Médiation bancaire : rapport d'activité 2020 de la médiatrice auprès de la FBF


Mme Marie-Christine Caffet, Médiatrice auprès de la Fédération bancaire française (FBF), a présenté son rapport d'activité pour l'année 2020

 

130 établissements bancaires adhèrent au système de médiation proposé par la Fédération bancaire française. Vous pouvez retrouver la liste des banques y adhérant sur le site lemédiateur.fbf.fr.

 

1 - Quelques éléments clefs du rapport de la médiatrice auprès de la FBF

Ce rapport dresse le bilan de l'année 2020 et révèle un accroissement des demandes de médiations reçues (6851 demandes de médiation en 2020 contre 5289 en 2019) et des avis rendus (2478 dossiers ont été résolus en 2020 contre 1642 en 2019). Il est à noter un recours plus fréquent aux saisines par internet.

 

Mais, sur les 6851 demandes de médiation, 2683 dossiers seulement sont recevables. Plus de 50% des demandes de médiation reçues ne peuvent pas être traitées par la médiatrice, même si une amélioration est constatée, dûe à une communication plus importante des banques et un parcours plus fluide des réclamations. Cela représente 833 dossiers non traités.

 

Ces dossiers ne peuvent pas être traités par la médiatrice car ils ne respectent pas les critères de l'article L. 612-2 du code de la consommation, notamment les démarches auprès de la banque n'ont pas été effectuées en amont.

 

L'examen de la recevabilité relève de la seule compétence du médiateur.

 

Sur les 2478 dossiers résolus par la médiatrice, 730 sont favorables ou partiellement favorables au consommateur (39 %). Il est à noter une légère baisse (41, 5 % en 2019). Cela s'explique par la prééminence des cas d'escroqueries dont sont victimes les consommateurs

 

En effet, en 2020 avec la crise sanitaire et les confinements successifs, les achats sur internet et les paiements dématérialisés se sont multipliés. Il en est découlé une forte augmentation des litiges portant sur les moyens de paiement.  

 

Quand l'avis rendu est favorable ou partiellement favorable aux consommateurs, la banque l'a accepté dans 72 % des cas. Le taux d'acception par les consommateurs est de 69 % : certains consommateurs refusent la médiation même si elle leur est favorable car ils veulent passer par les tribunaux ou veulent plus.

 

Le délai de traitement des dossiers est en moyenne  de 104 jours, à partir du moment où le dossier est complet (116 jours en 2019), soit un délai supérieur aux 90 jours prévus par le code de la consommation. Mais le délai de réponse pour indiquer au consommateur si son dossier est recevable ou pas est en moyenne de 12 jours.

 

Il est également constaté que les demandes portent sur des préjudices financiers de plus en plus importants (1 425 dossiers au-dessus de 500 €). 650 dossiers sont sans indication de montant d'indemnisation ou d'un montant indéterminé.

 

55 % des saisines recevables portent sur des fraudes et des escroqueries

 

En 2020, 55 % des dossiers recevables concernent la fraude et les escroqueries. En 2019, cela représentait 40 % des dossiers.

 

Les sujets sur lesquels la Médiatrice a été saisie portent essentiellement sur :

 

  • les moyens de paiement (notamment la fraude sur les paiements en ligne et l'utilisation des cartes bancaires) (55 % des litiges),
  • le crédit
  • le fonctionnement du compte
  • la tarification 

Les principaux litiges portent sur des escroqueries et la multiplication de faux sites, mais aussi l'usurpation d’identité (adresse électronique, spoofing téléphonique).

 

Le spoofing téléphonique est l’acte d’indiquer sur l’afficheur du destinataire un numéro de téléphone qui n’est pas celui de l’appelant. Cette usurpation de numéro est effectuée volontairement à des fins personnelles (canulars, arnaques…) ou professionnelles (téléprospection).

 

Certains centres d’appels ont recours à cette pratique afin de laisser apparaître le numéro d’un particulier au lieu de leur numéro masqué. Cette pratique concerne bien sûr les centres d’appels pratiquant la téléprospection.

Pour ces centres, le recours à cette pratique est une alternative à la téléprospection traditionnelle (numéro masqué) qui connait une baisse d’efficacité. Les particuliers répondant de moins en moins aux numéros masqués, il faut savoir montrer "patte blanche" afin d’augmenter son taux de décroché. Un vide juridique perdure concernant cette pratique.

 

Le spoofing téléphonique, l'utilisation de logos ou d’adresses mails de professionnels…se développent de plus en plus.

