Achat d'un matelas sur Internet descellé après livraison : rétractation possible

Jurisprudence


La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été amenée à se prononcer sur l'exercice du droit de rétractation pour un matelas dont le film de protection avait été retiré après la livraison.


FAITS

Un consommateur allemand achète sur le site Internet d'un professionnel allemand un matelas d'une valeur approximative de 1 000 €. Une fois le bien reçu, le consommateur retire le film de protection qui recouvrait le matelas. Il le renvoie par la suite au professionnel en lui demandant son remboursement au titre de l'exercice de son droit de rétractation. Cependant, le profesionnel refuse le remboursement car il estime que le consommateur ne pouvait pas exercer son droit de rétractation puisque ce droit est exclu pour les "biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène et qui ont été descellés par le consommateur après la livraison".

 

La Cour fédérale de justice allemande, saisie du litige, décide de poser à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) la question suivante : le point e) de l'article 16 de la directive 2011/83 s'agissant des "biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène et qui ont été descellés par le consommateur après la livraison" vise-t-il les "biens (...) qui peuvent être directement en contact avec le corps humain lorsqu’ils sont utilisés conformément à leur destination, mais que le professionnel peut rendre de nouveau propres à être commercialisés grâce à des mesures (...) appropriées" ?

 

 

RAPPEL DU CADRE JURIDIQUE

La directive 2011/83 du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs prévoit un droit de rétractation pour les contrats à distance, s'exerçant dans un délai de 14 jours, sans avoir à motiver sa décision (article 9 de la directive, article L. 221-18 du code de la consommation).

 

En cas d'exercice de ce droit par la consommateur, le professionnel doit lui rembourser tous les paiements reçus de sa part, y compris les frais de livraison (article 13 de la directive, article L. 221-24 du code de la consommation).

 

Néanmoins, ce montant peut être diminué en raison de la responsabilité du consommateur qui ne peut être engagée qu'à "l’égard de la dépréciation des biens résultant de manipulations autres que celles nécessaires pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement de ces biens" (article 14 de la directive, article L. 221-23 du code de la consommation), sans qu'il soit pour autant déchu de son droit de rétractation. "Le consommateur devrait uniquement les manipuler et les inspecter d’une manière qui lui serait également permise en magasin (...) avec toute la précaution nécessaire au cours de la période de rétractation" (considérant 47 de la directive).

 

Des exceptions à l'exercice du droit de rétractation sont prévues et notamment l'absence de droit pour les "biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène et qui ont été descellés par le consommateur après la livraison" (article 16 de la directive, article L. 221-28 du code de la consommation).

 

 

DECISION DE LA CJUE

L'exception au droit de rétractation du point e) de l'article 16 de la directive s'agissant des "biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène et qui ont été descellés par le consommateur après la livraison" doit être interprété strictement en tant que disposition limitant les droits octroyés aux consommateurs.

Ainsi, cette exception "ne trouve à s'appliquer que si, une fois son emballage descellé, le bien qu’il contient n’est définitivement plus en état d’être commercialisé, pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène". C'est la nature du bien qui va venir justifier l'application de l'exception.

 

Pour le matelas dont il est question, d'une part, "bien qu’ayant été potentiellement utilisé, (il) n’apparaît pas, de ce seul fait, définitivement impropre à faire l’objet d’une nouvelle utilisation par un tiers ou d’une nouvelle commercialisation". En effet, "un seul et même matelas sert aux clients successifs d’un hôtel, (...) il existe un marché des matelas d’occasion et (...) des matelas qui ont été utilisés peuvent faire l’objet d’un nettoyage en profondeur".

D'autre part, un matelas peut être assimilé à un vêtement. Or, "lorsqu’ils sont essayés conformément à leur destination, (ils) sont susceptibles d’entrer directement en contact avec le corps humain (...), sans pour autant être soumis en pratique à des exigences en termes de protection spéciale pour éviter ce contact lors de l’essayage". Même en cas de contact, le professionnel est généralement en mesure de permettre une nouvelle commercialisation ou une nouvelle utilisation par un tiers, moyennant un traitement tel qu'un ettoyage ou une désinfection, sans porter préjudice aux impératifs de protection de la santé ou d'hygiène.

 

En conséquence, un matelas dont la protection été retirée par le consommateur après la livraison ne relève pas de l'exception au droit de rétractation selon laquelle des "biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène et qui ont été descellés par le consommateur après la livraison" (article 16 de la directive) ne bénéficient pas d'un droit de rétractation.

 

> CJUE, 27 mars 2019, affaire C-681/17, slewo – schlafen leben wohnen GmbH c/ Sascha Ledowski.

 

Camille Minaud,
Juriste à l'Institut national de la consommation (INC)


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