Rapports 2013 des deux principaux médiateurs des assurances


 

27/11/2014

 

 

  Attendus chaque année tant par les professionnels concernés que par les associations de consommateurs et les assurés de risques de masse, les rapports des médiateurs du GEMA et de la FFSA sont sources d'informations très importantes quant au contentieux relatif au droit du contrat d'assurance.
 
Ils sont une véritable "vigie" aux fins d'améliorer des pratiques ici ou là contestables quant à la relation contractuelle liant l'assuré à l'assureur.

Ils expriment également la volonté, toujours présente depuis leur mise en place à la fin des années 1980 début des années 1990, des professionnels de privilégier la résolution amiable des litiges de toute nature.
 
Il est toujours préférable d'apaiser au maximum les relations assurés-assureurs en évitant le recours au juge judiciaire dont l'aléa est quelques fois, notamment via la fameuse appréciation souveraine des juges du fond dans de très nombreux domaines, source d'angoisse pour les deux parties.
 
Quels sont les éléments clefs des rapports des deux principaux médiateurs de l'assurance ?
 
Après une synthèse des éléments du rapport de la médiateur du GEMA (I), un résumé de celui de la FFSA sera présenté (II)

 

 

 

 


I  - Synthèse du rapport du médiateur du GEMA
II - Synthèse du rapport du médiateur de la FFSA

 

 


I - SYNTHESE DU RAPPORT DU MEDIATEUR DU GEMA
 
A - Les éléments quantitatifs clefs du rapport : une saisine de plus en élevée et des objets de réclamations limités
 
Bien que limitée sur des secteurs d'assurance donnés (automobile et habitation) (b), la saisine du médiateur explose d'année en année (a).
 
a - Une explosion de la saisine du médiateur : +120 % depuis 2010
 
L'information essentielle à retenir de ce rapport est une augmentation constante de la saisine du médiateur.
 
L'augmentation s'est chiffrée entre 2012 et 2013 à 33 %. 95 % des saisines sont faites à l'initiative des assurés. Cela permet de démontrer que les membres du GEMA sont soucieux de la communication de ce dispositif de résolution des conflits.
 
A ce titre les professionnels ont tout à gagner à la mise en place de ce dispositif gratuit et relativement rapide (entre trois et cinq mois).
 
Il est intéressant de constater que sur les 1730 saisines, 727 dossiers ont été ouverts en prémédiation c'est-à-dire que ces dossiers ont été transmis au médiateur du GEMA sans que l'ensemble des voies de recours internes ait été épuisées.
 
Il est donc essentiel au regard du pourcentage de dossiers dite en prémédiation (42 % des saisines) que l'assuré soit informé de cette règle essentielle : seul l'épuisement total des recours internes à chaque société d'assurance mutuelle (recours hiérarchique, service client, service consommateurs…) permet au médiateur d'étudier le dossier sur le fonds.
 
Le rapport tient à rappeler d'autres motifs d'irrecevabilité qui sont essentiellement :

 

 

1 - La société d'assurance avec laquelle l'assuré rencontre un litige n'est pas adhérente au protocole de médiation du GEMA.
2 - Le demandeur de la médiation est un tiers au contrat d'assurance souscrit par une mutuelle adhérente du GEMA.

Exemple : Monsieur M, assuré auprès d'une mutuelle adhérente du GEMA, est blessé par monsieur D son voisin au cours d'un repas dominical.
Monsieur M actionne la garantie défense recours de son contrat multirisques habitation afin d'être indemnisé de son dommage auprès de l'assureur de monsieur D.
Le médiateur du GEMA ne peut être saisi pour les difficultés que monsieur martin rencontre avec l'assureur de monsieur Dumont dans les différentes étapes du recours et/ou de l'indemnisation.
 
En effet le médiateur du GEMA ne peut se positionner que sur une relation contractuelle liant un assuré avec une société d'assurance membre du GEMA.

 

 

3 - La motivation des résiliations décidées par l'assureur.

En effet nous sommes en présence d'un élément de politique commerciale propre à chaque assureur et le médiateur du GEMA ne peut statuer sur de telles considérations. Seul l'assureur est à même de déterminer quel ratio/combiné (Coût des Sinistres/totalité des primes collectées) il souhaite obtenir.
 
Toutefois, les modalités de la résiliation décidées par l'assureur permettent au médiateur d'être saisi. Nous sommes en effet en présence de règles techniques de droit des assurances tel le respect de l'envoi d'une lettre recommandée en cas de résiliation à échéance annuelle.
 
