Obligation d’information et devoir de conseil des agents immobiliers : sélection de jurisprudences récentes
L'agent immobilier a une obligation d'information et un devoir de conseil vis-à-vis de son client. Toutefois, les contours de cette notion sont parfois flous.
Afin de mieux connaître le cadre de cette obligation, l'Institut national de la consommation (INC) vous propose une sélection d'arrêts rendus entre 2019 et 2023.
1 - Le principe : l'agent immobilier est tenu à une obligation d'information et de conseil
2 - L'obligation de conseil de l'agent immobilier est pondérée en fonction des circonstances
1 - LE PRINCIPE : L'AGENT IMMOBILIER EST TENU A UNE OBLIGATION D'INFORMATION ET DE CONSEIL
INFILTRATIONS - RESPONSABILITE
Cass. civ. 3, 21 décembre 2023, 22-20.045 (décision rendue le même jour qu'une autre décision ne reconnaissant pas la responsabilité de l'agent immobilier et citée ci-dessous)
Les faits Un acquéreur a acquis de la venderesse une maison d'habitation, par l'intermédiaire d'un agent immobilier.
L'acheteur a découvert des désordres à l'occasion de travaux de rénovation. Il s'agissait de traces d'infiltrations et de la dégradation des menuiseries des deux chiens assis. Après expertise, l'acquéreur a assigné la venderesse et l'agent immobilier en résolution de la vente sur le fondement des vices cachés et en indemnisation de ses préjudices. |
La décision de la Cour de cassation
"La cour d'appel, après avoir exactement rappelé que le devoir de conseil auquel était tenu l'agent immobilier lui imposait d'informer l'acquéreur de l'immeuble, vendu par son entremise, de l'existence des désordres apparents affectant celui-ci, qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, il ne pouvait ignorer, a constaté que l'immeuble était affecté d'importantes traces d'infiltrations et que les menuiseries des deux chiens assis et lucarnes étaient fort dégradées avec des infiltrations visibles sur la façade principale.
Elle a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, dès lors que, dans ses conclusions, l'acquéreur s'était prévalu de l'ensemble des désordres décrits par l'expert, notamment des fuites en toiture, que l'agent immobilier, qui pouvait, en raison de la présence d'importantes traces d'infiltrations, soupçonner un défaut d'étanchéité de la toiture, avait manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard de celui-ci".
PRESENCE D’AMIANTE – RESPONSABILITE
Cass. civ. 3, 16 mars 2023, 21-25.082 21-25.331
Les faits Par une promesse de vente du 14 mars 2014 puis un acte authentique du 6 juin 2014, les acquéreurs ont acheté aux vendeurs, par l'intermédiaire d'un agent immobilier, un pavillon de type "Mondial Pratic".
Un rapport "amiante", établi par un diagnostiqueur,figurant dans le dossier de diagnostic technique remis aux acquéreurs, a conclu à l'absence d'amiante dans le bien vendu.
Ayant découvert la présence d'amiante dans la maison, les acquéreurs ont assigné le diagnostiqueur et l'agent immobilier en indemnisation de leurs préjudices. |
La décision de la Cour de cassation
"La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, mandataire du vendeur, l'agent immobilier ne pouvait ignorer que le bien dont il réalisait la vente était une maison du type "Mondial Pratic", procédé de construction à base de plaques en fibrociment contenant de l'amiante, et que c'est seulement après la vente que, par des recherches sur internet, l'acquéreur avait été informé de la possible présence d'amiante dans le bien concerné".
Ayant exactement retenu qu'il incombait à l'agent immobilier de mentionner la date et le type de construction de la maison dans la promesse de vente, s'agissant de caractéristiques essentielles du bien vendu, elle a pu déduire de l'ensemble de ces énonciations que celui-ci avait commis une faute engageant sa responsabilité.
Le moyen est donc inopérant en ses deux premières branches.
Ayant relevé qu'il résultait des constatations de l'expert que la maison était inhabitable dès lors que la présence d'amiante empêchait même les travaux les plus ordinaires nécessaires à l'entretien et à la vie courante, la cour d'appel a souverainement retenu que le préjudice des acquéreurs résidait non dans une perte de chance mais dans le coût intégral des travaux nécessaires pour supprimer cet élément omis que les deux responsables devraient supporter à raison de leurs fautes respectives et a ainsi légalement justifié sa décision".
