Que reste-t-il de la loi Alur ? Zoom sur les points stoppés dans leur élan


Quatre ans... La loi "Alur" ou "Duflot", en date du 24 mars 2014, a déjà quatre ans. Des objectifs modernes, ambitieux et des mesures importantes étaient annoncées dans l'exposé des motifs de ce texte.


"Face à la dégradation des conditions d'accès au logement et l'exacerbation des tensions sur les marchés immobiliers, le présent projet de loi vis(ait) à mettre en œuvre une stratégie globale, cohérente et de grande ampleur destinée à réguler les dysfonctionnements du marché, à protéger les propriétaires et les locataires, et à permettre l'accroissement de l'offre de logements dans des conditions respectueuses des équilibres des territoires".

 

Malheureusement, certaines mesures d'application n'ont jamais été adoptées. Certaines ont été supprimées. Des modifications ont été prises à toute allure.

 

L'Institut National de la Consommation vous propose un bilan succint de l'application de la loi Alur, et ce, avant l'adoption d'un nouveau texte important dans le secteur du logement : la future loi ELAN ou loi relative à l'évolution du logement et à l'aménagement numérique. Une conférence de consensus sur le logement est organisée préalablement au dépôt du projet de loi.

 

À noter L'échéancier de mise en application de la loi est consultable sur le site www.legifrance.gouv.fr.

 

 

1 - L'ENCADREMENT DES LOYERS

La loi Alur est venue autoriser l'encadrement des loyers dans le parc privé. Le principe est fixé par l'article 18 de la loi du 6 juillet 1989.

 

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de concertation, peut fixer annuellement le montant maximum d'évolution des loyers des logements vacants et des contrats renouvelés dans certaines zones.

 

Il s'agit :

 

  • des zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants,
  • où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements,
  • entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social.

Le décret prévoit des adaptations particulières, notamment en cas de travaux réalisés par les bailleurs ou de loyers manifestement sous-évalués.

 

Le décret du 29 juillet 2015 est venu préciser les modalités d'application de cette mesure, expérimentale et visant les agglomérations volontaires.

 

Le texte voté par le Parlement en mars 2014 prévoyait son application dans 28 grandes agglomérations. Son application fût finalement restreinte à Lille et à Paris.

 

Le 17 octobre 2017, le tribunal administratif a annulé ce dispositif à Lille. Sur le fond, le tribunal juge que le dispositif de plafonnement des loyers ne pouvait pas être appliqué dans la seule commune de Lille. Ce dispositif, dont le Conseil d’Etat a rappelé qu’il ne pouvait pas se limiter aux seules communes qui se portent volontaires, doit être mis en œuvre dans l’ensemble de l’agglomération lilloise. Ainsi, cette collectivité, qui comprend 59 communes, doit être regardée dans son ensemble comme constituant une "zone tendue" pour l’application du dispositif de plafonnement et, plus généralement, d’encadrement des loyers, alors même que la commune de Lille, à elle-seule, présenterait les caractéristiques d’une telle zone.
 

Le 28 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé les trois arrêtés préfectoraux établissant l’encadrement des loyers sur le territoire parisien. Il a jugé que la mesure aurait dû être étendue aux communes de banlieue. La Ville de Paris a demandé à l’Etat de faire appel de cette décision "afin de garantir d’urgence la sécurité juridique de l’encadrement des loyers".

 

Cette décision pose de nombreuses questions juridiques, dont celle de savoir les conséquences pour les contrats en cours.

 

Pour en savoir plus La fiche pratique de l'INC " Mieux comprendre l’encadrement des loyers à Paris ".

 

 

2 - COPROPRIETES

Le registre des copropriétés

La loi Alur a créé le registre national d'immatriculation des copropriétés. Le décret du 26 août 2016 est venu préciser les modalités liées à cette nouvelle obligation.

 

Ces dispositions sont applicables, depuis le 31 décembre 2016, pour les syndicats de copropriétaires comportant plus de 200 lots et, depuis le 31 décembre 2017, pour les syndicats de copropriétaires comportant plus de 50 lots. Ce sera le cas, à partir du 31 décembre 2018, pour les autres syndicats de copropriétaires.

 

Malheureusement, les données par copropriété ne sont actuellement pas accessibles.

 

Ce retard de mise en ligne est dommageable pour les copropriétés. En effet, les honoraires du syndic pour réaliser cette mission ont parfois été très élevés, mais l'efficacité de cette mesure est actuellement inconnue.

 

Pour en savoir plus La fiche pratique de l'INC "Le registre national d'immatriculation des syndicats de copropriétaires".

 

Depuis la fin du mois de janvier 2018, le registre donne accès à certaines statistiques générées par région, département ou intercommunalité : https://www.registre-coproprietes.gouv.fr/#/statistiques

 

La fixation du plafond des honoraires par le syndic pour la réalisation de l'état daté

Lors de la vente d'un bien en copropriété, le syndic établit certains documents destinés à faire le bilan des sommes dues par le vendeur.