Les consommateurs rassurés transmettent alors leurs identifiants et les moyens d’accès à leurs espaces bancaires en ligne. L’usurpation d’identité est interdite par la loi (article L.226-4-1 du Code pénal), elle est punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

 

Dans le même temps, il y a eu un renforcement de la sécurisation des paiements en ligne avec l'authentification forte, répondant aux exigences de la directive sur les services de paiement (DSP2). Pour en savoir plus, lisez notre article "Paiements en ligne et accès aux comptes bancaires en ligne : l'authentification forte devient oligatoire". 

 

Le nombre de dossiers concernant les personnes vulnérables (mineurs, personne âgées...) continue de progresser. Il est constaté un accès incontrôlé aux services de banque en ligne par les proches ou par leurs connaissances (vidage de comptes, de livrets...). La médiatrice préconise dans ce type de dossiers de doter les mandataires d'un accès distinct aux espaces en ligne des personnes dont ils ont la procuration, et que la procuration soit limitée à certains comptes.

 

Le rapport annuel présente également des cas concrets soumis à la médiation auprès de la FBF.

 

2 - Quelques cas concrets de l'année 2020

Dans son rapport, la médiatrice développe des cas pratiques.

 

Fraudes et escroqueries

 

Un premier litige concerne l'escroquerie au chèque remis à l’encaissement.

Un consommateur rencontre une personne sur internet qui lui demande d'encaisser un chèque à sa place car elle ne dispose pas de compte bancaire. En échange, elle lui propose une petite commission. La personne récupère le chèque, l'encaisse sur son compte, et effectue ensuite un virement sur un compte à l'étranger (dans la zone euro). Mais le chèque est porté au crédit du compte, sous réserve du paiement définitif. Ainsi, si le chèque revient impayé, le compte est débité du montant du chèque.

 

En l'espèce, le chèque déposé revient impayé. Le consommateur décide alors de faire appel à la médiation.

 

La médiatrice rappelle que l'usage d'encaissement d'un chèque "sous réserve de bonne fin" a été confirmé par la Cour de cassation et qu'il est régulier. Cela est d'ailleurs prévu dans les conditions générales de banque du client. Ainsi, en procédant à un virement dès la remise de l'encaissement du chèque, le consommateur a pris un risque. Sa participation active à l'escroquerie (en ayant encaissé le chèque et reçu une commission) lui fait perdre tout droit à un quelconque remboursement.

 

Un deuxième litige concerne une escroquerie au chèque remis à l'encaissement.

Un consommateur convient d'une rémunération avec une personne sur internet qui lui demande son RIB pour effectuer le virement. Le virement effectué, la personne lui indique qu'elle a envoyé une somme supérieure à celle prévue et lui demande de restituer le trop-perçu.

 

Le consommateur constatant l'existence de la provision sur son compte effectue le virement du trop-perçu. Cependant, par la suite, la banque l'informe que son compte est débiteur. La provision indiquée sur le compte correspondait non pas à un virement mais au dépôt d'un chèque revenu impayé. Le chèque a été déposé dans un autre département sans que le consommateur ne soit à l'origine du dépôt. Le client demande le remboursement à sa banque au motif que son endos ne figure pas sur le chèque encaissé.

 

La banque refuse. Le client fait appel à la médiation.

 

La médiatrice rappelle que conformément à l'article L.131-19 du code monétaire et financier le banquier récepteur d'un chèque est tenu de vérifier la régularité apparente de l'endos apposé sur le chèque, et cela même si le chèque est déposé en "libre service" dans une autre agence.

 

Elle relève qu'il y a eu un manquement de la banque à ses obligations règlementaires, qui appelle un geste commercial au titre de l'absence de verification de l'endos. Mais le virement de retour a été fait immédiatement après l'apparition du chèque en crédit, la banque n'avait aucune possibilité de vérifier la régularité de l'endos. Dans ces conditions, la banque n'a pas à rembourser le détournement de fonds proprement dit, qui a été autorisé par la victime.

 

Un autre litige concerne les opérations frauduleuses sur le compte d'épargne d'un proche via la banque en ligne

Un client reçoit un mail de phishing avec un lien frauduleux (il pensait que c'était un mail de sa banque). Il communique des infos personnelles et confidentielles permettant l’accès à l’espace sécurisé en ligne. Il détient également une procuration sur les comptes de sa mère.

 

Des virements internes et externes sont alors mis en place et les comptes sont vidés.

 

La Cour de Cassation impose une plus grande responsabilisation du client dans la garde des données confidentielles.

 

Des faisceaux d’indices dans le mail auraient pu alerter le client sur une anomalie. En l’espèce, une négligence grave du client est retenue.

 

Toutefois, des virements ont été effectués à partir du livret de développement durable de sa mère vers un compte dont la mère n’était pas titulaire. Or en ce qui concerne la règlementation de l’épargne, les virements d’un livret ne peuvent se faire que sur le compte du titulaire du livret. Or en l’espèce un virement externe avait été mis en place vers le compte d’un tiers.  L'accès aux comptes reposait sur un identifiant commun et des codes identiques. 

