Dieselgate, une décision en faveur du consommateur
Jurisprudence
La Cour de cassation s’est prononcée sur la validité d'un contrat de vente d'un véhicule concerné par le scandale dit du "Dieselgate".
Pour mémoire, le scandale consiste en l’installation sur les véhicules neufs, d’un logiciel permettant de minorer les mesures d’émissions polluantes lors des tests d’homologation. Plusieurs constructeurs automobiles sont concernés, au premier rang desquels Volkswagen.
La décision est importante à plus d'un titre. C'est la première décision des tribunaux judiciaires sur cette affaire et la Cour de cassation examine la conformité du véhicule non seulement au regard du Code civil, mais aussi de la Charte de l'environnement et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Quels sont les recours des consommateurs concernés par l’achat d’un véhicule équipé d’un tel dispositif, qui n’empêche pas de circuler, mais qui est destiné à réduire artificiellement les résultats lors des contrôles ?
L’affaire arrive pour la deuxième fois devant la Cour de cassation après 9 ans de procédure (TGI Pau 24 septembre 2019, CA Pau 27 avril 2021, Cass. Civ 1, 7 décembre 2022, CA Bordeaux 9 novembre 2023).

Cour de cassation, Civ.1, 24 septembre 2025, pourvoi n° 23-23869
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Les faits
En février 2010, un consommateur passe un contrat de location avec option d’achat auprès de la Société Volkswagen.
Le véhicule est acquis par Volkswagen Bank auprès de Volkswagen group.
Le 22 avril 2010, le véhicule Volkswagen est livré au consommateur.
Le 1er avril 2014, M.Y lève l’option d’achat et devient propriétaire du véhicule.
A partir du mois de novembre 2015, le consommateur est averti par VW de l’ouverture d’une enquête sur les équipements des moteurs diesel, destinés à tromper les mesures anti-pollution.
Puis en 2016, il est informé par VW que son véhicule est équipé de ce logiciel et qu’il est nécessaire de le mettre à jour.
En décembre 2016, le consommateur assigne le constructeur VW group et la banque VW Bank pour faire annuler la vente, en invoquant une délivrance non conforme et subsidiairement, en nullité et en indemnisation, invoquant une erreur sur les qualités substantielles de la voiture et l'existence de pratiques commerciales trompeuses. |
La Cour de cassation apporte les réponses aux questions suivantes :
L’action du demandeur est-elle recevable ?
Le consommateur demande la résolution du contrat pour manquement à l’obligation de délivrance conforme et subsidiairement demande la nullité du contrat pour erreur sur les qualités substantielles.
Les sociétés Volkswagen soulèvent l’irrecevabilité de l’action du consommateur en invoquant la prescription. Selon Volkswagen, le délai de prescription de 5 ans court à partir du jour de la livraison du véhicule en 2010.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel de Bordeaux et l’application de l’article 2224 du code civil. Il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas.
Le délai de prescription de l’action se prescrit par 5 ans à compter du jour où l’acquéreur a connu ou aurait dû connaitre le défaut de conformité allégué soit à partir des courriers de rappel de Volkswagen en 2015. L’action n’est donc pas prescrite et est recevable.
Cette décision a pour effet d’aligner les régimes de prescription en matière des actions en délivrance conforme, en garantie des vices cachés, et en nullité pour vices du consentement. Le point de départ du délai de 5 ans court à compter du jour de la découverte du vice.
Le vendeur a-t-il manqué à son obligation de délivrance conforme en livrant un véhicule équipé d’un logiciel interdit par la règlementation européenne (articles 1603 et 1604 du code civil) ?
L’obligation de délivrance s’entend de la remise de la chose que l’acheteur est en droit d’attendre au regard des indications expresses ou tacites du contrat.
La Cour estime que l’implantation d’un logiciel destiné à tromper les mesures d’émission d’oxyde d’azote est interdite par le règlement européen, ce qui constitue, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, un défaut de conformité (CJUE, 17 décembre 2020, C-693).
La non-conformité du bien ne se limite pas à son aptitude à l’usage ou à la conformité du bien commandé mais également au regard de sa conformité à la réglementation qui lui est applicable (en l’espèce le règlement (CE) n° 715/2007).
Peu importe que le véhicule soit couvert par une réception CE et puisse être utilisé sur la route sans que le consommateur fasse la mise à jour du véhicule.
Ce manquement est-il d’une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat ?
La Cour de cassation estime que la livraison d’un véhicule équipé d’un tel dispositif "caractérise un manquement grave du vendeur à son obligation de délivrance conforme, justifiant la résolution du consentement de l’acheteur du contrat".
La procédure de rappel en raison d’un risque de non-conformité administrative constitue un défaut de conformité entrainant la résolution de la vente quand bien même le véhicule a été homologué et que le consommateur a pu utiliser son véhicule pendant 13 ans sans faire de mise à jour du logiciel d’invalidation.
La Cour de cassation appuie son raisonnement sur les articles 1 et 2 de la Charte de l’environnement qui consacrent le droit de vivre dans un environnement sain et le devoir de chacun de préserver l’environnement.
Y a-t-il eu vice du consentement pour erreur sur les qualités substantielles (articles 1109 et 1110 du code civil) ?
Le consommateur était en droit de penser qu’il achetait un véhicule dont la conception était licite au regard des normes environnementales et non équipé d’un dispositif d’invalidation interdit par la règlementation.
De ce fait, son consentement a été vicié. Peu importe que l’acquéreur n’ait pas fait du taux d’émission une condition déterminante de son consentement.
Cet arrêt de la Cour de cassation apporte une solution juridique à tous les acquéreurs de véhicules équipés de dispositifs d’invalidation des normes anti-pollution.
Françoise Hébert-Wimart
Juriste à l'Institut national de la consommation