PRESENCE D’UN CERTIFICAT D’URBANISME POSITIF - RESPONSABILITE
Cass, Civ 3, 26 octobre 2022, 21-21.213
Les faits Les vendeurs ont promis de vendre un terrain non viabilisé à l'acheteur, par l'intermédiaire d'un agent immobilier, mandaté par les vendeurs et rédacteur de l'acte.
Cette promesse a été établie sous la condition suspensive d'obtention d'un certificat d'urbanisme démontrant la constructibilité de la parcelle.
Un certificat d'urbanisme opérationnel a été délivré le 7 juillet 2011 mentionnant la réserve de respect du règlement en zone NB du plan d'occupation des sols (POS).
Par acte du 15 octobre 2011, la vente a été réitérée en la forme authentique. |
Le 15 octobre 2012, l'acheteur a obtenu un nouveau certificat d'urbanisme désormais négatif, la superficie de la parcelle étant inférieure au minimum requis par le POS en zone NB.
Se plaignant de l'inconstructibilité du terrain, l'acheteur a assigné les vendeurs, le notaire et l'agence immobilière aux fins d'annulation de la vente pour dol et, subsidiairement, pour erreur sur les qualités substantielles, outre d'indemnisation de ses préjudices. Elle a mis en cause l'assureur du notaire, et la société d'assurance de l'agence immobilière.
La décision de la Cour de cassation
"Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par (l'acheteur) contre l'agence immobilière et son assureur, l'arrêt retient que la condition suspensive d'obtention d'un certificat d'urbanisme positif a été réalisée et qu'elle a fait le choix de demander, non le renouvellement de ce certificat, mais la délivrance d'un nouveau certificat opérationnel d'urbanisme, de sorte qu'elle n'est pas fondée en sa demande indemnitaire formée contre l'agence immobilière, laquelle n'a en rien manqué à ses obligations, et son assureur.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, indépendamment de la nullité de la vente, l'agence immobilière, compte tenu du certificat d'urbanisme positif renouvelant de précédents certificats, émis le jour de la promesse de vente, sous réserve du respect du règlement de la zone NB du POS, n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil, en n'attirant pas l'attention de l'acquéreur sur le contenu et la portée de ce certificat renouvelé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".
INVESTISSEMENT LOCATIF - RESPONSABILITE
Cass, Civile 3, 21 septembre 2022, 20-21.044
Les faits A la suite d'un contrat de réservation du 28 novembre 2006, M. et Mme [H] ont acquis, le 6 septembre 2007, un appartement dans une résidence touristique à construire bénéficiant d'un programme de défiscalisation.
La vente a été conclue par l'intermédiaire professionnel, spécialisé dans l'immobilier de placement.
Par acte du 13 février 2007, ils ont conclu, avec la société chargée de l'exploitation de la résidence, un bail commercial pour une durée ferme et irrévocable de neuf ans moyennant le paiement d'un loyer annuel garanti quel que soit le taux d'occupation du bien.
La société chargée de l'exploitation de la résidence ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, M. et Mme [H] ont accepté une réduction du loyer. S'estimant victime d'une tromperie et d'un défaut d'information et de conseil, ils ont assigné la société qui les a conseillés en indemnisation de leurs préjudices. |
La décision de la Cour de cassation
"Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Pour rejeter la demande d'indemnisation des acquéreurs, l'arrêt retient que l'investissement opéré par M. et Mme [H] comportait, comme tout investissement réalisé dans le secteur immobilier locatif, une part d'aléa résultant de la possible défaillance du preneur à bail, risque envisagé par le contrat de gestion et que les acquéreurs étaient en mesure de comprendre le mécanisme basique de cet investissement, sans que la société Izimmo ne fût tenue d'une obligation d'information consistant à faire part, au risque d'en omettre, des différentes hypothèses dans lesquelles le paiement du loyer pourrait être interrompu, notamment en cas de déconfiture du preneur.
En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Izimmo avait exécuté son obligation d'information et de conseil en appelant l'attention de M. et Mme [H] sur l'ensemble des risques du placement proposé, alors qu'il avait été remis aux acquéreurs des plaquettes insistant sur les valeurs de sécurité et de rentabilité de l'investissement, la cour d'appel a violé le texte susvisé".
ABSENCE DE DEMANDE DU TITRE DE PROPRIETE DES VENDEURS MENTIONNANT LA PRESENCE ANCIENNE DE MERULE - RESPONSABILITE
Cass, Civ 1, 14 novembre 2019, 18-21.971
Les faits Le 29 juin 2013, M. W... et Mme U... (les vendeurs) ont conclu une promesse synallagmatique de vente de leur maison d'habitation au profit de M. F... et de Mme S... (les acquéreurs), sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt.
