La CJUE se prononce sur la réglementation de la vente à distance sur Internet

CJUE 31 mars 2022, C-96/21 CTS Eventim et CJUE 7 avril 2022, C-249/21 Fuhrmann-2


Par deux arrêts, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée sur l’interprétation de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.

 

Dans ces deux affaires, la Cour a statué sur l'exercice du droit de rétractation par le consommateur et sur la formalisation de l'obligation de paiement liée à un achat sur Internet.

 

1 - Le droit de rétractation d'un contrat conclu par le biais d'une plateforme

2 - L'obligation de paiement sur internet doit être dépourvue d'ambiguité

 

 

1 - Le droit de rétractation d'un contrat conclu par le biais d'une plateforme

Dans l’arrêt du 31 mars 2022, il était question de l’exercice du droit de rétractation concernant l’achat d’un billet en ligne pour des évènements culturels ou sportifs. Une commande est effectuée le 12 novembre 2019 par l’intermédiaire d’une plateforme de réservation en ligne pour une place de concert organisé par un tiers à la plateforme.

 

En raison des restrictions liées à la COVID-19, le concert a été annulé et un bon à valoir a été émis par l’organisateur du concert au profit du consommateur. Mécontent, ce dernier a agi contre la plateforme pour obtenir le remboursement du prix du billet et le remboursement de divers frais en raison du refus opposé par le professionnel. 

 

Ce litige a ainsi fait l’objet d’une question posée à la Cour de justice sur l’application de l’exception au  droit de rétractation dans une telle espèce.

 

Au préalable, la Cour se prononce sur l’applicabilité de la directive au contrat en précisant que le fait que le contrat à distance soit conclu par un intermédiaire en son nom, mais pour le compte de l’organisateur, ne pose pas de difficulté quant à l’application du droit de rétractation qui découle des contrats à distance. Elle considère en outre que ce contrat relevait bien d’un contrat de service au sens de l’article 2.6 de la directive.

 

Ce droit de rétractation permet au consommateur d’éteindre l’obligation pour les parties d’exécuter le contrat pendant un délai de 14 jours (articles 9 à 15). Toutefois, une exception au droit de rétractation est prévue par l’article 16. 1) de la directive au motif que ce droit peut s’avérer inapproprié lorsque la conclusion du contrat implique la réservation de capacités que le professionnel aura peut-être des difficultés à remplir en cas d’exercice du droit de rétractation (considérant 49 de la directive). La Cour de justice s’est donc prononcée sur le sens à donner à cet article qui a pour but d’assurer une protection de l'intérêt des fournisseurs, afin d’éviter les inconvénients disproportionnés liés à l’annulation pour eux (CJUE 10 mars 2005 C-336/03).

 

Deux conditions sont ainsi posées par la Cour pour appliquer cette exception au droit de rétractation prévue à l’article 16. 1) de la directive 211/83/UE :

 

  • D’une part, l’exercice de ce droit de rétractation ferait peser le risque de ne pas les revendre, lié à la réservation des capacités libérées, sur l’organisateur de l’activité ;
  • D’autre part, l’activité de loisirs faisant l’objet du droit d’accès (par l’achat du billet) doit se dérouler à une date ou à une période spécifique (ce droit d’accès étant considéré comme un contrat de prestation de service lié à l’activité de loisirs).

Dès lors et sous réserve de ces conditions, le consommateur ne peut opposer son droit de rétractation dans le cadre d’un tel contrat, fût-il conclu par le biais d’une plateforme agissant en qualité d’intermédiaire.

 

2 - L'obligation de paiement sur internet doit être dépourvue d'ambiguité

Dans l’arrêt du 7 avril 2022, la problématique portait sur l’obligation de paiement dans le cadre d’un contrat conclu par voie électronique. Le 19 juillet 2018, un consommateur « finalise une réservation » pour la location d’une chambre d’hôtel sur le site www.booking.com après avoir renseigné ses informations personnelles. Le consommateur ne s’étant pas présenté à l’hôtel, des frais d’annulation lui ont été facturés pour lesquels la société propriétaire de l’hôtel a agi en justice.

 

Au sens de l’article 8. 2) de la directive 2011/83/UE, "Le professionnel veille à ce que le consommateur, lorsqu’il passe sa commande, reconnaît explicitement que celle-ci implique une obligation de payer. Si, pour passer une commande, il faut activer un bouton ou une fonction similaire, le bouton ou la fonction similaire porte uniquement la mention facilement lisible "commande avec obligation de paiement" ou une formule analogue, dénuée d’ambiguïté, indiquant que passer la commande oblige à payer le professionnel. Si le professionnel ne respecte pas le présent alinéa, le consommateur n’est pas lié par le contrat ou par la commande".

 

La question posée à la CJUE était donc de savoir si la mention « finaliser la réservation » est analogue à la mention « commande avec obligation de paiement » telle que mentionnée dans la directive.

 

Premièrement, la Cour s'est prononcée sur la question de savoir si la seule mention figurant sur le bouton de paiement devait être prise en considération ou s’il convenait d’apprécier les circonstances entourant le processus de commande.

 

Afin de répondre, la Cour précise que le contrat de service conclu sur une plateforme de réservation d’hébergements en ligne est bien un contrat à distance au sens de la directive 2011/83 et elle ajoute que cette même directive a pour objet d’assurer la sécurité des transactions conclues avec le professionnel (CJUE 10 juillet 2019 C-649/17) pour agarantir un niveau élevé de protection des consommateurs.

 

Dès lors, seule la mention figurant sur ce bouton ou cette fonction similaire doit être pris en considération car seul ce bouton (ou cette fonction) permet au consommateur d’identifier les conséquences de son engagement avec une certitude absolue au regard des objectifs de la directive.

 

Deuxièment, au sens de l’article 8. 2) de la directive, la Cour considère que la formule "commande avec obligation" n’empêche pas toutes les formules analogues qui sont admises, dès lors qu’elles ne sont pas ambigües quant à la naissance de l’obligation et cela d’autant plus qu’il n’existe pas dans la directive d’exemples précis de formules analogues. La juridiction de renvoi est donc invitée à vérifier si "finaliser la réservation" est nécessairement et systématiquement associé à la naissance d'une obligation de paiement.

 

 

Pour plus d’informations

> Délais de réflexion - Délais de rétractation

> Acheter sur Internet en 10 questions-réponses

 

Yvan Carineau,
Juriste à l'Institut national de la consommation 

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