Responsabilité contractuelle du garagiste : clarification de la Cour de cassation
Jurisprudences
La responsabilité qui pèse sur la garagiste en cas d’inexécution de la prestation repose sur l’article 1353 du code civil, et sur l’article 1231-1 du code civil.
Ces articles sont entrés en vigueur le 1er octobre 2016, avec l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Dans les affaires antérieures au 1er octobre 2016, la responsabilité du garagiste reposait sur les articles 1315 et 1147 du code civil.
Pendant longtemps, les jugements ont adopté une conception maximaliste de la responsabilité pesant sur le garagiste en la qualifiant d’obligation de résultat. L’obligation de résultat mise à la charge des garagistes s’était doublée d’une responsabilité de plein droit puis les jugements ont déduit de l’obligation de résultat une présomption de faute et une présomption de causalité entre la faute et le dommage.
Le garagiste était systématiquement responsable de toutes les pannes survenant après son intervention.
La Cour de cassation était revenue à une conception plus minimaliste de l’obligation de résultat. Ainsi, en présence d’une nouvelle panne survenant après une première réparation, la responsabilité du garagiste ne pouvait être engagée qu’à la condition que le client apporte la preuve que la panne est due à une défectuosité déjà existante au jour de l’intervention du garagiste (voir la fiche de jurisprudence automobile 2021 de l’INC).
Le garagiste pouvait s’exonérer en démontrant son absence de faute ou en démontrant qu’il n’y a aucun lien entre son intervention et la nouvelle panne.
Depuis deux arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation a opèré une clarification sur la responsabilité du garagiste et abandonne le recours à la notion d’obligation de résultat pour les raisons suivantes : « … la référence [à la notion d’obligation de résultat] et à un tel régime de responsabilité n’est pas justifiée dés lors qu’il a été admis que la responsabilité du garagiste pouvait être écartée, même si le résultat n’a pas été atteint, en prouvant qu’il n’a pas commis de faute ». En effet, les juges rappellent que selon l’article 1231-1 du code civil, seul un évènement de force majeure permet de s’exonérer d’une obligation de résultat.
Désormais, la responsabilité du garagiste est engagée en cas de faute dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention. L’existence d’une faute et d’un lien causal entre la faute et les désordres sont présumés.
L’exigence pour le consommateur d’établir que les dysfonctionnements ont un lien avec l’intervention du garagiste est abandonnée. Il appartient au garagiste, dont la faute est présumée, d’établir qu’il n’a commis aucune faute.
Ainsi, peu importe que le consommateur n’apporte pas d’éléments techniques à l’appui de sa demande.
Civ.1. 11 mai 2022, pourvoi n°20-19.732
A la suite de pannes récurrentes affectant le véhicule d’occasion qu’il vient d’acquérir, le consommateur s’adresse à plusieurs reprises à un garagiste. Malgré les interventions du garagiste, les pannes persistent.
Le consommateur obtient de la part du vendeur une indemnisation et assigne le garagiste en responsabilité et en indemnisation. Le client invoque l’obligation de résultat du garagiste en s’appuyant sur l’article 1147 du code civil, (applicable à l’époque des faits et devenu 1231-1 du code civil), et demande à être indemnisé du coût de la remise en état du véhicule.
Les juges de la cour d’appel déboutent le consommateur en retenant que les désordres sont dus à un défaut d’entretien du vendeur et que les interventions du garagiste n’ont pas permis d’y mettre fin et ont généré des dépenses inutiles. Les défauts du véhicule ne sont pas imputables à une défaillance du garagiste dont le seul manquement est de n’avoir pas su déceler le vice pour fournir les solutions adéquates.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel qui a rejeté la demande du consommateur. Selon les juges de la Cour de cassation, l’arrêt de la cour d’appel n’a pas permis d’écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et le lien causal.
Pour les juges de la Cour de cassation, il est nécessaire d’opérer une clarification sur la responsabilité du garagiste :
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Civ.1, 11 mai 2022, pourvoi n° 20-18867
Un consommateur conteste le paiement du solde d’une facture due à son garagiste (1320 €) au motif que les dysfonctionnements du système de climatisation, pour lesquels il a confié sa voiture en réparation, ne sont pas résolus.
Il invoque l’obligation de résultat du garagiste.
Le tribunal judiciaire d’Evreux, statuant en premier et dernier ressort, constate que le consommateur ne rapporte pas la preuve que le défaut a un lien avec l’intervention du garagiste. Le consommateur est condamné à payer au garagiste le solde de la facture.
Les juges de la Cour de cassation censurent le jugement du tribunal judiciaire : les motifs invoqués ne permettent pas d’écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et celle du lien causal.
Les juges de la Cour de cassation rappellent qu’au titre de l’article 1147 (dans sa rédaction antérieure applicable au moment des faits), devenu l’article 1353 du code civil :
- La responsabilité du garagiste au titre des opérations qui lui sont confiées n’est engagée qu’en cas de faute.
- Si des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l’existence d’une faute et celle d’un lien causal entre la faute et le dommage sont présumés.
Ce qu’il faut retenir de ces deux décisions :
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Civ.1, 16 octobre 2024, pourvoi n° 23-11 712 23-249
En 2012, un particulier achète un véhicule pour son usage professionnel de chauffeur de taxi.
Le véhicule est confié régulièrement à un garage pour entretien. Mais malgré les réparations effectuées, le garagiste ne parvient pas à résoudre les dysfonctionnements répétés et persistants.