 

Même si la négligence grave du client a été relevée, il est donc à noter un manquement grave à la règlementation sur l'épargne engageant la responsabilité de la banque.

 

La médiatrice demande l'indemnisation du préjudice subi par la mère.

 

Un autre litige concerne la fraude par suite d’un détournement de la ligne téléphonique mobile

Deux virements ont été effectués sans que le client en soit à l'origine. Un tiers a acheté et installé une carte SIM, usurpant sa ligne de téléphone portable pour passer des appels et utiliser la connexion à internet depuis un pays étranger. L'opérateur de téléphonie a procédé à l'annulation de la facture.

 

La médiatrice constate que le client n'a pas été le réel destinataire de SMS persmettant d'installer le dispositif d'authentification forte et de valider l'ajout de l'IBAN.

 

La banque n'apporte aucune élément prouvant que c'était bien son client qui s'était connecté sur son espace personnel pour installer son procédé d'authentifictaion forte sur son téléphone et initier les viremenets frauduleux après l'ajout de l'IBAN du tiers malveillant. 

 

La médiatrice considère que la banque n'apportait pas la preuve de la négligence grave de son client dans la réalisation de la fraude. Le client apportait la preuve que sa ligne téléphonique avait été détournée à son insu. La médiatrice préconise le remboursement intégral des virements par la banque.

 

Un autre exemple concerne la fraude au salarié d’un établissement bancaire ou vishing

Une cliente reçoit un appel téléphonique d’une personne se faisant passer pour un salarié du service fraude de sa banque. On lui indique que des opérations inhabituelles sont en cours son son compte. La personne étant calme et rassurante, la cliente communique alors les codes d'annulation reçus par sms à cette personne qui l'appelle pour soit disant annuler les opérations. En réalité, les opérations frauduleuses sont effectuées grâce aux codes communiqués.

 

La médiatrice relève que les faits sont constitutifs d'une escroquerie prenant la forme d'un vishing (fraude via un appel téléphonique). Elle estime que la cliente ne peut prétendre au remboursement des sommes prélevées car elle a elle-même donné les codes de validation des opérations à la personne qui l’a appelée. Elle aurait dû être plus attentive, dans les sms le montant de l'opération, le nom du commerçant étaient indiqués ainsi que la mention "pour valider votre achat".

 

D'autres exemples concernent l'assurance-vie, l'assurance emprunteur, la mobilité bancaire, le chèque...

 

La médiatrice de la FBF fait également 2 focus : l'un sur les litiges commerciaux et l'autre sur les demandes de report d'échéances dûs à la crise sanitaire.

 

> Pour en savoir plus, consultez le rapport d'activité 2020 de la médiatrice auprès de la Fédération bancaire française.

 

3 - Rappel de la procédure de saisine de la médiatrice

Vous avez actuellement un litige avec votre banque que vous n'arrivez pas à résoudre : vous pouvez adresser une lettre, de préférence en recommandé avec avis de réception au médiateur de votre banque, si elle en a désigné un, ou à la médiatrice auprès de la Fédération bancaire française. La procédure est gratuite et confidentielle.

 

> Pour connaitre les coordonnées du médiateur de votre banque, consultez votre relevé ou convention de compte ou le site web de votre banque.

 

Vous pouvez également consulter l'annuaire du site du cercle des médiateurs bancaires.

 

Si votre litige vous oppose à un établissement d’un autre pays européen, le réseau FIN-NET est à votre disposition pour vous réorienter vers le Médiateur géographiquement compétent.

 

> Plus d’info sur Vous saisissez le médiateur bancaire pour règler un litige avec votre banque".

 

Récapitulez clairement les faits de votre litige ainsi que les démarches déjà effectuées, et joignez-y les photocopies des pièces justificatives. N'oubliez pas de chiffrer votre demande !

 

Avant de saisir le médiateur, et quel que soit le litige financier qui vous oppose à votre banque, vous devez entreprendre des démarches auprès de votre agence bancaire, puis de son service relations clientèle. En l’absence de réponse satisfaisante ou en cas de silence persistant passé deux mois, vous pouvez alors saisir le médiateur.

 

Le médiateur doit vous répondre dans les trois mois suivant sa saisine.

 

A l'issue de l'examen du dossier, le médiateur émet une recommandation, que l'établissement et le client sont libres d'accepter ou pas. Si la solution proposée ne vous convient pas, vous pouvez saisir le tribunal compétent.

 

 

Corinne Lamoussière-Pouvreau

Juriste à l'Institut national de la consommation


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