Loi ELAN : la revitalisation des centres villes


Quatre ans après la loi Alur, une nouvelle loi sur le logement a été publiée au Journal Officiel du 24 novembre 2018. Il s’agit de la loi dite "Elan" ou "portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique".

 

Ce texte en date du 23 novembre 2018 compte 234 articles et réforme de nombreux domaines : copropriété, location, construction, urbanisme… Le Conseil constitionnel a validé la majorité des dispositions dans sa décision en date du 15 novembre 2018.

 

L’Institut national de la consommation vous présente les évolutions de ce texte depuis le pré-projet de loi daté du 13 décembre 2017.

 

Le texte a notamment pour objectif de revitaliser les centres villes par la création d'un contrat unique entre l'Etat, ses opérateurs et les collectivités.


1 - LE PRE-PROJET DE LOI (13 décembre 2017)

 

 

a - Les objectifs de cette mesure

Le pré-projet de loi mentionne qu'il s'agit de créer un contrat intégrateur unique entre l’Etat, ses opérateurs et les collectivités. Ce dispositif sera le support de l’action du gouvernement pour la revitalisation des villes moyennes. L'objectif est de répondre aux différents enjeux de développement locaux (mobilité, services, habitat, développement économique, etc.).

 

De plus, pour agir sur leur centre-ville, le dispositif de l’opération de requalification de quartiers anciens dégradés sera revu afin d’en faire un outil contractuel ensemblier et généraliste permettant à tous les financeurs potentiels d’y adhérer.

 

b - Le contenu du texte

Le code de la construction et de l'habitation sera modifié. De nouvelles dispositions seront insérées pour définir les opérations de revitalisation des territoires.

 

Quel sera l'objet des opérations de revitalisation des territoires ?

Les opérations de revitalisation de territoire auront pour objet la mise en œuvre d’un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de commerces ainsi que le tissu urbain pour :

 

  • lui donner plus d’attractivité,
  • lutter contre la vacance des logements et des commerces
  • lutter contre l’habitat indigne,
  • valoriser le patrimoine bâti,
  • répondre aux enjeux de développement durable comme d’innovation dans les secteurs du commerce et de l’artisanat.

Quels seront les acteurs ?

Cette opération fera l’objet d’une convention associant :

 

  • l'Etat,
  • ses établissements publics,
  • les collectivités territoriales ou leurs groupements,
  • toute personne privée ou publique souhaitant apporter une contribution financière, soutenir par ses actions ou conduire une opération concourant à la revitalisation du territoire.

Quel sera la nature du projet faisant l'objet de la convention ?

La convention définira le projet économique, urbain et social de revitalisation du territoire concerné favorisant :

 

  • la mixité sociale,
  • le développement durable,
  • l’innovation dans les secteurs du commerce et de l’artisanat.

Elle devra également identifier le ou les secteurs d’intervention dont l’un concernera nécessairement le centre-ville de la ville principale du territoire.

 

Quelles seront les possibilités d'association de la population au montage de cette opération ?

L'élaboration du projet d’opération de revitalisation de territoire pourra faire l'objet d'une concertation publique à l’initiative de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre concerné.

 

Quelles seront les actions possibles dans le cadre d'une opération de revitalisation du territoire ?

L’opération de revitalisation de territoire est une opération programmée d’amélioration de l’habitat lorsqu’elle en prévoit toutes les actions.. Elle vise à réhabiliter le parc immobilier bâti, opération définie à l’article L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation.

 

Elle peut prévoir en outre tout ou partie des actions suivantes :

 

1° - Un dispositif d'intervention immobilière et foncière visant la revalorisation des îlots d'habitat vacant ou dégradé, incluant des actions d'acquisition, de travaux et de portage de lots de copropriété,
 

2° - Un plan de relogement et d'accompagnement social des occupants, avec pour objectif prioritaire leur maintien au sein du même quartier requalifié,
 

3° - La mobilisation des dispositifs coercitifs de lutte contre l'habitat indigne,
 

4° - La mise en œuvre d’un plan pour favoriser la transition énergétique du territoire, notamment l’amélioration de la performance énergétique du parc immobilier,
 

5° - La mise en place d’un projet social de territoire, prévoyant notamment des actions pour favoriser la mixité sociale et adapter l’offre de logement et de services publics et de santé à la perte d’autonomie des habitants,
 

