La garantie de conformité s’applique à un ordinateur non conforme à sa destination
Jurisprudence
La garantie de conformité s’applique à un ordinateur non conforme à sa destination selon le TI Paris 9ème, 14 mars 2018, M.B contre Apple Retail France, RG n° 11-17-000555
L’application de la garantie légale de conformité peut être demandée pour un appareil non conforme à sa destination. C’est le cas par exemple, lorsqu’un ordinateur ne peut recevoir les systèmes d’exploitation les plus récents ou lorsque les intentions d’utilisation ont été indiquées au moment de l’achat.
Illustration par une jurisprudence récente.
Le 29 juillet 2016, Monsieur B achète un ordinateur pour la somme de 1 126, 56 € dans une boutique Apple. Ce consommateur poursuit des études supérieures et vient d’être admis dans une école de formation de la fonction publique. Au moment de l’achat, il précise ses besoins au vendeur. L’ordinateur doit être léger, avoir un fonctionnement fluide, capable de faire tourner différents logiciels de base sans difficultés ainsi que les différents outils de bureautique et permettre la conservation fiable des données. Il présente d’ailleurs un certificat de scolarité pour bénéficier du tarif "éducation".
Le consommateur s’aperçoit très vite que l’ordinateur est très lent au démarrage et que certains logiciels sont impossibles à faire tourner. Cela occasionne une gêne importante dans son travail d’étudiant.
Dès le mois de janvier 2017, il contacte l’assistance téléphonique d’Apple. A plusieurs reprises, il lui est conseillé de réinitialiser son appareil, ce qui lui fait perdre toutes ses données et finalement Apple lui conseille d’installer une mise à jour pour un montant de 451 €. Par ailleurs, le consommateur apprend par diverses sources, que cet appareil datant de 2012, est reconnu comme obsolète en 2016, car il ne il ne peut recevoir les systèmes d’exploitation les plus récents.
En juillet 2017, M. B demande à Apple, la prise en charge de la mise à jour nécessaire ou bien le remboursement de la facture d’achat de l’ordinateur, au titre de la garantie légale de conformité et de l’article L. 217-5 - 2° du code de la consommation. En effet, le consommateur estime que l’ordinateur n’est pas conforme à ses besoins alors qu’il avait exposé ces derniers au vendeur.
Apple ne donne pas de réponse.
En octobre 2017, M. B adresse une ultime une mise en demeure à Apple, avant saisine du tribunal d’instance. Apple refuse toute prise en charge.
Monsieur B demande alors la convocation d’Apple Retail France, par déclaration au greffe du tribunal d’instance de Paris 9ème.
Il invoque la garantie légale de conformité :
- l’appareil ne correspond pas à l’usage normalement attendu d’un ordinateur de 2016 : les fonctions de base de bureautique ne peuvent pas être utilisées de façon normale et l’appareil n’accepte pas le dernier système d’exploitation de Apple,
- l’appareil est lent et inconfortable, il nécessite des réinstallations régulières, ce qui ne correspond pas à un appareil neuf se plaçant sur un segment haut de gamme.
Apple ne peut prétendre sa méconnaissance de la faiblesse de cet appareil, plusieurs témoignages sur internet, y compris sur le site Apple, en font état.
M.B souligne que la solution préconisée par l’article L. 217- 9 du code de la consommation : réparation ou remplacement du bien, n’est pas indiquée dans ce cas car c’est le modèle qui est en cause et non l’ordinateur en tant que tel.
Il appuie donc sa demande sur le fondement de l’article L. 217-10 du code de la consommation, selon lequel "si la réparation ou le remplacement du bien sont impossibles, l’acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix".
M. B demande à Apple :
le remboursement du prix d’achat (1 126,56 €) moyennant restitution de l’appareil
ou
la diminution du prix d’achat à hauteur de la valeur marchande des mises à jours techniques nécessaires (451 €) et de conserver l’ordinateur.
Par ailleurs, il demande 500 € de dommages et intérêts pour le préjudice lié au stress inutile causé par les faibles performances de l’appareil et par les procédures engagées en vain alors qu’il suivait une formation déterminante pour sa carrière.
Le juge d’instance fait droit à sa demande : "il apparait que l’ordinateur vendu à M. B n’est pas propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable alors que sous-dimensionné dans ses capacités par rapport à un usage normal à la date de son achat, et nécessitant des réinitialisations d’usine à intervalles réguliers".
Le juge condamne la société Apple Retail France à prendre en charge les mises à jour techniques préconisées pour un montant de 451 € et après avoir souligné que "les multiples démarches tant physiques que par mails auprès du vendeur, …. se sont avérées vaines [et] établissent les multiples désagréments rencontrés lors de l’utilisation du matériel …" attribue le versement de dommages et intérêts pour un montant de 500 €.
La société Apple a indemnisé le consommateur et ne s'est pas pourvue en cassation.
Françoise Hebert-Wimart, Juriste à
l'Institut national de la consommation