

Depuis le 17 août 2015, le code de la consommation contient une disposition issue de la loi transition énergétique pour la croissance verte, incitant à l'utilisation des pièces issues de l'économie circulaire, dans le domaine de l'entretien et la réparation automobile (article L. 121-117 du code de la consommation).
Les professionnels de l'entretien ou de la réparation automobile, doivent désormais permettre aux consommateurs d'opter pour des pièces issues de l'économie circulaire (PEC), plus communément appelées pièces de réemploi.
La loi met à la charge du professionnel l'obligation d'informer le consommateur de cette possibilité.
Le décret d'application chargé de définir la notion de "pièces issue de l'économie circulaire", de donner une liste des pièces concernées et les conditions dans lesquelles le professionnel n'est pas tenu de proposer ces pièces, est paru le 30 mai 2016. Il sera codifié aux articles R. 121-26 à R. 121-29 du code de la consommation.
Le décret entre en vigueur le 1er janvier 2017.
L'objectif de la mesure est double : la seconde vie donnée aux pièces automobile devenues sans usage mais encore fonctionnelles, permet d'économiser des ressources non renouvelables, de l'énergie et de la matière première. Par ailleurs, l'utilisation de pièces de réemploi est favorable au pouvoir d'achat des consommateurs, car ces pièces seront beaucoup moins chères que les pièces neuves.
Un sondage BVA réalisé conjointement par Caréco (réseau de pièces automobile d'occasion) et l'Institut de l'économie circulaire, montre que 9 français sur 10 aimeraient qu’on leur propose aussi de l’occasion pour réparer leur véhicule et 90,3 % des français attendent de leur réparateur automobile un vrai choix entre pièces de réemploi et pièces neuves.
Voici un premier décryptage du décret en 5 points. IL sera complété ultérieurement, lorsque les modalités de mise en oeuvre seront connues.
Les pièces issues de l'économie circulaire, visées par le décret, sont :
Un véhicule hors d’usage (VHU) est un véhicule que son dernier détenteur destine à la destruction et qui est traité comme tel. Diverses circonstances peuvent conduire à cette situation : il peut s'agir de véhicules accidentés, techniquement et/ou économiquement irréparables, ou encore de véhicules anciens trop usagés pour être revendus sur le marché de l'occasion.
Les VHU sont d'abord dépollués : les déchets liquides et solides dangereux (batterie huiles, liquide de refroidissement, de freinage…) sont extraits et expédiés dans des filières spécialisées de recyclage. Et les pièces destinées au réemploi (phares, clignotants, moteur, radiateur, démarreur, capot, ailes, portes…) sont démontées et entreposées pour être revendues, en l'état.
Ce marché représente 2% du marché de la pièce de rechange.
Les carcasses et pièces non recyclables (métaux ferreux et non ferreux, plastiques, verre, caoutchouc…) sont broyées pour être valorisées ou mises en décharge.
Pour mémoire, l'arrêté du 29 avril 2009 fixant les modalités d'application des dispositions du code de la route relatives aux véhicules endommagés pour les voitures particulières et camionettes avait déjà introduit la possibilité d'estimer le montant des réparations avec des pièces de réemploi.
Les pièces "échange standard" sont des pièces d'occasion complètement refaites à neuf. Ces pièces répondent aux mêmes exigences de fabrication, de garantie et de qualité que les pièces d'origine.
Les pièces ainsi commercialisées, issues de véhicule hors d'usage ou d'échange standard, doivent respecter la règlementation spécifique les régissant ainsi que l'obligation générale de sécurité prévue à l'article L. 221-1 du code de la consommation.
La provenance des pièces est donc strictement encadrée et provient des filières légales. Cela exclut, a priori, le risque de voir sur le marché des pièces dont l'origine est inconnue. On peut supposer qu'il existera une traçablilité de ces pièces.
Les pièces "échange réparation", c'est à dire les pièces d'occasion réparées mais non remises à neuf n'entrent pas dans la définition des pièces issues de l'économie circulaire au sens du décret. Elles ne seront donc pas proposées au consommateur par les professionnels de la réparation automobile, faute d'une définition légale.
Que dit exactement la loi ?
"Tout professionnel qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobile permet au consommateur d'opter pour l'utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves." (article L. 121-117 al 1du code de la consommation).
Le texte renvoit à l'article L.113-3 du code de la consommation, pour les modalités d'information du consommateur.
Le professionnel doit donc informer le consommateur sur les prix et les conditions particulières de la vente (la possibilité d'opter pour des pièces de réemploi) et de l'exécution des services par voie de marquage, étiquetage, affichage ou tout autre procédé approprié.
PLusieurs questions restent en suspens :
L'information pourrait être portée sur le devis ou sur l'ordre de réparation. En effet, le prix, la disponibilité et les délais d'approvisionnement sont des critères de choix déterminants pour le consommateur.
Ni la loi, ni le décret ne précise la façon dont cette disposition doit être mise en oeuvre. Quoiqu'il en soit, le professionnel doit être en mesure d'apporter la preuve qu'il a satisfait à cette obligation, sous peine de sanctions.
En cas de non respect de cette disposition, le professionnel encourt une amende administrative pouvant aller jusqu'à 3 000 € pour une personne physique et jusqu'à 15 000 € pour une personne morale (article L. 121-119 du code de la consommation).
En cas de litige, le professionnel devra apporter la preuve qu'il a bien exécuté ses obligations (article L. 121-117 al 4 du code de la consommation).
Le Décret énumère limitativement les pièces de rechange automobile visées par cette mesure.
Ce sont :
En contrepartie de la liste des pièces concernées, à laquelle certains professionnels étaient opposés, le décret a prévu des cas de dispense pour les professionnels.
Certains professionnels étaient hostiles à l'idée d'une liste de pièces, estimant qu'en raison de la responsabilité qui pèse sur eux, ils doivent rester maîtres de la décision d'installer, ou non, certaines pièces.
Ainsi, le professionnel n'est pas tenu de proposer des pièces de réemploi dans les cas suivants :
Lorsque les pièces ne sont pas disponibles dans un délai compatible avec le délai d'immobilisation du véhicule mentionné sur le document contractuel signé entre entre le professionnel et son client sur la nature des travaux à réaliser.
La rédaction de cette disposition appelle deux remarques :
La rédaction de cette disposition soulève des interrogations qui nécessiteront d'être précisées ultérieurement.
Lorsque le professionnel estime que les pièces de rechange issues de l'économie circulaire sont suceptibles de présenter un risque important pour l'environnement, la santé publique, ou la sécurité routière.
Les professionnels de la réparation conservent donc la possibilité de refuser la réparation avec une pièce de réemploi au nom de la sécurité. Mais rien n'est précisé sur la façon dont le professionnel doit communiquer son refus. Espérons que ces cas de dispense, ne soient pas un obstacle au développement de l'utilisation de la pièce de réemploi !
Les professionnels auraient souhaité que les véhicules neufs de moins de 8 ans soient exclus du dispositif et conserver la liberté d'appliquer ou non la mesure en fonction du coût final, mais cela n'a pas été retenu par le décret.
Françoise HEBERT-WIMART,
Juriste à l'Institut National de la Consommation