Au-delà de l'avis que le médiateur du GEMA rend et qui s'impose à la société concernée (voir paragraphe 1 du protocole de la médiation du GEMA), ce même médiateur peut être sollicité, en matière d'assurance protection juridique, comme arbitre en cas de désaccord entre l'assureur et l'assuré au sujet de mesures à prendre pour régler un différend (voir article L. 127-4 du code des assurances)
 
Enfin, le médiateur face à des pratiques de saisines « procédurières » rappelle qu'il ne peut être saisi par assuré que de deux litiges par an.
 
En guise de conclusion sur cet aspect statistiques des saisines, des mutuelles qui jusqu'à présents n'étaient pas soumises à la charte de la médiation du GEMA y ont fait leur entrée par conséquent l'augmentation du nombre de saisine du médiateur entre 2012 et 2013 peut s'expliquer en partie à cause de ces nouvelles entrées.
 
b - Les secteurs les plus concernés par la médiation et l'objet des demandes de médiation
 
Sans surprise, les deux types de contrats qui font l'objet de recours  auprès du médiateur sont le contrat d'assurance automobile et le contrat d'assurance multirisques habitation.
 
Ces deux contrats représentent 78 % des demandes de médiation. Ceci s'explique tout naturellement par le nombre de litiges dans lesquels les garanties de ces deux contrats sont susceptibles de jouer.
Le troisième type de contrat qui est à l'origine d'une saisine relativement importante du médiateur (15 %) concerne les assurances de personnes (assurance prévoyance, assurance vie).
 
A ce titre le médiateur tient à souligner qu'une procédure spéciale a été mise en place par ses services aux fins de recevoir les pièces médicales du dossier. En effet dès lors que l'autorisation de transmission des pièces a été signée par l'assuré (condition essentielle) et envoyée au médiateur, le médecin conseil de la société d'assurance partie au litige ne peut opposer pour motif de refus de remettre ces pièces le secret médical.
 
En effet ce dernier appartient uniquement à la personne concernée et non à son docteur.
L'objet des litiges sont essentiellement de trois ordres :

 

 

1 - la problématique des preuves des dommages ou de l'exécution des conditions de garantie
Exemple : Le médiateur illustre, dans le panorama quantitatif de son rapport
2 - l'évaluation des dommages
3 - l a contestation de responsabilité.

La très grande majorité des avis (85 %) sont rendus en droit, ceux rendus en équité ne sont de l'ordre que de 4 %, le reste des dossiers combine le droit et l'équité (11 %).
 
A noter que 75 % des demandes qui parviennent au médiateur sont rejetées. Ce chiffre exprime, d'après le médiateur, la qualité de décisions rendues par les services de gestion des litiges des sociétés d'assurance qui interviennent en amont de la médiation.
Seul 8 % des dossiers dont le médiateur est saisi retiennent totalement l'argument soulevé par l'assuré et lui donnent par conséquent entièrement satisfaction.
 

B - Quelques éléments techniques du droit des assurances soulevés par le rapport : des simples rappels aux précisions
 
Au-delà des éléments généraux du droit du contrat d'assurance que le médiateur rappelle suite aux litiges dont il a été saisi (a), un focus sur l'assurance protection juridique et quelques cas d'espèce est réalisé (b).
 
a - Eléments généraux de droit du contrat d'assurance : les conseils (ou exigences ?) du médiateur
 
Ce rapport est source de quelques rappels en terme de droit du contrat d'assurance toujours les bienvenu.
La déclaration initiale des risques : la fin des déclarations pré-rédigées
 
Suite à la jurisprudence de la chambre mixte de la Cour de cassation du 07 février 2014 relative au format que la déclaration initiale des risques doit prendre, le médiateur du GEMA profite de ce rapport pour appeler l'ensemble des assureurs mutualistes à la nécessité, en cas de volonté de soulever la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle ou non, de produire le questionnaire qui retrace la totalité des questions et des réponses qui y ont été apportées lors de la phase de souscription du contrat.
 
"Le médiateur signale que, conformément à la jurisprudence qui a été rendue en 2014, l'appréciation du support de la déclaration du risque était une étape préalable à toute interrogation sur le fond, c'est-à-dire une déclaration fausse ou inexacte, de bonne ou de mauvaise foi. Si le support ne permet pas de considérer que de telles questions ont été posées et qu'il a été obtenu telles réponses, il importe peu de s'interroger sur la bonne ou mauvaise foi du souscripteur, ou les autres conditions des sanctions prévues par les articles L.113-8 et L. 113-9 du code des assurances".
 