 

L'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 précise que " les honoraires du syndic afférents aux prestations qu'il doit effectuer pour l'établissement de l'état daté à l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot ou d'une fraction de lot" sont "imputable au seul copropriétaire concerné".

 

Le texte ajoute que "les honoraires ou frais perçus par le syndic au titre des prestations susmentionnées ne peuvent excéder un montant fixé par décret".

 

Cependant, le décret n'a jamais été publié.

 

Cette absence est dommageable pour les copropriétaires, qui se voient parfois facturés des sommes excessives.

 

Pour en savoir plus La fiche pratique de l'INC "Comment décrypter un contrat de syndic ? Les 10 points essentiels"

 

 

3 - LE DIAGNOSTIC AMIANTE

Lors d'une location, un dossier de diagnostic technique, fourni par le bailleur, est annexé au contrat de location lors de sa signature ou de son renouvellement. Cette disposition est prévue par l'article 3-3 de la loi du 6 juillet 1989.

 

Depuis la loi Alur, il doit comprendre :

 

  1. le diagnostic de performance énergétique,
  2. le constat de risque d'exposition au plomb,
  3. une copie d'un état mentionnant l'absence ou, le cas échéant, la présence de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante,
  4. un état de l'installation intérieure d'électricité et de gaz,
  5. dans certaines zones, l'état des risques naturels et technologiques.

Deux décrets de 2016 sont venus encadrer les états des installations intérieures d'électricité et de gaz.

 

Un décret en Conseil d'Etat devait définir les modalités d'application relatives au diagnostic amiante, notamment la liste des matériaux ou produits concernés. Ce texte est toujours en attente de publication.
 

Pour en savoir plus La fiche pratique de l'INC "Les diagnostics immobiliers en cas de vente, location immobilières ou dans une copropriété ? Le mémo"

 

 

4 - L'ADAPTATION DES CARACTERISTIQUES DE DECENCE AUX LOGEMENTS LOUES EN COLOCATION ou DANS LES ERP

La loi Alur a prévu l'adaptation des caractéristiques de décence aux logements loués en colocation ou dans les établissements recevant du public aux fins d'hébergement.

 

Ces dispositions sont prévues respectivement par l'article 8-1, II de la loi du 6 juillet 1989 (logements en colocation) et l'article L. 632-1, II du code de la construction et de l'habitation (local meublé loué à usage de résidence principale dans les établissements recevant du public aux fins d'hébergement).

 

Les décrets définissant la notion de décence dans ces cas particuliers sont en attente de publication. Celle-ci était envisagée pour le mois de mars 2015.

 

Pour en savoir plus La fiche pratique de l'INC "Logement insalubre ou indécent : des exemples jurisprudentiels".

 

 

5 - LE CONTRÔLE DES ACTIVITES DE LA TRANSACTION ET DE LA GESTION IMMOBILIERES

La loi Alur a créé deux nouvelles instances :

 

  • le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), qui a essentiellement une fonction de conseil afin de concourir au bon exercice des activités des professionnels de l'immobilier,
  • la commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières, qui était une instance disciplinaire.

L’article 124 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté est venu modifier ces dispositions.

 

La commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières, créée par la loi Alur avec le Conseil national (CNTGI), disparaît au profit de ce dernier. C’est donc au CNTGI que le rôle de la commission incombera.

 

L'article 13-1 de la loi Hoguet du 2 janvier 1970, tel que modifié par les lois précitées, encadre les missions de cette instance :

 

1. Le conseil propose :

 

  • les règles constituant le code de déontologie,
  • la nature de l'obligation d'aptitude professionnelle,
  • la nature de l'obligation de compétence professionnelle,
  • la nature et les modalités selon lesquelles s'accomplit la formation continue.

2. Le conseil est consulté pour avis sur l'ensemble des projets de textes législatifs ou réglementaires relatifs à l'exercice de ces activités.

 

3. Désormais, le CNTGI exerce une mission disciplinaire. Après enquête, il prononce des sanctions disciplinaires, à l'encontre des personnes exerçant une activité "immobilière" et définie par la loi, lorsqu'il s'agit de personnes morales, de leurs représentants légaux et statutaires.

 

Le décret du 10 mai 2017 vient réglementer cette nouvelle instance. Les dispositions entreront en vigueur le 1er juillet 2018, soit plus de quatre ans après l'adoption de la loi Alur. De plus, le pré-projet de loi relatif au logement dit "ELAN" prévoit de revoir le rôle du CNTGI.

 

 

6 - LA GARANTIE UNIVERSELLE DES LOYERS

La loi Alur de 2014 prévoyait la mise en place d'une garantie universelle des loyers (GUL). Ce dispositif, qui visait tous les locataires, a été abandonné en 2016 et a été remplacé par Visale, qui concerne essentiellement les salariés précaires.

 

 

 

 

Virginie Potiron,

Juriste à l'Institut National de la Consommation

 

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