Le propriétaire refuse de payer une facture de 6 672,60 euros correspondant à des travaux sur le filtre à particules, qui ne fonctionne pas et assigne le garage en responsabilité et en indemnisation de ses préjudices matériels et moraux.
La cour d’appel rejette sa demande au motif que l’origine de la panne est fortuite, ce qui selon les juges, exclut toute faute de la part du garagiste. Les juges de la cour d’appel relèvent qu’aucun des garagistes intervenus sur le véhicule n’a su déterminer l’origine de la panne et qu’aucun élèment du dossier ne met en lumière une faute imputable avec certitude au garagiste.
La Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel : ni l’incertitude sur l’origine d’une panne, ni la difficulté à déceler cette origine ne suffisent à écarter les présomptions qui pèsent sur le garagiste.
Ce qu’il faut retenir : Ni l’incertitude sur l’origine d’une panne ni les difficultés à déceler l’origine d’une panne ne permettent d’écarter les présomptions de responsabilité qui pèsent sur le garagiste. |
Civ.1, 26 février 2025, pourvoi n° 23-22 201 ; 23-22 202
En 2016, un consommateur fait l’acquisition d’un véhicule d’occasion par l’intermédiaire d’une société qui certifie son kilométrage.
En 2017, un garage auquel il confie son véhicule pour des travaux de réparation lui indique que le kilométrage a été sous-évalué à la suite d’une manipulation frauduleuse.
Le consommateur assigne le professionnel vendeur du véhicule en réparation de son préjudice. La cour d’appel rejette sa demande au motif qu’aucune faute du professionnel n’est établie. La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur le fondement de l’article 1147 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016), le professionnel qui certifie le kilométrage d’un véhicule d’occasion engage sa responsabilité contractuelle en cas d’inexactitude ou d’incertitude de celui-ci.
Ce qu’il faut retenir :
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Civ.1, 25 juin 2025, pourvoi n° 24-10 875
En 2015, un consommateur fait l’acquisition d’un véhicule d’occasion. Peu de temps après, le véhicule présente une anomalie et est confié à un garage pour réparations. Le garagiste commande des pièces mais la réparation prend plus de temps que prévu en raison de l’absence de réception, à la date prévue, d’un joint commandé. Le consommateur demande malgré tout à récupérer le véhicule et le garagiste renforce le joint défectueux, non remplacé, en appliquant une pâte.
Le véhicule tombe de nouveau en panne.
Le consommateur assigne en justice le vendeur et le garagiste.
- Le vendeur est assigné sur le fondement de la garantie légale des vices cachés.
La cour d’appel rejette la demande du consommateur au motif que même si le désordre était en germe au moment de la vente, l’existence d’un vice caché, antérieur à la vente et rendant ile véhicule impropre à sa destination n’est pas établi. La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel sur ce point.
- Le garagiste est assigné pour faute
La cour d’appel écarte l’existence d’une faute du garagiste en retenant que le consommateur avait demandé la restitution de son véhicule avant que la réparation complète n’ait été effectuée. Les juges estiment que le consommateur a ainsi contribué à son propre dommage.
Les juges d’appel limitent la condamnation du garagiste pour manquement à son devoir d’information et de conseil.
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation en application de l’article 1147 du code civil devenu depuis le 1er octobre 2016, l’article 1231-1 du code civil
La Cour estime que la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées, est engagée en cas de faute et que caractérise une faute l’exécution d’une réparation non conforme aux règles de l’art, même à la demande de son client.
Le fait pour le client de demander une réparation provisoire non conforme aux règles de l’art ne constitue pas une faute susceptible d’exonérer partiellement le garagiste de sa responsabilité.
Le garagiste doit réparer intégralement le préjudice subi par la victime (y compris les périodes d’immobilisation du véhicule liées à la durée de l’expertise et de la procédure).
Ce qu’il faut retenir :
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Civ.1, 25 juin 2025, pourvoi n° 23 22 515
En 2007, un consommateur fait l’acquisition d’un véhicule auprès d’un garagiste, auquel il confie son entretien.
En 2013, le véhicule est immobilisé par une panne touchant le moteur. Le garagiste préconise le remplacement du moteur et finalement un accord est conclu avec le consommateur, pour des raisons financières, pour ne réaliser des travaux que sur la partie haute du moteur, consistant en la remise en état des culasses.
Après avoir récupéré le véhicule, le consommateur constate une anomalie de fonctionnement sur la partie basse du moteur, le ralenti n’est pas stable.
Le consommateur assigne le garagiste en responsabilité. La cour d’appel relève un manquement du garagiste à son devoir d’information et de conseil et retient que le problème mécanique dont se plaint le consommateur concerne le ralenti à froid alors que l’intervention du garagiste s’était limitée à la partie haute du moteur. Pour les juges d’appel, le lien entre l’intervention du garagiste et la défectuosité du moteur n’est pas démontrée.
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation. En présence de désordres persistants sur le moteur après l’intervention du garagiste, le lien entre l’intervention du garagiste et les dommages sont présumés. Le consommateur n’a pas été informé que les travaux sur la partie haute du moteur n’étaient pas de nature à mettre un terme aux dysfonctionnements constatés.
Ce qu’il faut retenir :
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Françoise HEBERT-WIMART
Juriste à l'Institut national de la consommation