Assurance automobile : le vol sans effraction
Fiche pratique J 330
Les vols (ou tentatives de vol) de voitures représentent 49 000 déclarations des ménages en France en 2016.
Bien que les vols sont beaucoup moins fréquents qu'il y a une dizaine d'années, ils sont cependant moins bien pris en charge par les assureurs, notamment lorsque le véhicule est retrouvé. En cause ? L'absence de traces d'effraction liée aux nouvelles méthodes de vol.
Ces méthodes ne laissent aucune trace, alors même que le véhicule a bien été volé : il est retrouvé à plusieurs kilomètres du domicile, souvent endommagé, voire impliqué dans un accident de la circulation, à l'insu de son propriétaire.
1 - Les conditions du vol prévues dans les contrats d'assurance
2 - C'est à l'assuré de rapporter la preuve du dommage, mais la preuve est libre
3 - Limiter les moyens de preuve s'apparente à une clause abusive
4 - Exemples jurisprudentiels de faisceaux d'indices permettant de prouver le vol du véhicule
5 - Que faire en cas de litige ?
1 - Les conditions du vol sont prévues dans les contrats d'assurance
Les assureurs précisent dans leurs polices d'assurance que le vol est assuré lorsqu'est établie l'effraction en vue de dérober le véhicule, tout en énumérant les indices matériels permettant de caractériser une effraction : détériorations du véhicule, forcement de la direction, du système antivol, du coffre, des serrures, vitres cassées, indices de pénétration dans l'habitacle.
Trois points à soulever :
1 - Il faut que le vol soit prévu dans la police d'assurance. Un contrat d'assurance automobile au tiers ne couvre que la responsabilité civile obligatoire et pas le vol. Il faut donc être assuré tous risques et que la garantie vol soit comprise dans le contrat.
2 - Il ne faut pas que le vol du véhicule procède d'une négligence de la part de l'assuré (exemple : le vol de la clé parce que l'assuré l'a laissée à portée de main sur une table), article L. 113-1 du code des assurances. En revanche, si le vol de la clé résulte d'une agression, l'assuré doit avoir été vigilant en déposant plainte et en changeant les serrures, surtout si cette formalité est exigée par le contrat d'assurance.
3 - Les développements qui suivent s'appliquent dans les cas où le véhicule est retrouvé.
Dans son rapport annuel de 2017, le Médiateur de l'assurance a indiqué que "La garantie vol, dans le cadre des contrats d'assurance automobile, est souvent conditionnée à l'existence d'une effraction et parfois même, à certaines types d'effraction seulement. Certains contrats garantissent le vol "simple", l'effraction n'étant pas érigée comme condition de garantie mais comme un élément de preuve pouvant démontrer le vol".
2 - C'est à l'assuré de rapporter la preuve du dommage, mais la preuve est libre (article 1353 du code civil)
Selon l'article 1353 du code civil "celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver", ce qui signifie que c'est à l'assuré de rapporter la preuve que son dommage est constitué, conformément aux conditions contractuelles.
Dans le cas d'une tentative de vol, c'est à l'assuré de rapporter la preuve que son véhicule a bien été volé. Or, la plupart des contrats automobiles exigent une preuve de l'effraction, qui parfois ne peut être rapportée.
Ainsi, comme le préconise le Médiateur de l'assurance dans son rapport annuel de 2017, "en cas de vol, l'assuré peut se trouver dans l'incapacité de démontrer formellement le sinistre. Face à une preuve impossible à rapporter, il lui appartient de tenter d'établir que les conditions de garantie sont remplies et de démontrer par tout moyen la matérialité du sinistre".
La jurisprudence a également condamné les polices d'assurance qui mentionnent un nombre restreint d'éléments qui démontrent l'effraction "sous couvert de définir l’effraction, l’assureur ne peut valablement limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors d’une part, qu’en application de l’article 1315 du code civil [devenu l'article 1353], cette preuve est libre et que, d’autre part, le mode de preuve restrictif [...] ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en oeuvre pour le vol des véhicules" (CA Paris, pôle 2 - ch. 5, 6 déc. 2016, n° 16/02405).
CA Paris, pôle 2 - ch. 5, 6 déc. 2016, n° 16/02405. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Paris/2016/CD3649398F8AA26A27D36
Désormais, les juges exigent la preuve d'un faisceau d'indices qui rendent vraisemblable l'intention des voleurs. "Il convient en réalité de se référer à la notion 'd’indices sérieux rendant vraisemblable l’intention des voleurs'. Le véhicule ayant été déplacé au cours de la nuit, il y a lieu de considérer que ce déplacement, d’ailleurs non contesté par l’assureur, constitue un indice sérieux rendant vraisemblable l’intention des voleurs, permettant de faire jouer la garantie vol" (CA Nancy, 1re ch., 6 févr. 2017, n° 16/00157).
