Droit et consommation en Outre-mer


L'INC a réalisé 3 vidéos Consomag qui mettent en avant certaines particularités en matière de consommation en outre-mer.

 

1 - Qu’est-ce que "l’outre-mer " et quel droit s’applique sur ces territoires ?

2 - La lutte contre la vie chère

3 - Les autres problèmes liés à la consommation en outre-mer

4 - Une régulation du sucre dans les produits manufacturés

5 - Les particularités dans le code de la consommation

 

 

1 - Qu’est-ce que "l’outre-mer " et quel droit s’applique sur ces territoires ?

L’expression "outre-mer" désigne tous les territoires français situés par-delà les mers et océans par rapport à la Métropole et la Corse.

 

Ce sont les territoires précédemment appelés DOM-TOM (département d’outre-mer et territoire d’outre-mer) et désignés depuis la révision constitutionnelle de 2003 par l’acronyme DROM-COM (Département et Région d’outre-mer et Collectivité d’outre-mer). Cette distinction est établie par l’article 72-3 de la Constitution.

 

 

Type de collectivité

Département et Région d’outre-mer (DROM)

Collectivité d’outre-Mer (COM)

Texte de référence

Article 73 de la Constitution

Article 74 de la Constitution

Loi applicable

Les lois françaises sont applicables de plein droit, mais peuvent faire l’objet d’adaptations compte tenu des caractéristiques de ces territoires.

Ces territoires disposent d’un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles, autorisant l’instauration d’institutions spécifiques avec des domaines de compétences particuliers.

Territoires concernés

La Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte

Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles de Wallis et Futuna et la Polynésie française

 

 

  Depuis 1998, la Constitution accorde à la Nouvelle-Calédonie un statut particulier dans le cadre de la mise en œuvre des accords de Nouméa.

 

Les statuts des terres australes et antarctique françaises (TAAF) et de Clipperton sont, quant à eux, définis par la loi n° 55-1052 du 6 août 1955.

 

Plusieurs sujets relatifs à la consommation seront abordés, dont entre autre, les sections du code de la consommation dédiées à l’outre-mer.

 

 

2 - La lutte contre la vie chère

Depuis plusieurs années, de nombreux études et rapports dénoncent la vie chère en outre-mer et les prix bien plus élevés qu’en métropole. Tous les cinq ans, l’INSEE réalise une étude statistique pour la comparaison des niveaux de prix à la consommation entre les différents territoires. La dernière étude réalisée en 2015 indique que les prix en outre-mer sont au moins 7 % plus élevés que les prix métropolitains.

 

Pour comprendre ce phénomène, il existe des observatoires des prix, des marges et des revenus en Martinique, Guyane, Guadeloupe, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi qu’à Wallis-et-Futuna. Ces observatoires sont constitués des acteurs intéressés par les prix (pouvoirs publics, associations de consommateurs, syndicats…) et ont pour missions d’émettre des avis notamment sur les politiques à conduire. Ils rendent également un rapport annuel contenant des propositions.

 

L’observatoire des prix joue un rôle important dans le cadre du bouclier qualité prix. Cette mesure a été instaurée par la loi du 20 novembre 2012 et permet au représentant de l’Etat de chaque DROM-COM de négocier tous les ans avec les différents organismes professionnels du secteur du commerce de détail et de leurs fournisseurs, ainsi qu’avec les entreprises de fret maritime et les transitaires pour obtenir un accord sur le prix global d’un panier de produits de consommation courante. Ces produits sont visibles en magasin grâce à un étiquetage spécifique.

 

  Le Bouclier qualité-prix de 2019 à la Réunion contient aussi bien de la viande, des légumes et des biscuits que des produits d’hygiène comme les gels douche, des produits d’entretien des couches et du lait infantile. De plus, différentes gammes de produits sont concernées allant du premier prix aux productions locales en passant par les marques nationales. Le prix global des 109 produits du bouclier est de 253 euros.

 

Malgré tout, l’étude de l’INSEE de 2015 montre que les prix restent globalement plus élevés dans les territoires ultramarins.

 

 

3 - Les autres problèmes liés à la consommation en outre-mer

D’autres domaines ont dû être régulés pour lutter contre la vie chère en outre-mer et assurer une absence de discrimination des territoires ultramarins.

 

C’est le cas notamment de la téléphonie. Le législateur a profité du règlement européen établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert du 25 novembre 2015 qui supprime les frais d'itinérance entre les pays de l’Espace économique européen mais ne couvrant pas les déplacements intraétatiques pour ajouter l’article L. 34-10 au code des postes et des communications électroniques supprimant les frais d’itinérance au sein du territoire national (la métropole, les DROM, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy).

 

  Cet article ne s’applique que pour les communications entre les territoires français. Par conséquent, si vous habitez à Saint-Barthélemy ou Saint-Pierre-et-Miquelon et que vous téléphonez depuis la métropole, vous n’aurez pas de frais d'itinérance. En revanche, si vous téléphonez depuis un autre pays de l’Espace économique européen, vous ne serez pas couvert par le règlement européen et des frais d'itinérance pourront vous être appliqués.

 

> Pour plus d’information sur les frais d’itinérance, consultez la fiche pratique de l’INC "Téléphonie mobile : l’itinérance internationale".

