Le seuil de revente à perte : qu'est-ce que c'est ?

Fiche économique E 05


La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite "loi alimentation" prévoit un relèvement de 10 % du seuil de revente à perte au plus tard le 1er juin 2019 et renvoit à l’ordonnance du 12 décembre 2018 pour la mise en oeuvre.


"Le relèvement du SRP – seuil de revente à perte – va mécaniquement remonter de 10 % le prix de centaines de produits du quotidien" selon Les Echos du lundi 3 décembre 2018.

 

Est-ce que cela est bien vrai ?

 

Pour répondre à cette question, notre économiste vous présente une définition du seuil de revente à perte, et son mode de calcul.

 

 

1 - Définition et mode de calcul

2 - Quel est l’impact d’une hausse du SRP sur les prix ?

 

 

1 - Définition et mode de calcul

Le seuil de revente à perte – ou prix d’achat effectif – représente la limite de prix en dessous de laquelle un distributeur ne peut revendre un produit sous peine d’être sanctionné. Il est défini par l’article L. 442-3 du code de commerce comme suit : "Le prix d’achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat, minoré du montant de l’ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport".

 

 Il y a une différence entre la revente à perte et la vente à perte. Le SRP concerne l’activité de revente, et non la vente directe par un fabricant.

 

 

Il existe des exceptions où le distributeur peut revendre en dessous du prix d’achat effectif :

 

  • quand la date de péremption d’un produit expire sous peu,
  • lorsqu’un produit technique est obsolète ou démodé,
  • pendant les soldes (elles sont définies par l’article L. 310-3 du code de commerce, pour en savoir plus voir notre fiche sur les promotions et les soldes),
  • si, dans une même zone d’activité, un prix plus bas est légalement pratiqué pour le même produit,
  • dans le cadre d’une cessation ou d’un changement d’activité,
  • lorsqu’on achète un produit à un certain prix, puis qu’on achète le même produit moins cher, on peut alors revendre les produits anciennement stockés en se basant sur le prix d’achat des produits moins chers nouvellement stockés.

 

Comment le seuil de revente à perte est-il calculé ?

 

Le prix d’achat effectif est calculé de la façon suivante :

 

 

 

2 - Quel est l’impact d’une hausse du SRP sur les prix ?

Pour réaliser des profits, les distributeurs appliquent différentes marges sur le prix des produits vendus. Ces marges représentent la rémunération du distributeur, sans quoi celui-ci perdrait de l’argent. Or, le SRP ne prend pas en compte la totalité des revenus des distributeurs liés à la vente d’un produit. Autrement dit, le seuil de revente à perte ne correspond pas au prix de vente du produit au consommateur.

 

Pour mieux comprendre, voici un détail des différents revenus que perçoivent les distributeurs.

 

Les revenus des distributeurs

Les revenus des distributeurs sont réalisés grâce aux marges. Il en existe deux types : les marges "avant" et les marges "arrière".

 

La marge avant, la plus connue, représente la différence entre le prix net sur la facture et le prix de vente au consommateur.

 

On distingue deux types de marges arrière :

 

  • Les ristournes, remises, rabais… accordées par le fournisseur,
  • Les services de coopération commerciale liés à la vente des produits (référencement d’un produit dans le catalogue du distributeur, emplacement des produits dans un linéaire …).

Le SRP prend donc en compte seulement une partie des marges des distributeurs. La marge avant n’est pas prise en compte dans son calcul.

 

Ainsi, un relèvement du SRP peut se traduire soit par une augmentation directe des prix, soit par une baisse des marges des distributeurs. L’augmentation des prix n’est donc pas "mécanique". De plus, si effectivement la hausse du SRP est reporté directement sur le prix du produit vendu, cela se fera dans des proportions moindres.

 

Voici un exemple pour illustrer ces propos.

 

Imaginons qu’un fabricant vende un produit à un distributeur, dont le prix unitaire net est de 100 €. On suppose que les avantages financiers représentent 30 % du prix de ce produit, soit 30 €. Le montant total des différentes taxes est de 5 €, et le prix du transport est de 5 €.

 

Le seuil de revente à perte est alors de :

 

SRP = 100 – 30 + 5 + 5 = 80 €

 

Si le SRP est relevé de 10 %, alors celui-ci passera à 88 € (soit une augmentation de 8 €).

 

Imaginons ensuite que la marge "avant" du distributeur soit de 20 %, le produit est alors vendu à 120 € au consommateur.

 

Si la hausse du SRP se traduit directement par une hausse des prix, alors le prix du produit augmentera dans ce cas ci de 8 €. Ainsi, au lieu de vendre le produit au consommateur 120 €, il sera vendu 128 €, soit une augmentation de 6,7 %. Et non pas 10 %.

 

Il faut donc bien faire attention à trois points :

 

  • le prix de vente au consommateur ne correspond pas au seuil de revente à perte,
  • une hausse du SRP ne se traduit pas mécaniquement par une hausse du prix du produit,
  • si la hausse du SRP est directement reportée sur le prix du produit, la hausse n’est pas aussi importante sur le prix d’achat.

 

Sophie Rémond

Economiste à l'Institut National de la Consommation

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