Cette vente a été conclue avec le concours d'un agent immobilier.
Les acquéreurs ont versé un acompte de 10 000 euros entre les mains de l'agent immobilier.
Le 16 septembre 2013, ils ont refusé de réitérer la vente par acte authentique, au motif qu'une information substantielle, à savoir la réalisation de travaux liés à la présence de mérule, n'avait été portée à leur connaissance que le 12 septembre 2013 par la lecture du projet d'acte, soit après l'expiration du délai de rétractation.
Ils ont assigné les vendeurs et l'agent immobilier en annulation ou résolution de la promesse de vente et restitution de l'acompte versé, et en responsabilité de l'agent immobilier et indemnisation. |
La décision de la Cour de cassation
"Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 juin 2018), que, par acte sous seing privé conclu le 29 juin 2013 avec le concours de la société Secofi (l'agent immobilier), M. W... et Mme U... (les vendeurs) ont conclu une promesse synallagmatique de vente de leur maison d'habitation au profit de M. F... et de Mme S... (les acquéreurs), sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt ; que ces derniers ont versé un acompte de 10 000 euros entre les mains de l'agent immobilier ; qu'ils ont refusé de réitérer la vente par acte authentique, le 16 septembre 2013, au motif qu'une information substantielle, à savoir la réalisation de travaux liés à la présence de mérule, n'avait été portée à leur connaissance que le 12 septembre 2013 par la lecture du projet d'acte, soit après l'expiration du délai de rétractation ; qu'ils ont assigné les vendeurs et l'agent immobilier en annulation ou résolution de la promesse de vente et restitution de l'acompte versé, et en responsabilité de l'agent immobilier et indemnisation.
Attendu que l'agent immobilier fait grief à l'arrêt de le condamner à payer aux acquéreurs une certaine somme en réparation de leur préjudice, alors, selon le moyen :
1°/ que l'agent immobilier n'a pas à procéder à des investigations supplémentaires relatives à la présence de champignons ou mérules lorsqu'il est en possession d'un diagnostic, portant sur ce point, établi par un professionnel, auquel il est fondé à se fier en l'absence d'indices lui permettant de suspecter le caractère erroné ; qu'en jugeant que l'agent immobilier avait commis une faute en ne vérifiant pas, en consultant l'acte de vente antérieur, si l'immeuble vendu avait fait l'objet d'une ancienne attaque de mérule, bien qu'elle ait relevé qu'elle était en possession d'un diagnostic qu'il avait exclu la présence de mérule dans l'immeuble en cause, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du code civil ;
2°/ que l'acquéreur qui recherche une qualité spécifique du bien doit en informer les parties et l'agent chargé de concourir à la réalisation de l'opération ; qu'en jugeant que l'agent immobilier avait commis une faute en ne se livrant pas à des investigations supplémentaires destinées à vérifier l'absence de toute infestation par le mérule, quand elle constatait que les acquéreurs n'avaient pas informé l'agent immobilier avant la vente de leur volonté d'acquérir un immeuble n'ayant jamais fait l'objet d'une attaque de mérule, même ancienne, et totalement éradiquée, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement énoncé qu'il appartenait à l'agent immobilier de s'assurer que se trouvaient réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité de la convention négociée par son intermédiaire et, à cette fin, de se faire communiquer par les vendeurs leur titre de propriété avant la signature de la promesse de vente, lequel lui aurait permis d'informer les acquéreurs de l'existence de travaux précédents ayant traité la présence de mérule, la cour d'appel en a justement déduit que l'agent immobilier avait commis une faute en s'en étant abstenu ; que le moyen n'est pas fondé".
