Pose de fenêtres : rétrospective jurisprudentielle 2016 - 2017


Le changement de fenêtres est une opération fréquemment réalisée lors de la rénovation de bâtiments. Mais certaines malfaçons peuvent apparaître et être à l'origine d'une demande en indemnisation de leurs préjudices.

 

L'Institut national de la consommation vous présente quelques arrêts rendus traitant des litiges relatifs à la pose de fenêtres. Voici des thèmes traités par les Juges en 2016 et en 2017 :


1 - L'obligation de résultat du professionnel

2 - Des exemples de malfaçons affectant des fenêtres

3 - La nature des désordres affectant les fenêtres

4 - Les désordres de nature esthétique

5 - Un exemple d'indemnisation du maître d'ouvrage en cas de malfaçons touchant des fenêtres

6 - L'impact sur le moment de la réception

7 - L’indemnisation du préjudice de jouissance

 

 

1 - L'OBLIGATION DE RESULTAT DU PROFESSIONNEL

Une personne a confié à une entreprise le remplacement des menuiseries dans sa maison d'habitation. Les travaux ont été réceptionnés le 18 mars 2010, sans réserve. Le professionnel a été intégralement payé du montant des travaux.

 

Suite à un problème d'étanchéité des huisseries, le maître d'ouvrage s'est plaint à l'entrepreneur de la mauvaise exécution des travaux par lettre du 15 janvier 2011. Ce dernier a récusé ces griefs par réponse du 17 janvier 2011.

 

Une expertise a été organisée.

 

L'expert judiciaire a relevé plusieurs désordres affectant les travaux réalisés. Il a ainsi indiqué que les fenêtres étaient dépourvues d'un profil spécifique pour en assurer l'étanchéité, que la porte d'entrée n'était pas équipée d'un élargisseur et d'un balai sous porte, qu'il était nécessaire de mettre en place un balai sous porte à la porte de la cave et de l'équiper d'un profil plat de finition afin de compenser l'espace entre dormant et gros oeuvre et qu'il était également nécessaire de procéder au réglage d'un volet roulant.

 

Le locateur d'ouvrage étant tenu d'une obligation de résultat pour ses travaux, l'entrepreneur doit supporter l'entière responsabilité des désordres qui affectent les équipements qu'il a mis en place dans la maison du client.

Il ne peut s'exonérer de sa responsabilité du fait que le maître d'ouvrage aurait assuré la maîtrise d'œuvre des travaux "dès lors qu'il n'est aucunement démontré, ni même soutenu que le client se serait immiscé dans la conception et la réalisation des travaux litigieux". La responsabilité du professionnel est engagée sur le fondement des articles 1142 (ancien) et suivants du code civil en raison des désordres entachant ses travaux pour lesquels il est tenu d'une obligation de résultat.

 

Pour en savoir plus Arrêt de la Cour d’Appel de Metz du 21 février 2017, n°15-03228

 

 

2 - EXEMPLES DE MALFACONS AFFECTANT DES FENETRES

 

Dans le cadre de travaux de rénovation de leur maison sise à Loctudy, des particuliers ont commandé à une société le remplacement des menuiseries extérieures.

 

Les travaux ont eu lieu, mais des malfaçons ont été constatées. Un constat d'huissier a été dressé le 30 octobre 2015 en présence du représentant de la société et de l'expert des clients mettant en évidence divers manquements aux règles de l'art et au Document Technique Unifié (DTU).

 

Par acte d'huissier en date du 30 juin 2016, les clients ont assigné la société devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Quimper aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire. Par ordonnance du 23 août 2016, le juge des référés a débouté les clients de leur demande.

 

Les Juges d'Appel ont reconnu les éléments suivants :

 

« Ces documents font état de divers malfaçons et manquements aux DTU applicables, relevés lors de la visite contradictoire des lieux. Ils précisent notamment que toutes les menuiseries dont les parties s'accordent pour dire qu'elles ont été posées de manière identique, apparaissent de dimensions inférieures aux tableaux existants, qui n'ont pas fait l'objet de redressement après la dépose des anciennes menuiseries. Ils font également état d'un manque de recouvrement de chaque côté des tableaux, d'espaces existant entre les menuiseries et la maçonnerie comblés à l'aide de mousse  polyuréthane, de la fixation à l'aide de tirefonds positionnés de travers entre la maçonnerie et le fond du dormant, non conforme au DTU 36-5, d'appuis de fenêtre posés de façon également non conforme. Il a par ailleurs été constaté qu'un volet battant est posé dans le mauvais sens et empêche de ce fait la mise en œuvre des deux autres car ils se superposent, outre diverses dégradations, (éclats de plâtre, traces de sciage, dépose et repose grossières des caissons des volets roulants...). Ces constatations ont conduit l'expert assistant à préconiser à défaut de la dépose et du remplacement des menuiseries aux bonnes côtes, la dépose des menuiseries et le redressement des tableaux aux bonnes côtes avant repose, relevant malgré tout la dégradation des menuiseries par les percements effectués après sortie d'usine.