Le devoir d'information et de conseil en phase précontractuelle et en cours de contrat
 
Le médiateur tient à rappeler aux assurés qui font valoir un défaut d'information ou de conseil de l'assureur, qu'en cas de constatation d'un défaut de conseil, le préjudice engendré ne peut être qu'évalué sous forme de perte de chance. Il est impensable d'obtenir une indemnisation du montant des dommages subis.
Exemple (cité dans le rapport) : Un assuré se fait construire une piscine et souhaite souscrire une option spécifique "piscine" rattaché à son contrat d'assurance multirisques habitation.
 
L'intermédiaire d'assurance oublie de cocher la case "option piscine" lors de la souscription du contrat.
 
Un dommage se produit et la garantie « piscine », non souscrite, ne peut être actionnée.
L'assuré se retourne vers son intermédiaire et l'assureur pour défaut de conseil.
Le dossier remonte jusqu'au médiateur qui conclut au défaut de conseil de l'assureur entrainant pour l'assuré une perte de chance de souscrire l'option, qu'il a évaluée à 85% de l'estimation des dommages faite par l'expert.
Le médiateur tient à rappeler que le courtier d'assurance peut avoir une double casquette : mandataire de l'assuré et mandataire de l'assureur (voir Cass. civ. I, 22 octobre 1996, n°94-15613).
 
Par conséquent, en cas de défaut de transmission d'information entre le courtier et la société d'assurance, notamment quant à des éléments de déclaration des risques sur la bonne santé de l'assuré en matière d'assurance emprunteur, la société d'assurance ne peut opposer à l'assuré qu'elle n'était pas au courant de ces éléments pour refuser sa garantie.
 
Elle doit par conséquent répondre des fautes de son mandataire (le courtier, voir article L. 511-1, III du code des assurances) et répondre à la demande de l'assuré qui souhaitait voir enclencher une garantie.

b - Eléments particuliers : au-delà des difficultés rencontrées quant à l'assurance protection juridique, quelques cas d'espèces

Dans ce rapport, les services du médiateur tiennent à repréciser quelques éléments en matière d'assurance protection juridique.
 
Liberté de choix de l'avocat et prise en charge des frais et honoraires
 
"L'art de la pédagogie est de répéter". Ce dicton est parfaitement applicable à la question de la prise en charge des frais d'honoraires de l'avocat dans le cadre de la garantie de protection juridique.
En effet conformément à l'article L.127-3 du code des assurances, l'assureur protection juridique précise à son assuré la liberté dont il dispose quant au choix de son conseil. L'assureur ne peut lui imposer un nom.
 
Toutefois cette liberté de choix n'impose pas le règlement total des honoraires.
 
En effet l'assureur PJ impose un barème d'honoraires dans le contrat qui le lie avec son assuré.
Toutefois la convention d'honoraire obligatoirement souscrite entre l'assuré et son avocat est libre et peut-être conclue hors barème.
L'assureur n'est donc pas tenu de prendre en charge les honoraires qui dépassent ceux du barème.
 

 

 

 

II - SYNTHESE DU RAPPORT DU MEDIATEUR DE LA FFSA
 
Le constat essentiel que le médiateur de la FFSA  dresse pour l'année 2013 est une explosion de la saisine de ces services. Plus de 10 000 demandes ont été enregistrées au cours de l'année dernière.
 
Le service de   médiation est donc en première ligne quant à la gestion de contentieux que le droit du contrat d'assurance est à même de développer.
 
Quels sont les aspects principaux du rapport du médiateur de la FFSA ?
Quels sont les chiffres clefs à retenir ?
 

A - Les chiffres clefs : de plus en plus de litiges répartis inégalement entre assurance de biens et de responsabilités et assurance de personnes

a - Une explosion de la saisine du médiateur : phénomène prévisible qui ne cesse de s'intensifier
 
10 461 demandes de médiation ont été reçues selon les services du médiateur de la FFSA entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013 soit une progression de plus de 96 % depuis 2010.
Cette explosion des demandes de médiation s'explique par le médiateur principalement pour trois raisons :

 

 

1 - Le consommateur privilégie  la médiation de préférence à la voie judiciaire
2 - La persistance de la crise économique
3 - La modification sensible de comportements

Ces deux derniers facteurs sont compréhensibles dans la mesure où « la crispation des relations et la tension des situations, toujours plus fortes, exacerbent les conflits et accentuent encore le besoin d'accéder à un dénouement rapide et équitable des litiges ».
 
L'introduction de la directive n°2013/11/CE  dite "médiation" en 2015 va d'ailleurs probablement augmenter le nombre de saisine via une modalité de saisine sur un site internet propre au médiateur d'assurance.
 