PROJET DE ROCADE – RESPONSABILITE
Cass, Civile 1, 9 janvier 2019, 18-10.245
Les faits Un bien immobilier a été vendu par l'entremise d'un agent immobilier. Suite à l'annulation de la vente, le bien immobilier a été restitué aux vendeurs. Ces derniers l'ont revendu à un prix nettement inférieur en raison d'un projet de rocade. |
La décision
"Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte authentique du 27 décembre 2010 réitérant un acte sous seing privé du 5 octobre 2010 signé par l'entremise de la société Optimhome (l'agent immobilier), M. et Mme X... ont vendu leur bien immobilier au prix de 173 000 euros ; que cette vente a été annulée par un arrêt du 10 juin 2015 ; que la propriété a été restituée à M. et Mme X... qui ont revendu le bien au prix de 119 000 euros ; qu'ils ont assigné l'agent immobilier en responsabilité et indemnisation ;
Attendu que, pour rejeter les demandes, l'arrêt retient que M. et Mme X... n'avaient aucunement besoin du conseil de l'agent immobilier pour se rendre compte que leur silence délibéré trompait leurs cocontractants, que l'agent immobilier ne pouvait rien apprendre à M. et Mme X... qu'ils ne sachent déjà, que, mandataire des vendeurs et non des acquéreurs, l'agent immobilier ne pouvait agir contre les intérêts de M. et Mme X... et contre leur volonté de dissimuler ces éléments en diffusant précisément ce qu'ils ont voulu cacher, et qu'ainsi, l'agent immobilier n'a commis aucune faute causale ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait à l'agent immobilier, tenu d'une obligation de conseil, d'informer ses mandants de la nécessité de porter à la connaissance des acquéreurs l'état d'avancement du projet de rocade, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux".
2 - L'OBLIGATION DE CONSEIL DE L'AGENT IMMOBILIER EST PONDEREE EN FONCTION DES CIRCONSTANCES
FISSURES ET LEZARDES – ABSENCE DE RESPONSABILITE
Cass, Civile 3, 21 décembre 2023, 22-21.518 (décision rendue le même jour qu'une autre décision reconnaissant la responsabilité de l'agent immobilier et citée ci-dessus)
Les faits L'acquéreur a acquis de la venderesse une maison d'habitation par l'intermédiaire d'un agent immobilier. Soutenant avoir découvert des fissures et des lézardes après avoir détapissé les murs, l'acquéreur a, après expertise, assigné la venderesse et l'agent immobilier aux fins d'annulation de la vente sur le fondement du dol et, subsidiairement, de résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme et en garantie des vices cachés. |
La décision de la Cour de cassation
"La cour d'appel a, d'abord, retenu qu'il résultait du procès-verbal de constat et du rapport d'expertise que les fissures et lézardes affectant l'intérieur de la maison pouvaient être décelées en raison des nombreux plis affectant le revêtement mural les recouvrant, que l'acquéreur avait pu elle-même constater au cours des deux visites réalisées avant la vente.
Elle a, ensuite, relevé que le désordre structurel affectant l'immeuble n'avait été révélé que par l'expert judiciaire, et n'avait été décelé ni par les diagnostiqueurs immobiliers, ni par le bureau d'étude mandaté par l'acquéreur.
Elle a pu en déduire que, même si la présence d'une lézarde affectant le mur porteur intérieur au sous-sol avait pu être constatée par l'agent immobilier, il n'était pas établi, celui-ci n'étant pas un professionnel de la construction, que cela lui aurait permis d'envisager l'existence d'un désordre général d'ordre structurel, ce dont il ressortait que l'acquéreur n'avait été privé d'aucune information dont elle ne disposait pas elle-même.
Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision".
REZ DE CHAUSSEE INHABITABLE – ABSENCE DE RESPONSABILITE
Cass, Civile 3, 13 juillet 2022, 20-21.293
Les faits Une maison a été vendue par l'intermédiaire d'un agent immobilier.
Se plaignant du caractère inhabitable du rez-de-chaussée de la maison au regard des règles d'urbanisme, les acquéreurs ont assigné les vendeurs, le notaire et l'agent immobilier en annulation de la vente et en indemnisation de leurs préjudices. |
La décision de la Cour de cassation
"La cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, d'une part, procédant à la recherche prétendument omise, que l'agent immobilier n'avait pas à suspecter un défaut de conformité des travaux d'aménagement du rez-de-chaussée au regard de l'ancienneté de ceux-ci, d'autre part, qu'il n'avait pas non plus à les informer de ce qu'aucune extension des pièces du rez-de-chaussée ne serait possible, dès lors que les acquéreurs ne l'avaient pas avisé de ce projet et, enfin, qu'il ne lui appartenait pas d'aller rechercher en mairie si des plans de la maison existaient, les vendeurs lui ayant indiqué ne pas en détenir.
En l'état de ces constatations et énonciations, elle a pu en déduire que l'agent immobilier n'avait pas commis de faute vis-à-vis de ses mandants et, ainsi, rejeter la demande d'indemnisation formé contre lui".