Ainsi, le Médiateur de l'assurance précise qu'"en cas de doute de l'assureur sur l'existence même du sinistre ou ses conditions de réalisation, il lui revient de démontrer que les faits n'ont pu se produire comme l'assuré les as déclarés. Dès lors, en l'absence de preuve de mauvaise foi de l'assuré ou du caractère erroné de la déclaration de sinistre, l'assureur ne saurait dénier, purement et simplement, sa garantie".
3 - Limiter les moyens de preuve s'apparente à une clause abusive (article R. 132-2 du code de la consommation)
L'article R. 132-2 du code de la consommation, en son point 9, indique que sont présumées abusives les clauses ayant pour effet ou pour objet de "limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur".
Une décision récente du tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 5 janvier 2017 a décidé qu'"Au motif de définir l'effraction (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement) l'assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu'en application de l'article 1315 du code civil (dans sa codification antérieure au 1er octobre 2016, applicable au litige et codifié depuis sous le n°1353) cette preuve est libre et outre son caractère restrictif, ce mode de preuve qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en oeuvre pour le vol des véhicules, contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation " (TGI Paris, 5ème chambre, 2ème section, 5/01/2017, n° RG 15/06093).
En effet, les assureurs sont parfaitement au courant des nouvelles méthodes de vol des véhicules, les ignorer prive leurs contrats d'efficacité vis-à-vis des assurés, ce qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
4 - Exemples jurisprudentiels de faisceaux d'indices permettant de prouver le vol du véhicule
- Véhicule déplacé dans la nuit (CA Nancy, 1ère Ch., 6 février 2017 RG n° 16/00157).
- Découverte d’un véhicule abandonné sur la voie publique et non pas à l’endroit où il était déclaré garé (CA Montpellier, 1ère Ch. B, 1er février 2017, RG n° 14/01560) : "le véhicule a été récupéré par la fourrière, dans des conditions indéterminées qui ne permettent donc pas de rejeter la réalité d’un déplacement du véhicule et donc d’un vol, les constatations opérées unilatéralement et dans un délai variant entre trois mois et deux ans ne permettant pas d’opposer à l’assuré l’absence de traces matérielles de vol, ou a fortiori une fausse déclaration'",
- Déplacement certain du véhicule qui implique une effraction de la colonne de direction par un biais électronique (CA Montpellier, 1ère Ch. B, 10 janvier 2017, RG n° 14/00872) : "l'assuré démontre l'effraction de la colonne de direction du véhicule, le contrat ne permettant pas de lui opposer la nécessité du caractère mécanique de cette effraction, et la démonstration étant suffisante par cet assuré non seulement de la soustraction frauduleuse de son véhicule, mais aussi du contournement du blocage de sa direction puisque le véhicule a été déplacé de plusieurs kilomètres, nécessairement par un procédé électronique".
- Véhicule calciné et ne comportant qu’un seul barillet sur la porte avant gauche. Si ce barillet, l’antivol de direction et la colonne de direction ne comportaient pas des traces visibles d’effraction, les vitres du véhicule avaient disparu du fait de l’incendie, de telle sorte que personne ne peut exclure que l’une d’elle ait été brisée (CA Versailles, 3ème chambre, 2 novembre 2017, RG n° 15/09035).
5 - Que faire en cas de litige ?
En cas de désaccord persistant ou si vous contestez l’application de vos garanties, vous devez, au préalable, contacter le service réclamation de votre assureur, dont les coordonnées sont indiquées à la fin de votre contrat.
La notice d’information ou le projet de contrat qui vous sont remis avant la conclusion du contrat doivent contenir les cordonnées des services réclamations ainsi que celles du médiateur de la consommation compétent (article L. 112-2 du code des assurances).
Si, à réception de la réponse du service compétent, vous n’êtes toujours pas satisfait, vous pouvez saisir le Médiateur de l’assurance directement sur son site Internet ou par lettre, recommandée avec accusé de réception de préférence (voir la lettre-type de l'INC) :
Médiateur de l'assurance (compagnies d'assurance et mutuelles)
La Médiation de l'Assurance
TSA 50110
75441 PARIS Cedex 09
https://www.mediation-assurance.org
Il est rappelé sur le site de la médiation qu' "Avant toute démarche auprès du Médiateur vous devez :
1 - Respecter la procédure de réclamation prévue par votre contrat.
2 - Vérifier que votre assureur ou intermédiaire est adhérent à la Médiation de l'Assurance.
3 - Constituer un dossier complet à destination du Médiateur.
Vous pouvez saisir le Médiateur directement ou en faisant appel à un avocat. Vous pouvez vous faire représenter ou assister par un tiers de votre choix à tous les stades du processus de médiation. De même, vous avez la possibilité de solliciter l'avis d'un expert. Ces frais d'assistance sont à votre charge".
Vous pouvez également vous faire assister par une association nationale de consommateurs agréée.
Fanny JOFFROIS,
Juriste à l'Institut national de la consommation