Médiation de la consommation : bilan 2019-2020 de la CECMC

Un bilan positif mais un dispositif encore sous-utilisé par les consommateurs selon la CECMC.


La médiation de la consommation permet aux consommateurs de rechercher une solution amiable à leur litige avec un professionnel via l’intervention d’un médiateur qui présente notamment des garanties d’indépendance et d’impartialité. Depuis 2016, tout professionnel doit garantir au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation.


La médiation de la consommation est encore sous-utilisée selon M. El Nouchi, Président de la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC) lors de la conférence de presse de présentation du rapport d’activité pour la période 2019-2021, le lundi 11 octobre 2021.

 

Avant d’évoquer le rapport, le rôle crucial de la CECMC dans le dispositif de médiation est à souligner.

 

La CECMC est la "clé de voute" du dispositif français de la médiation de la consommation.

Le dispositif de médiation de la consommation est régulé par la Commission d'évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC), (concernant cette commission, lire l’article de l’INC). Selon Madame Virginie Beaumenier, directrice générale de la DGCCRF, cette instance est la "clé de voute du dispositif français".

 

Elle a pour mission de référencer les médiateurs de la consommation après vérification qu’ils remplissent des critères tels que l’indépendance et l’impartialité et d’en vérifier le bon fonctionnement par des contrôles pouvant aller jusqu’au déréférencement.

 

Elle tient la liste officielle des médiateurs de la consommation.

 

Après avoir dans une première phase eu pour mission de référencer les médiateurs, la CECMC est passée depuis la deuxième mandature (2019) à la phase d’évaluation de l’activité des médiateurs afin de vérifier qu’ils répondent toujours aux conditions et exigences de qualité à l‘exercice de leur mission. Cette mission de contrôle intervient sur son initiative ou sur signalements de dysfonctionnements. Elle est articulée avec celle de la DGCCRF à qui il incombe de contrôler la mise en place du dispositif par les professionnels et leur obligation de communication sur ce dernier auprès des consommateurs. Elle a ainsi procédé au déréférencement de deux instances (voir le rapport d’activité page 36).

 

La CECMC a, au fil de son activité, développé une jurisprudence sur l’ensemble des situations rencontrées dont la connaissance est utile pour les « candidats » au référencement, pour les médiateurs (voir les "Fiches de jurisprudence").

 

La CECMC a présenté le bilan 2019-2021 en quelques chiffres

Au 31 juillet 2021, 91 médiateurs de la consommation ont été mis en place dans l’ensemble des secteurs d’activité.

 

Un tel nombre constitue une spécificité française au sein de l’Union européenne, la plupart des États membres ayant entre une dizaine et une vingtaine d’instances (par exemple, 28 en Allemagne, voir le rapport d’activité page 53). Se pose la question de la lisibilité du dispositif pour les consommateurs qui rencontrent des difficultés à identifier le médiateur compétent et l’absence d’harmonie dans la résolution des litiges relevant d’un même secteur.

Hormis 3 médiateurs publics (Autorité nationale des jeux, Autorité des marchés financiers et Médiateur national de l’énergie), 40 relèvent des médiateurs d’entreprises (principalement dans le domaine bancaire), 22 relèvent d’associations de médiateurs ou sociétés de médiateurs, 24 sont adossés à une fédération ou à une association (exemple : médiation des communications électroniques), 2 sont des médiations collégiales (médiation du secteur de la franchise, médiation de la vente directe).

 

Parmi ces 91 médiateurs, 14 traitent 80 % des saisines.

 

L’ensemble des secteurs professionnels est quasiment couvert. Toutefois, de très petites entreprises ne sont encore pas couvertes par le dispositif, dont des commerces de proximité tels que les boulangers, les teinturiers.

 

En 2020, les médiateurs ont été saisis de près de 170 000 demandes, soit une hausse de 60 % par rapport à 2017 (première année pleine de fonctionnement du dispositif).

 

Le rapport souligne le taux important d’irrecevabilité des saisines traitées en 2020 (52,8 %), principalement parce que le consommateur n’a pas effectué de démarches préalables auprès du professionnel.

 

Le bilan de la médiation pour les parties est positif. Les saisines recevables ont été menées à terme dans 85,8 % des cas. Et plus de 60 % ont abouti à une proposition acceptée par les parties.  Rappelons que ces solutions sont obtenues gratuitement par le consommateur, le coût du dispositif de médiation étant supporté par le professionnel.