 

La société, qui est certes maîtresse et responsable de son art a proposé certaines reprises, distinctes de l'achèvement des travaux en cours, ce qui atteste qu'à tout le moins, elle admet que les travaux exécutés sont perfectibles. Par contre, elle demeure comme le montre son courrier de février 2016 en désaccord avec l'analyse de l'expert sur les non-conformités aux DTU, sur le calcul des côtes des menuiseries et sur certaines réparations préconisées. Ce différend persistant entre les parties sur la conformité même de la pose des menuiseries par l'intimée et non sur de simples travaux de finition, fondement d'un litige potentiel quant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société intimée et le paiement de sa prestation, établit l'existence d'un motif légitime pour le maître d'ouvrage à voir ordonner une mesure d'expertise, sans attendre l'achèvement des travaux ».

 

En raison de ces éléments, l'ordonnance a été réformée et l'expertise ordonnée.

 

Pour en savoir plus Arrêt de la Cour d’Appel de Rennes du 23 mars 2017, n°16-06988

 

 

3 - LA NATURE DECENNALE DES DESORDRES AFFECTANT LES FENÊTRES

 

Pour en savoir plus Consulter la fiche INC "Les assurances construction".

 

Les désordres affectant des baies peuvent être de nature décennale :

"Les désordres affectant les baies, cachés à la réception, rendaient l’ouvrage impropre à sa destination en l’absence d’étanchéité à l’air et à l’eau".

 

Pour en savoir plus Arrêt de la Cour de Cassation en date du 10 mars 2016, n°14-20736

 

L’altération du fonctionnement des menuiseries extérieures en aluminium peut rendre le logement impropre à sa destination :

Un office public d’aménagement et de construction a vendu, à des particuliers, un appartement en l’état futur d’achèvement. Cependant, des désordres affectaient notamment le fonctionnement des menuiseries extérieures en aluminium. Les acheteurs ont donc assigné le vendeur en indemnisation de leurs préjudices.

 

Les Juges d’appel ont rejeté leur demande aux motifs qu’ « il ne résulte ni de l’expertise ni des autres relevés et examens techniques, réalisés à l’initiative des acheteurs, que l’immeuble litigieux est affecté de désordres qui compromettent sa solidité ou qui le rendent impropre à sa destination ».

 

Les Juges de cassation ont cassé l’arrêt d’appel. Les Juges devaient rechercher si « l’impossibilité de le clore ne rendait pas le logement impropre à sa destination ».

 

Pour en savoir plus Arrêt de la Cour de Cassation en date du 2 juin 2016, n°15-16115

 

 

4 - UN DESORDRE DE NATURE ESTHETIQUE AFFECTANT DES FENETRES PEUT ETRE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DU PROFESSIONNEL

 

Un ensemble immobilier a fait l'objet de travaux de réhabilitation. Différents désordres sont apparus dont certains relatifs aux menuiseries extérieures.

 

Selon les Juges d'Appel, « il n’est pas contesté que les désordres affectant les menuiseries sont essentiellement d’ordre esthétique cela notamment par le non-respect des normes prescrites par l’architecte des Bâtiments de France précisément rappelées par les premiers juges. Il a par ailleurs été constaté un défaut d’étanchéité ponctuel".

 

Les Juges ont confirmé le jugement :

 

- en ce qu’il a écarté la responsabilité décennale en l’absence d’atteinte à la destination ou à la solidité de l’ouvrage,

 

- en ce qu’il a retenu la responsabilité contractuelle de la société chargée du gros œuvre, pour exécution non conforme au résultat attendu, et du maître d’œuvre, pour défaut de suivi de chantier en ce qu’il a notamment manqué de veiller à la conformité des menuiseries posées avec les prescriptions de l’architecte des bâtiments de France ».

 

Pour en savoir plus Arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 3 mai 2017, n°14-24636

 

 

5 - UN EXEMPLE D'INDEMNISATION DU MAITRE D'OUVRAGE EN CAS DE MALFACONS TOUCHANT DES FENETRES

 

En 2011, un menuisier ébéniste, a établi, au profit d’un particulier, trois devis pour la fabrication et la pose de quatre fenêtres, pour la fabrication et la pose de deux portes fenêtres et pour la remise en état de la porte d'entrée.

 

Suite à l’apparition de malfaçons, le client a réclamé le paiement des travaux de reprise préconisés par l'expert, outre l'indemnisation de son préjudice moral.

