qui sont importants pour vous.

Soit vous allez choisir d’investir dans des actions d’entreprise que vous sélectionnez vous-même, à partir de ces critères.

Soit, cas le plus fréquent, vous allez investir dans un fonds, où un professionnel, un gérant, sélectionne les actions des entreprises dans lesquelles le fonds investit. De la même manière, vous pouvez choisir un fonds en fonction de ces critères extra-financiers.

 

Si j’ai envie d’exclure certaines entreprises de mes choix comme celles qui polluent, qui vendent des armes ou du tabac : c’est possible ?

Oui, avec le choix de fonds qui pratiquent des exclusions, soit de certains secteurs que vous jugez néfastes à la société ou contraires à l’éthique, soit de sociétés qui ne respectent pas certaines normes internationales, par exemple la Déclaration universelle des droits de l'homme ou la déclaration de l'Organisation Internationale du Travail relative aux principes et droits fondamentaux au travail.

 

Est-ce la seule méthode utilisée ? C’est-à-dire que pour sélectionner les entreprises les plus vertueuses on en écarte certaines ? Ou existe-t-il d’autres approches ?

Il y a effectivement d’autres approches.

Les approches "best" où on sélectionne les meilleures entreprises, les mieux notées sur les critères extra-financiers. Soit les meilleures pour chaque secteur d’activité sans exclure aucun secteur, soit les meilleures tous secteurs confondus (et donc certains secteurs surreprésentés), ou encore les sociétés qui font le plus d’efforts pour améliorer leurs pratiques extra-financières (ex : entreprises qui cherchent à réduire leur empreinte carbone).

 

Peut-on aussi choisir le secteur dans lequel on place son argent ?

Oui, via les approches thématiques avec sélection d’entreprises présentes dans des secteurs liés au développement durable comme l’eau, les énergies renouvelables, la santé ou encore le vieillissement des populations.

Les approches pour investir de façon responsable sont donc nombreuses, plusieurs approches peuvent aussi être combinées (ex : exclusion + best in class).

 

En résumé, je peux acheter une action ou une obligation en direct d’une entreprise que je considère comme "éthique". Mais la plupart du temps, vous nous avez expliqué que l’on nous propose plutôt d’investir dans un fonds "durable". Comment est-il fabriqué ?

Effectivement, le plus souvent vous allez investir dans un fonds, car sélectionner soi-même les entreprises nécessite du temps et des connaissances.

Le fonds est conçu par une société de gestion, son rôle est en effet de gérer l’argent investi par les épargnants.

 

Ça marche comment ?

D’abord analyse des titres disponibles sur le marché (actions et obligations principalement) puis sélection de ceux dans lesquels le fonds va investir, en fonction de la performance financière et extra-financière des sociétés cotées en bourse.

La société de gestion investit dans les titres sélectionnés pour lancer le fonds, elle va ensuite le gérer au quotidien et informer régulièrement les épargnants, notamment avec un reporting extra-financier.

 

 

 

Puis-je connaître la composition du fonds pour savoir dans quoi j’investis ?

Avant de choisir un fonds, il faut consulter le document d’informations clés (DIC), qui reprend ses principales caractéristiques dont sa stratégie d’investissement (Rubrique "En quoi consiste ce produit ?"). Document synthétique et normé de 3 pages qui permet de comparer les fonds.

Vous pouvez aussi consulter d’autres documents comme son reporting extra-financier, qui va détailler davantage la prise en compte de ces critères dans ses investissements, et son reporting financier où vous trouverez les principales entreprises dans lesquelles il investit (pas dans le DIC).

 

Comme en alimentaire où je dispose d’infos sur les étiquettes et via des labels pour me repérer dans les rayons et savoir ce que je mets dans mon assiette, existe-t-il des équivalents pour me permettre de connaître la nature de mes placements ?

Il existe en effet plusieurs labels qui vous permettent d’identifier plus facilement les fonds responsables et durables.

 

Label ISR : créé par le Ministère de l'Economie et des Finances, ce label est attribué aux fonds investissant dans des entreprises aux pratiques responsables en matière environnementale, sociale et de gouvernance, donc les 3 critères extra-financiers.

 

Label Greenfin : créé par le Ministère de la transition écologique, il est attribué aux fonds investissant dans l'économie verte et excluant les entreprises opérant dans le secteur nucléaire et les énergies fossiles.

 

Label Finansol : créé par l’association Fair, il concerne la finance solidaire (activités de lutte contre l’exclusion, en faveur de la cohésion sociale ou du développement durable).

 

Comment sont attribués ces labels ?

Pour avoir un label, le fonds dépose un dossier qui est examiné par un organisme indépendant qui vérifie le respect d’un cahier des charges transparent et public.