 

La CECMC constate une sous-utilisation de la médiation de la consommation

Selon le Président de la CECMC, M. El Nouchi, même si le dispositif présente un bilan positif, il est encore "sous-utilisé par rapport à son potentiel", notamment parce qu’il reste insuffisamment connu des consommateurs et des professionnels. Or un tel système permet au consommateur d’obtenir une solution à son litige et pour le professionnel "il contribue à des relations commerciales confiantes et apaisées".

 

La difficulté d’accès est également invoquée, notamment parce que trouver les coordonnées du médiateur dans les conditions générales de vente n’est pas aisé, parce que le professionnel prévoit parfois un parcours interne complexe pour saisir le médiateur. Ou bien, parce que le professionnel n’a pas désigné de médiateur, ce qui constitue un manquement qui peut être signalé à la DGCCRF via la plateforme SignalConso.gouv.fr.

 

Il est également souligné que les professionnels doivent mieux s’approprier la médiation. Il est observé que bien qu’ayant désigné un médiateur, certains "refusent d’entrer en médiation lorsque le consommateur fait une démarche en ce sens" (voir le rapport d’activité 2019-2021 page 10). Des résistances culturelles sont constatées en dépit des efforts des fédérations professionnelles et des médiateurs, notamment dans le secteur de l’automobile. Le Président de la CECMC a rappelé que le dispositif repose sur la base du volontariat. Par conséquent, la CECMC ne dispose d’aucun moyen d’action pour obliger un professionnel à entrer en médiation. Seule la communication sur l’intérêt à entrer en médiation peut inciter le professionnel à le faire. Autrement dit, il n’est pas envisagé de la rendre obligatoire.

De même, des professionnels appartenant à des professions réglementées (notaires…) vont privilégier les voies de résolution interne des litiges aux instances professionnelles alors que celles-ci ne présentent pas les mêmes garanties pour les consommateurs (impartialité, indépendance). 

 

La CECMC présente 20 propositions pour rendre plus accessible la médiation de la consommation

Afin que la médiation de la consommation soit plus utilisée et efficiente, la CECMC a présenté 20 propositions d’évolution du cadre juridique en direction des professionnels, des consommateurs et des médiateurs.

 

Pour aider tous les professionnels notamment les très petites entreprises, la CECMC suggère la création d’une entité subsidiaire de médiation dont ils pourraient relever à moindre coût. A noter que cette faculté est ouverte par la directive de 2013 qui évoque une médiation résiduelle, une telle option n'ayant pas été retenue lors de la transposition de la directive. Pour l’instant, aucune orientation n’est prise sur l’instance qui pourrait gérer cette médiation.

 

Pour les consommateurs, il s‘agit de faciliter leur accès à la médiation en leur évitant un « parcours du combattant ». La nouvelle procédure de saisine serait la suivante : le médiateur serait valablement saisi d’un litige au terme d’un délai de deux mois suivants l’envoi par le consommateur d’une réclamation écrite au professionnel, quel que soit le service auquel il l’a adressée et dès lors que la réclamation n’a pas trouvé de réponse satisfaisante. La CECMC a ainsi fait sienne la proposition émise en 2021 par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) dans ses recommandations sur la médiation bancaire et de l’assurance (lire le rapport).

 

Il s’agit de rendre également le processus de médiation plus fluide et plus transparent. Parmi les propositions, une concerne la médiation d’entreprise. Afin de renforcer l’indépendance des médiateurs, la CECMC propose un délai de viduité selon lequel une personne ne pourrait pas être désignée médiatrice par l’entreprise moins de deux ans avant qu’elle n’ait quitté celle-ci.

 

Le dispositif européen est en cours d’analyse par la Commission européenne

Lors de la conférence de presse de la CECMC, Madame Marie-Paule Benasi, chef d’unité « recours et mise en œuvre du droit des consommateurs » à la Commission européenne, a évoqué les perspectives européennes d’évaluation et d’évolution du dispositif de médiation instauré par la directive du 21 mai 2013 (voir également le rapport d’activité de la CECMC pour 2019-2021 page 34).

 

Le nouvel Agenda du consommateur publié par la Commission en novembre 2020 met l’accent sur la simplification des recours. Dans ce cadre, la Commission entend promouvoir davantage les REL (règlement extrajudiciaire des litiges). Pour cela, elle a entamé une réflexion sur l’évaluation de la directive (ses forces et faiblesses ») en vue de proposer d’éventuelles évolutions à l’horizon 2023. Un premier rapport d’évaluation a été publié en septembre 2019.

 

Pour en savoir plus sur la médiation de la consommation

 

 

 

 

Patricia Foucher,

Cheffe du service juridique de l’Institut national de la consommation

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