6° - La mise en œuvre d'actions ou d'opérations d'aménagementi ntégrant les objectifs de l'opération, permettant l'aménagement des espaces et des équipements publics de proximité, prenant en compte les problèmes d’accessibilité, de desserte des commerces de centre-ville, de mobilité et la localisation des commerces en centre-ville,
 

7° - La mise en œuvre d’actions destinées à moderniser ou créer des activités économiques, commerciales, artisanales ou culturelles, sous la responsabilité d’un coordinateur,
 

8° - La mise en œuvre, en particulier en centre-ville, d’actions ou d’opérations tendant à la création, l’extension, la transformation ou la reconversion de surfaces commerciales et artisanales,
 

9° - La création ou l’évolution des documents d’urbanisme rendue nécessaire pour atteindre les objectifs figurant dans la convention. Elle peut porter sur une procédure en cours dès lors que le projet de document d’urbanisme n’a pas été arrêté ou sur une évolution future du document arrêté ou approuvé.

 

Quelles seront les mentions obligatoires de la convention ?

La convention précisera :

 

  • le calendrier,
  • le plan de financement de ces actions,
  • leur répartition dans les secteurs d’intervention définis par la convention.

Quelles seront les autres conséquences juridiques ?

L'opération de revitalisation de territoire pourra donner lieu :

 

  • à l'instauration du droit de préemption urbain renforcé,
  • à l’instauration du droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l'objet de projets d'aménagement commercial.

De plus,  certains projets situés dans le secteur d’intervention situé en centre-ville de la ville principale seront pas soumis à autorisation d'exploitation commerciale.

 

2 - LE PROJET DE LOI (4 avril 2018)

 

Le projet de loi vient apporter quelques modifications sur ce nouveau dispositif.

 

Les signataires de la convention

La possibilité pour une des entités d’être signataire de la convention est désormais subordonnée à la condition que cette adhésion ne soit pas susceptible de la mettre ultérieurement en situation de conflit d’intérêt.

 

Le périmètre de l'opération

La convention doit définir le projet urbain, économique et social de revitalisation du territoire concerné, favorisant la mixité sociale, le développement durable et l’innovation dans les secteurs du commerce et de l’artisanat.

 

Le projet de loi vient préciser qu'elle devra délimiter également le périmètre du ou des secteurs d’intervention, parmi lesquels figure nécessairement le centre-ville de la ville principale du territoire.

 

Le contenu de la convention

Le projet de loi vient modifier le contenu de certaines actions à mettre en oeuvre :
 

  • Sur la transition énergétique :

Le pré-projet de loi prévoyait que des actions devaient avoi rpour objectif de mettre en oeuvre un plan pour favoriser la transition énergétique du territoire. Il s'agira finalement d'actions.

 

  • Sur les documents d'urbanisme :

Le pré-projet de loi prévoyait que "la création ou l’évolution des documents d’urbanisme rendue nécessaire pour atteindre les objectifs figurant dans la convention. Elle peut porter sur une procédure en cours dès lors que le projet de document d’urbanisme n’a pas été arrêté ou sur une évolution future du document arrêté ou approuvé".

 

Le projet de loi change complètement le sens de cette disposition. Désormais, la convention comportera un engagement de la ou des autorités compétentes en matière de plan local d’urbanisme de procéder aux modifications des documents d’urbanisme, approuvés ou en cours d’approbation, nécessaires à la mise en œuvre des plans, projets ou actions prévus par la convention. En cas de transfert de la compétence en matière de plan d’urbanisme à l’établissement public de coopération intercommunale, l’établissement public de coopération intercommunale se substituera à la ou aux communes concernées par cet engagement.

 

  • Sur les demandes d'autorisations d'exploitation commerciale :

Le représentant de l’État dans le département pourra suspendre par arrêté, après avis de l’établissement public de coopération intercommunale et des communes signataires d’une convention d’opérations de revitalisation de territoire, l’enregistrement et l’examen en commission départementale d’aménagement commercial certaines demandes d’autorisation d’exploitation commerciale, dont l’implantation est prévue sur le territoire d’une ou plusieurs communes signataires de cette convention mais hors des secteurs d’intervention de l’opération.