 

Le label est donc un repère pour identifier ces placements. Il peut être intéressant de vérifier si la méthodologie du label vous semble pertinente par rapport à vos valeurs. Et dans tous les cas, il faut regarder le DIC pour en savoir plus sur la stratégie d’investissement du fonds.

 

 

 

 

Le DIC ? Vous parlez du fameux document d'informations clés (DIC) évoqué tout à l’heure ?

Oui, il doit être remis à tout épargnant, avant de souscrire et lui permet de disposer des informations essentielles sur le placement, sa nature et ses caractéristiques principales. 

 

On parle de finance "durable" ou "responsable" mais c’est un mot qui semble un peu fourre-tout. Si mon truc, ce sont les placements qui s’engagent pour le climat, comment m’y retrouver ?

Comme on l’a vu, différentes approches et labels. Pour s’y retrouver, le label est une 1^e indication. Pour le climat, plutôt un fonds avec label Greenfin. Ensuite, regarder la documentation, notamment le DIC qui est synthétique, pour savoir dans quoi le fonds investit.

 

Maintenant que l’on a compris en gros comment ça marche et comment s’y retrouver grâce aux labels notamment, concrètement où investir ? Dans des livrets d’épargne, des actions, des obligations, des fonds, dans mon PEA, dans mon assurance vie ?

Comme évoqué, possibilité d’investir dans des titres, donc des actions ou obligations qu’on sélectionne, ou le plus souvent dans des fonds qui investissent dans des actions et obligations, et gérés par une société de gestion.

Ces titres ou fonds, il faut les loger dans un support, qui peut être un PEA, un compte-titres, un plan d’épargne retraite ou encore un contrat d’assurance vie avec des unités de compte.

 

Dans l’épargne salariale également ? Mais où ?

Oui, vous pouvez aussi investir dans des fonds et des actions avec l’épargne salariale, à travers un plan d’épargne entreprise ou un plan d’épargne pour la retraite collectif. Ces plans vous sont proposés par votre employeur, s’il a mis en place un dispositif d’épargne salariale.

 

Quels sont les acteurs qui proposent ce type de placement ? Ont-ils besoin d’une autorisation particulière pour exercer ?

Les fonds sont fabriqués par les sociétés de gestion, comme nous l’avons vu, et elles doivent avoir reçu une autorisation, tant pour exercer en tant que société de gestion que pour lancer le fonds.

Pour ouvrir un compte-titres ou PEA, il faut s’adresser à une banque, un courtier en ligne ou un conseiller en investissements financiers.

Le plan d’épargne retraite et le contrat d’assurance vie sont également proposés par une banque, un courtier en ligne et un conseiller en investissements financiers (CIF), mais aussi un assureur.

Ils doivent tous faire l’objet d’une autorisation.

 

Maintenant, place aux questions des internautes.

 