 

L'expert judiciaire a noté de nombreuses malfaçons et des travaux réalisés non conformément aux règles de l'art :

 

  • il existe une absence de travaux préparatoires sur la maçonnerie,
  • les appuis des baies ne sont pas conformes,
  • les vitrages ne sont pas étanches à l'air,
  • la plinthe et la porte d'entrée présentent une mauvaise étanchéité. La plinthe est trop courte et n'est pas assez épaisse pour rejeter l'eau au-delà de la barre de seuil,
  • des défauts de pose des portes-fenêtres du bureau et de la salle de bains ont été constatés ainsi que de la fenêtre des chambres des parents et enfant,
  • les traverses basses dormantes sont grugées sur nombre de menuiseries pour le dégagement du crochet des crémones. Cette disposition ménage des pièges à eau et est aggravée par le fait que les appuis ne sont pas conformes, ce qui facilitera le pourrissement de la traverse basse au niveau de ces entailles,
  • les menuiseries ne sont peintes que sur le parement extérieur et seulement prépeintes sur le parement intérieur ce qui est préjudiciable à la stabilité des ouvrants,
  • les menuiseries ne comportent aucun joint d'étanchéité,
  • les vitrages ne sont pas tous posés en feuillure sur bain de mastic ou autre joint d'étanchéité, ce qui n'est pas conforme à la réglementation. concernant l'acoustique ainsi que l'étanchéité à l'air, à l'eau et au vent.
  • Par ailleurs, l'expert note que les menuiseries ne répondent pas aux critères des normes en vigueur.
  • Abstraction faite des contraintes urbanistiques supplémentaires liées aux périmètres de rénovation de certaines façades dont, en sa qualité de professionnel, il ne pouvait ignorer ces normes et toutes les règles de l'art relatives à la fourniture et à la pose des menuiseries.

A la vue de ces éléments, les Juges d’Appel ont considéré que le professionnel devait donc être déclaré contractuellement responsable des malfaçons affectant les ouvrages réalisés et condamné au paiement des travaux de reprise préconisés par l'expert.

 

La durée des travaux a été évaluée par l'expert à deux mois pendant lesquels le propriétaire a souffert d’un trouble de jouissance qu'il convenait de réparer par l'allocation de la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts.

 

Pour en savoir plus Arrêt de la Cour d’Appel de Montpellier du 09 mars 2017, n°14-01509

 

 

6 - LA NON-EXECUTION DES APPUIS DE FENETRE NE JUSTIFIENT PAS LE REPORT DE LA RECEPTION

Un propriétaire d'un immeuble ancien a entrepris une rénovation - extension pour y créer une activité d'hôtellerie - restauration. A cette occasion, des travaux de menuiserie ont été réalisés.

 

Le propriétaire a refusé de signer le procès-verbal de réception des travaux en raison de l'apparition de fissures. Après expertise, il a assigné les intervenants pour être indemnisé de ses préjudices.

 

Les Juges de Cassation ont considéré qu'« A la date du 5 juin 1999 les travaux de gros œuvre étaient achevés en totalité, seuls les appuis de fenêtre demeurant non exécutés, quoique leur qualité fût contestée, ce qui justifiait tout au plus des réserves dans le procès-verbal de réception, mais non de différer celle-ci ».

 

Pour en savoir plus Arrêt de la Cour de Cassation en date du 16 juin 2016, n°15-15893

 

 

7 - L’INDEMNISATION DU PREJUDICE DE JOUISSANCE SUBI SUITE A UN DEFAUT D'ETANCHEITE

 

Le 7 juillet 2006, des particuliers ont commandé à une société la fabrication et la pose de fenêtres et d’une véranda.

 

Le 23 janvier 2007, alors que les travaux étaient en cours, la société a cédé son fonds de commerce, par branches d’activité, à plusieurs sociétés.

 

Les clients se sont ensuite plaints de l’inachèvement des travaux et de malfaçons.

 

Les Juges d’Appel ont relevé, d’une part, que les « châssis et la véranda avaient été livrés avec retard, d’autre part qu’ils étaient affectés de malfaçons, consistant, pour les châssis, en une non-étanchéité à l’air et un mauvais fonctionnement, et, pour la véranda, en la nécessité de remplacer les bavettes afin de répartir les débordements… ».

 

Au vu de ces éléments, les Juges ont considéré que « ces désordres caractérisent des manquements aux règles de l’art qui engagent la responsabilité contractuelle de la société envers les clients ».

 

Ils ont également confirmé l’existence d’ un préjudice de jouissance des clients, qui a consisté dans l’inconfort et la perte de chaleur résultant « du défaut d’étanchéité des châssis et de la véranda ».

 

Pour en savoir plus Arrêt de la Cour d’Appel de Colmar, 2ème chambre, du 12 mai 2017, n°14-03243

 

 

 

Virginie Potiron,

Juriste à l'Institut national de la consommation


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