 

La décision du représentant de l’État dans le département est prise compte tenu des caractéristiques du projet, au regard notamment du niveau et de l’évolution des taux de logements vacants, de vacance commerciale et de chômage dans les centres-villes et les territoires concernés.

 

3 - LE TEXTE ISSU DE LA CMP (26 septembre 2018)

 

La CMP vient préciser quelques éléments relatifs à ce nouveau dispositif.

 

L'organisation d'une concertation publique

 

Une concertation publique pourra être engagée à l'initiative de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre concerné préalablement à la signature de la convention.

 

L'encadrement des baux commerciaux

 

Par dérogation aux dispositions du code de commerce, la convention peut prévoir que, dans les centres-villes concernés :

 

  • Les baux relatifs à un local commercial conclus postérieurement à la signature de la convention ne peuvent porter que sur ce local dans les immeubles qui abritent à la fois un ou plusieurs locaux commerciaux ainsi que des locaux destinés à l'habitation.

Cette disposition ne s'applique pas aux locaux destinés au fonctionnement des activités commerciales ou artisanales et du local destiné à l'habitation occupé par le commerçant ou l'artisan qui exerce son activité professionnelle en rez-de-chaussée.

 

  • Sont interdits, postérieurement à la signature de la convention, les travaux qui conduisent, dans un même immeuble, à la condamnation de l'accès indépendant aux locaux ayant une destination distincte de l'activité commerciale ou artisanale.

 

La délivrance de permis d'aménager sur des unités foncières non contiguës

 

À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, la mise en œuvre des actions mentionnées dans une convention d'opération de revitalisation de territoire peut donner lieu, et par dérogation, à la délivrance d'un permis d'aménager portant sur des unités foncières non contiguës, lorsque l'opération d'aménagement garantit l'unité architecturale et paysagère des sites concernés et s'inscrit dans le respect des orientations d'aménagement et de programmation.

 

La totalité des voies et espaces communs inclus dans le permis d'aménager peut faire l'objet d'une convention de transfert au profit de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent.

 

Les exceptions à la non-soumission à autorisations commerciales

 

Certains projets dont l'implantation est prévue dans un secteur d'intervention d'une opération de revitalisation de territoire, comprenant un centre-ville identifié par la convention de ladite opération, ne sont pas soumis à autorisation d'exploitation commerciale.

La CMP vient préciser que cette convention peut toutefois soumettre à autorisation d'exploitation commerciale certains projets dont la surface de vente dépasse un seuil qu'elle fixe et qui ne peut être inférieur à 5 000 mètres carrés ou, pour les magasins à prédominance alimentaire, à 2 500 mètres carrés.

 

La définition d'un abandon manifeste d'une partie d'immeuble (article 54 bis AD)

 

Dans le périmètre d'une opération de revitalisation de territoire, l'abandon manifeste d'une partie d'immeuble est constaté dès lors que des travaux ont condamné l'accès à cette partie.

 

Le maintien des services publics (article 54 bis AB)

 

Lorsqu'il est envisagé la fermeture ou le déplacement d'un service chargé d'une mission de service public et situé dans le périmètre de l'opération,  le maire de la commune et le président de l'EPCI dont est membre la commune reçoivent toutes les informations justifiant cette fermeture ou ce déplacement, au moins six mois avant la date prévue pour sa réalisation.

 

Cette communication est assurée par le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité exécutive de la collectivité territoriale, de l'EPCI ou de l'organisme chargé d'une mission de service public

 

Il indique également les mesures envisagées pour permettre localement le maintien de ce service sous une autre forme. Ces informations sont également transmises à la région et au département.

 

Un bilan annuel et une expérimentation tous les cinq ans

 

Un bilan annuel et une évaluation tous les cinq ans des actions entreprises dans le cadre de l'opération de revitalisation de territoire et de leurs incidences financières seront présentés aux conseils municipaux des communes et à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre signataires de la convention.

 

4 - LE TEXTE DE LA LOI ELAN (23 novembre 2018)

Le Conseil constitionnel a validé ces dispositions dans sa décision en date du 15 novembre 2018. La revitalisation des centres villes est encadrée par l'article 157 de la loi Elan.

 

 

Virginie Potiron,

Juriste à l'Institut National de la Consommation


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