 

Cependant, toutes les mesures spécifiques aux outre-mer ne vont pas toujours dans le sens du consommateur et de la lutte contre le coût élevé de la vie. Par exemple, par dérogation à la loi Lang du 10 août 1981 instaurant un prix unique du livre en France, le décret du 7 mars 2018  autorise la majoration du prix des livres non scolaires. Ce décret est complété par un arrêté du 10 mars 2018 précisant que cette majoration est de 15 % en raison des frais d’importation des livres. Cette mesure ne concerne pas les livres scolaires qui doivent être vendus au même prix qu’en métropole.

 

 

4 - Une régulation du sucre dans les produits manufacturés

Les spécificités du consumérisme en outre-mer ne se situent pas seulement dans les prix des produits mais également dans ce qu’ils contiennent. En effet, différentes enquêtes menées par les régions de Guadeloupe, de Martinique et de la Réunion en 2011 ont permis de comparer la teneur en sucre de certains produits et mis en valeur des différences entre les DROM-COM et l’hexagone. Par exemple, ces études ont mis en valeur un taux de sucre 20 % plus élevé en outre-mer pour les boissons aux fruits gazeuses, ou encore de 13 % supérieur pour les yaourts aux fruits natures. Il en résulte de forts problèmes d’obésité et de surpoids sur ces territoires ainsi qu'une forte prévalence du diabète de type 2 (favorisé par la consommation excessive de sucre) chez les ultramarins.

 

De ce fait, la loi du 3 juin 2013 a introduit l’article L. 3232-5 dans le Code de la santé publique. Cet article dispose qu’aucune denrée de consommation courante destinée au consommateur final distribuée dans les DROM et certaines COM (Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin) ne peut avoir un taux de sucre supérieur à celle d’une denrée similaire de la même marque commercialisée en France. Quant aux produits non distribués dans l’hexagone mais disponible dans ces territoires, leur teneur en sucres ajoutés ne peut être supérieure à la teneur en sucres ajoutés maximale que l’on peut trouver en métropole.

 

Un arrêté pris le 9 mai 2016 est venu préciser les catégories de produits visés par cette loi : les boissons fraîches sans alcool (thés glacés, boissons énergisantes, sodas…), les produits laitiers (yaourts, desserts lactés, fromages frais…), les biscuits et gâteaux, glaces, produits céréaliers (barres de céréales, petit-déjeuner…) et les produits chocolatés (tablettes, pâtes à tartiner, bonbons…). Aucune étude n’a, à ce jour, été effectuée montrant le respect par les industriels de ces mesures.

 

 

5 - Les particularités dans le code de la consommation

Dans chaque livre du code de la consommation, le dernier Titre est dédié aux outre-mer, et notamment aux dispositions applicables aux différentes collectivités depuis l’ordonnance n° 2017-269 du 2 mars 2017. Cette ordonnance a pour objet de parachever le nouveau code de la consommation, entré en vigueur le 1er juillet 2016, en indiquant les différentes mesures applicables à certaines collectivités d’outre-mer et en les adaptant. Cette nécessité résulte de l’article 74 de la Constitution qui dispose que les lois et règlements s’appliquent dans les COM dans les conditions fixées par la loi organique qui les régit.

 

Par exemple, la loi organique relative à la Polynésie française est la loi du 27 février 2004. L’article 7 de cette loi dispose que dans les matières qui relèvent des compétences de l’Etat, les lois et règlements sont applicables si et seulement si cela est expressément indiqué. L’Etat est donc maître de décider quelles dispositions doivent être appliquées en Polynésie. L’article 14, 7° de cette même loi précise que l’Etat est seul compétent en matière de crédit sur le territoire polynésien. Par conséquent, pour que les mesures en matière de crédit s’appliquent en Polynésie, il faut que la loi le précise expressément. Pour cette raison, le Livre troisième du code de la consommation dédié aux opérations de crédit comprend un Titre sur dispositions applicables en outre-mer qui précise que les règles relatives au taux d’intérêt s’appliquent en Polynésie (article L. 351-5).

 

  Toutes les règles relatives au crédit ne s’appliquent pas en Polynésie. Par exemple, le législateur n’a pas précisé que les dispositions relatives au regroupement de crédit s’appliquaient. Donc, en vertu de la loi de 2004, ces dispositions n’ont pas d’effet sur le territoire polynésien.

 

  Chaque loi organique de chaque collectivité établit une répartition des compétences différente. De ce fait, les mentions d’applicabilité des mesures du code de la consommation sur ces territoires se font au cas par cas. Contrairement à la Polynésie, les articles L.6414-1 et suivant du code général des collectivités territoriales ayant valeur de loi organique n’accordent qu’un nombre limité de compétences à Saint-Pierre-et-Miquelon. Par conséquent, cette collectivité ne peut pas prendre de mesures relatives au crédit ; les lois et règlements nationaux dans ce domaine s’appliquent de plein droit sans qu’il y ait besoin de le mentionner expressément.

 

Au sein de ces titres dédiés aux outre-mer, on peut également trouver des mesures visant à adapter les devises des différents territoires, notamment pour la conversion de l’euro vers le franc Pacifique ou encore à supprimer les mentions relatives aux directives européennes pour les territoires où le droit européen ne s’applique pas.

 

William URVOY

Juriste-stagiaire à l’Institut national de la consommation

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