MERULE et ACQUEREUR PROFESSIONNEL DE L’IMMOBILIER – ABSENCE DE RESPONSABILITE
Cass, Civile 1, 16 mars 2022, 20-22.341
Les faits Une société civile immobilière a acquis une propriété immobilière par l'intermédiaire d'un agent immobilier. L'acte authentique de vente du 31 mars 2014 comportait une clause figurant également dans la promesse de vente du 30 janvier 2014 stipulant que les parties avaient été informées des dégâts pouvant être occasionnés par la présence de mérule dans un bâtiment.
Le vendeur déclarait ne pas avoir constaté jusqu'à ce jour l'existence de tels indices. L'acquéreur n'avait pas constaté lors de la visite du bien la présence de certains éléments énumérés parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon. Dans ces conditions, l'acquéreur avait dispensé le vendeur et le notaire de faire effectuer la recherche de la présence éventuelle de mérule par un diagnostiqueur spécialisé.
Ayant constaté la présence d'un champignon lignivore de type mérule, l'acquéreur a fait désigner un expert judiciaire, puis a assigné en responsabilité et indemnisation l'agent immobilier, ainsi que le professionnel, qui avait procédé à d'autres diagnostics techniques. |
La décision de la Cour de cassation
"Après avoir retenu que n'était pas rapportée la preuve de la connaissance de l'agent immobilier de la présence de mérule dans l'immeuble et d'une dissimulation de cette information, la cour d'appel a relevé que l'acquéreur, professionnel de l'immobilier, avait acquis le bien en cause, à un prix peu élevé, en connaissance de son état de vétusté, de son absence d'occupation depuis des années et de la présence d'humidité dans certains murs révélée par les diagnostics techniques, qu'il était ainsi averti de risques potentiels de mérule et informé par la clause insérée dans la promesse de vente et l'acte de vente des dégâts pouvant être occasionnés par sa présence dans le bâtiment et qu'il avait renoncé devant le notaire à demander au vendeur la réalisation d'un diagnostic portant sur la recherche de ce champignon.
Elle a pu en déduire que l'agent immobilier n'était pas tenu de conseiller à l'acquéreur de procéder à un tel diagnostic et qu'il n'avait pas commis de faute".
INVESTISSEMENT LOCATIF – ABSENCE DE RESPONSABILITE
Cassation, Civile 3, 8 juillet 2021, 20-11.571
Les faits Par contrat de réservation du 7 juin 2007, puis acte authentique de vente du 11 février 2008, les acheteurs ont acquis, en l'état futur d'achèvement, un appartement dans une résidence de tourisme édifiée par une Société Civile Immobilière (SCI), commercialisée par un agent immobilier, et bénéficiant d'un régime fiscal dérogatoire.
Ils ont consenti un bail commercial à une société, puis ont conclu un avenant avec une société d'exploitation, substituée dans les droits de la première, prévoyant une baisse de 30 % du loyer à compter du deuxième trimestre 2010, ainsi qu'une réduction du budget vacances.
Le 15 mai 2012, la société d'exploitation a été mise en redressement judiciaire, puis, le 10 juin 2013, a bénéficié d'un plan de redressement sur dix ans.
En mars 2013, se plaignant de ce que leur investissement ne bénéficiait pas de la rentabilité promise,les acheteurs ont assigné la SCI et la société d'exploitation en paiement de dommages-intérêts pour dol et manquement au devoir d'information et de conseil. |
La décision de la Cour de cassation
"La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que la SCI avait déposé au rang des minutes de l'office notarial chargé de la rédaction de l'acte de vente le document d'information exposant les modalités spécifiques aux résidences de tourisme et les conséquences fiscales pouvant résulter de l'interruption du contrat de bail commercial.
Elle a retenu, d'une part, que les acquéreurs ne pouvaient se méprendre sur la portée de la brochure à caractère promotionnel qui était destinée à traduire le potentiel locatif du bien dans l'hypothèse la plus favorable sans garantir le taux de rentabilité et la sécurité d'un tel investissement dont la part d'aléa demeure irréductible, et, d'autre part, que la station présentait un réel potentiel touristique et qu'il n'était pas démontré que l'agent immobilier, comme le vendeur, étaient en mesure de prévoir la défaillance de l'exploitant avant le déclenchement, par la suite, de la crise économique ayant touché le secteur d'activité des résidences hôtelières.
La cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises relatives aux risques inhérents à l'investissement proposé, a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve quant aux manquements allégués par les acheteurs, que l'agent immobilier n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil et a ainsi légalement justifié sa décision".
Virginie Potiron,
Juriste à l'Institut national de la consommation (INC)