Dans le cadre des dossiers dont il est définitivement appelé à connaitre, la phase de la pré-médiation-les parties sont amenées à trouver elle-même  une solution au litige qui les lient- n'ayant pu aboutir, le médiateur peut être amené à statuer en équité.
 
En effet, bien que certaines sociétés d'assurance puissent contester l'utilisation de cette démarche, le médiateur dans certains cas à sa libre appréciation peut décider de s'affranchir partiellement d'un étau juridique lourd.
 
Un des souhaits de l'application de ce principe est d'éviter une injustice trop grande pour l'assuré.
 
Le médiateur délivre quelques exemples d'application :
 
Un assuré ayant souscrit une assurance annulation voyage souhaite exercer cette garantie suite au report d'une audience à laquelle il est convoqué. L'assureur, suite à la déclaration de sinistre, oppose un refus de prise en charge. Les conditions générales ne prévoient que le remboursement du billet de train en cas de convocation à une audience et non en cas de report de cette dernière.
Le médiateur a décidé en équité que l'assureur prenne en charge la moitié des frais déboursés. Il existait un défaut d'information sur l'étendue exacte de la garantie lors de la vente du contrat d'assurance.

b - Une répartition du contentieux majoritairement orientée vers l'assurance dommage
 
Depuis 2010, nous assistons à une clarification quant à la répartition du contentieux dont le médiateur est saisi : 60%  en assurance de biens et de responsabilité, 40 % en assurance de personnes. Les différentes problématiques d'assurance de personnes connaissent une progression importante.
Il est ainsi constaté des difficultés quant au contrat de retraite dit « article 83 ».
 
Il s'agit d'un contrat d'assurance vie collectif de retraite par capitalisation défini à l'article 83 du code général des impôts.
 
Ce contrat permet à l'entreprise et au salarié d'abonder un compte individuel  par des cotisations obligatoires, chaque mois, trimestres ou années dont le financement est soit totalement pris en charge par l'entreprise soit partagé entre l'entreprise et le salarié.
Face à un environnement économique très difficile, de nombreux assurés ont souhaité récupérer les sommes versées sur ce produit (opération de rachat, partiel ou total).
 
Or la loi, plus particulièrement l'article L. 132-23 du code des assurances, ne prévoit que six possibilités d'exercer cette faculté : décès du conjoint ou du partenaire lié à un Pacte Civil de Solidarité, fin de droits à l'assurance chômage en cas de licenciement, mise en invalidité 2 ème ou 3 ème catégorie du Code de la sécurité sociale, cessation d'activité non salariée suite à une liquidation judiciaire ou à une procédure de conciliation, situation de surendettement, ou absence de contrat de travail ou mandat social depuis deux ans.
Le médiateur saisit de litiges, dans lesquels l'assuré souhaite effectuer un rachat total ou partiel hors cas de figures expressément prévus par la loi, ne peut donner suite.
 
Le texte susvisé est d'ordre public, il ne peut être contourné.
 

B - Les principales thématiques étudiées : de la loi Hamon à la protection juridique

a - La Loi Consommation : de nouveaux risques ?
 
Le médiateur de la FFSA souhaite souligner que les avancées, que la loi du 17 mars 2014  a engendrées (résiliation infra-annuelle, amélioration de l'information délivrée en matière de complémentaires santé…) doivent être appréhendées de manière sereine par les assureurs. A ce titre un conseil est délivré : « j'insiste auprès des sociétés d'assurances sur la nécessité de sensibiliser les collaborateurs qui seront amenés à décrypter les demandes qui leur seront soumises en application de la loi, de procéder à la qualification du contrat concerné et de déterminer le régime applicable. »
 
b - La protection juridique : quelques rappels…
 
Le rapport tient à rappeler quelques principes oubliés tant par l'assuré que par l'assureur de protection juridique (PJ). Trois d'entre eux attirent l'attention :
 
- Sauf stipulation contractuelle contraire, l'assureur PJ ne peut intervenir lorsque l'événement préjudiciable à l'origine du litige, que l'assuré souhaite voir réglé, est porté à la connaissance de l'assuré avant la prise ou après la cessation d'effet du contrat.
 
- Les assureurs PJ doivent au maximum limiter la pratique consistant à mettre fin à leur intervention au motif que le risque de perte d'une éventuelle procédure est trop grand.
 
- L'assureur PJ, sauf stipulation contractuelle contraire, n'est pas tenu de verser les dommages et intérêts et autres sommes (dépens..) auxquels son assuré est susceptible de répondre suite à une condamnation.
 

Pour en savoir plus :
 
Rapport du comité français réfléchissant à la transposition de la directive médiation
 

 

 

 

Charles Le Corroller,
Juriste à l'Institut National de la Consommation
 

 

 

 

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