Roxy, nous interpelle en disant que les fonds dits "verts" et "durables" investissent souvent dans des secteurs discutables. Que c’est du green washing ? Que pouvez-vous répondre ? Le greenwashing ou éco blanchiment, c’est utiliser l’argument environnemental / écologique de façon trompeuse. Or en matière de placement, la communication se doit d’être claire, exacte et non trompeuse. L’AMF en tant qu’autorité de régulation surveille et contrôle la documentation qui est remise aux épargnants. Pour prévenir les risques de greenwashing, l’AMF impose de plus certaines règles en matière de communication aux intermédiaires financiers qui commercialisent des produits responsables. Concrètement, plus le placement prend en compte les critères ESG dans les actifs qui le composent, plus il est possible de mettre en avant l’aspect responsable de ce placement dans sa documentation commerciale. Fonds durables pas forcément centrés sur l’environnement et avec des approches différentes, comme nous l’avons vu. Les secteurs sont donc variés et il faut regarder la documentation pour savoir dans quoi le fonds investit. Ex : fonds best in class investit dans tous les secteurs, y compris les énergies fossiles.   Vincent F, étudiant, écrit : Quand on dit finance "durable" on entend "durabilité". Ça veut dire qu’il s’agit de placement à conserver sur de longue période (10, 15 ans et plus) ? Non, durable ce n’est pas dans le sens de la durée du placement, mais dans le sens du développement durable. C’est-à-dire un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Cependant, la finance durable c’est un investissement de moyen long terme, donc à conserver sur une longue période.   Arthur D. hésite à placer sur des placements durables car il a entendu dire qu’ils étaient peu ou pas rentables ? Que lui répondez-vous Un placement durable n’est pas moins rentable que n’importe quel fonds. Selon une étude menée en 2021 sur plusieurs années par l’AMF, les fonds prenant en compte des critères extra-financiers obtiennent une rentabilité comparable à celle des fonds classiques.   Depuis quand existent ces fonds ? A-t-on assez de recul pour pouvoir dresser les premiers bilans ? Les premiers placements responsables sont apparus en France dans les années 80. Mais ils se sont véritablement développés à partir des années 2000, avec un intérêt marqué ces dernières années des épargnants. La réglementation européenne, avec notamment les préférences de durabilité évoquées tout à l’heure, vise à les développer.   Arthur D. a raison. C’est bien de vouloir œuvrer pour la planète ou pour de justes causes mais c’est encore mieux de ne pas perdre d’argent. Il ne faut donc pas oublier que ces placements présentent un risque. Vous confirmez Florence ? Bien sûr tout placement présente un risque, qu’il soit durable ou non. Il faut donc d’abord se constituer une épargne de précaution et la conserver, puis investir ce qu’on peut placer sur du long terme, et en diversifiant, pour diminuer les risques.   Cathy A. nous dit qu’elle bénéficie d’un plan d’épargne entreprise. Elle veut savoir Comment choisir des fonds responsables ? Plusieurs fonds vous sont proposés sur votre PEE. On doit vous proposer au moins un fonds solidaire. Il n’y a pas d’obligation pour les fonds ISR mais ils sont aussi souvent proposés. Pour les choisir, encore et toujours la lecture du DIC.   Gabriel, aimerait bien placer sur des produits qui contribuent à la transition énergétique. Vers quel produit doit-il se tourner ? Certains fonds sont orientés vers la transition énergétique. Notamment fonds qui sélectionnent les sociétés qui font le plus d’efforts pour améliorer leurs pratiques extra-financières, en particulier en matière d’environnement. Vous pouvez les repérer avec le label Greenfin attribué aux fonds investissant dans l'économie verte. Puis toujours lire le DIC.   Nathalie P. raconte que lors d’un RDV pour placer ses économies, elle a été très étonnée d’entendre son conseiller bancaire lui parler de ce type de produit. Est-ce normal ? Oui, désormais, votre conseiller doit aussi vous poser des questions sur vos préférences en matière de durabilité, donc de connaître votre intérêt pour la finance durable et vous proposer des produits adaptés à vos préférences.   (Exemples : si vous souhaitez soutenir un objectif environnemental particulier comme la préservation de la biodiversité, investir tout ou partie de votre épargne dans certains secteurs d'activité comme les énergies renouvelables, exclure totalement certains secteurs d'activité comme les énergies fossiles, ou bien accepter qu'un certain pourcentage de vos placements finance ces activités, vous assurer que votre investissement n'ait pas d'impact négatif sur la lutte contre le changement climatique).   Virginie D., elle, souhaite investir dans les placements qui servent directement des causes qui lui tiennent à cœur : lutte contre le chômage, le mal-logement, développement de l’agriculture biologique… C’est possible Florence ? Oui il faut dans ce cas regarder les produits d’épargne solidaire qui investissent dans des activités de lutte contre l’exclusion, de cohésion sociale ou de développement durable. Vous pouvez les identifier avec le label Finansol.   Et si je suis un peu perdu(e), qui peut m’expliquer, m’aider ? Mon conseiller bancaire ? Un gestionnaire de patrimoine ? Un autre ? Un conseiller financier peut effectivement vous aider en vous expliquant ce que sont ces placements durables et en vous posant ensuite des questions pour connaître vos préférences en matière de durabilité et vous proposer le produit correspondant à vos préférences.   Manuelle, elle, nous alerte sur les arnaques sur ces placements. Et demande comment s’en protéger ? Les escrocs surfent sur les tendances et peuvent donc utiliser la thématique de la finance durable. Par exemple des investissements dans des panneaux photovoltaïques. Les techniques des escrocs et leurs arguments sont toujours les mêmes, quels que soient les types de placements. Il faut donc être prudent et savoir reconnaître une arnaque. Par exemple si on vous présente un placement à la fois garanti, donc sans risque, et fortement rémunérateur, voire réservé à quelques privilégiés, et que votre banquier vous cache. Attention aux discours trop beaux pour être vrais ! Vous pouvez utiliser notre application AMF Protect Epargne pour vous protéger de ces arnaques.

 

Nous arrivons à la conclusion de notre live.

 

Merci Florence Corne pour toutes vos explications et à vous tous de nous avoir suivis.

 

Si vous voulez en savoir plus sur la finance durable et responsable direction le site de l’Autorité des marchés financiers : amf-france.org, Espace épargnants, rubrique "Comprendre les produits financiers" puis Finance durable où vous trouverez des articles, des guides.

 

Je vous souhaite une excellente soirée, à bientôt.