Vente à distance et hors établissement : pas d'obligation pour le professionnel de mettre en place un numéro de téléphone

Jurisprudence


Le professionnel n’est pas obligé de mettre en place un numéro de téléphone

Fiche d’arrêt - CJUE, 10 juillet 2019 - Bundesvanderband der Verbraucherzentralen c/ Amazon EU sàrl (*)


Le 10 juillet 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après "CJUE") a rendu un arrêt sur renvoi préjudiciel de la Cour suprême allemande au sujet de l’obligation des professionnels proposant des contrats hors établissement d’indiquer un numéro de téléphone et de télécopieur. Cet arrêt présente donc une interprétation de la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs.

 

 

1 - Les faits

L’affaire trouve sa source en Allemagne où la société Amazon EU exploite un site internet de vente en ligne. Le consommateur, avant son achat, a la possibilité de cliquer sur un lien électronique « Contactez-nous » présentant trois options : envoyer un courriel, passer par un système de messagerie instantanée ("tchat"), ou donner son numéro pour se faire rappeler. Il ne présentait donc pas de numéro de télécopieur et proposait également un numéro d’aide général dont la société déconseillait indirectement l’usage, en mettant en avant la lenteur du procédé par rapport aux autres moyens de communication.

 

Le Bundesvanderband der Verbraucherzentralen (Union fédérale des centrales et associations des consommateurs) a engagé une action contre Amazon aux motifs que la société ne procurait pas aux consommateurs des moyens efficaces pour entrer en contact avec elle. L’Union fédérale a alors saisi le tribunal régional de Cologne, qui a rejeté sa demande et a interjeté appel devant le tribunal supérieur de Cologne qui a fait de même. Elle a donc formé un recours en révision devant la Cour fédérale de justice allemande qui a sursis à statuer et a posé une question préjudicielle à la CJUE.

 

En effet, la directive de 2011 relative aux droits des consommateurs impose, dans son article 5, qu’avant que le consommateur ne soit lié par un contrat autre qu’un contrat à distance, le professionnel doive lui fournir, entre autres, son numéro de téléphone. L’article 6, 1°, c) dispose que, pour les contrats hors établissement ou à distance, le professionnel doit mettre à disposition du consommateur « son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur […] lorsqu’ils sont disponibles, pour permettre au consommateur de le contacter rapidement et de communiquer avec lui efficacement ». La directive précise également qu’il n’est pas possible aux Etats dans le cadre de la transposition dans le droit national de prendre des mesures plus exigeantes ou moins exigeantes. En droit allemand, la directive a été transposée de telle sorte qu’il y a une obligation du professionnel d’indiquer un numéro de télécopieur et de téléphone aux consommateurs en amont de la conclusion d’un contrat hors établissement ou à distance (article 312d paragraphe 1 du code civil allemand, le Bürgerliches Gesetzbruch, abrégé BGB, et l’article 246a de l’EGBGB, soit la loi d’introduction au code civil). Ce sont sur ces dispositions du code civil allemand que l’Union fédérale a fondé son action en justice.

 

La Cour fédérale de justice allemande a donc interrogé la CJUE pour savoir si les dispositions du code civil allemand étaient la transposition exacte de la directive, à savoir si la directive imposait bel et bien au professionnel d’indiquer un numéro de téléphone et un numéro de télécopieur en tout état de cause et non pas uniquement lorsqu’ils sont disponibles. Enfin, la Cour fédérale allemande interroge la CJUE pour savoir si en plus des moyens de communication énumérés par la directive, les professionnels pouvaient mettre en place d’autres moyens de communication comme en l’espèce un système de messagerie instantanée ou de rappel téléphonique.

 

2 - La réponse de la CJUE

Pour répondre à ces questions, il est intéressant de noter que la CJUE, considérant le terme allemand « gegebenenfalls » (« le cas échéant ») utilisé dans la version allemande de la directive est insuffisamment précis pour répondre à la question posée, va se fonder, pour comprendre la volonté du législateur européen sur les autres versions linguistiques du texte, et notamment sur la version française qui indique « lorsqu’ils sont disponibles ». Elle analyse également le contexte et les objectifs de la directive pour répondre à ces questions. Elle en conclut que la loi allemande est contraire à la directive en ce que la première impose la mise en place d’une ligne téléphonique et d’un télécopieur alors que la seconde n’imposait l’indication d’un numéro de téléphone et de télécopieur que si et seulement si ces derniers existaient déjà. De plus, elle doit être interprétée dans le sens que le professionnel peut fournir d’autres moyens de communication.

 

Pour prendre cette décision, la Cour fait usage de plusieurs arguments. Tout d’abord, elle constate que les termes « lorsqu’ils sont disponibles » visent les cas où le professionnel dispose d’une ligne téléphonique ou d’un télécopieur qu’il n’utilise pas à d’autres fins que le contact avec les consommateurs. Elle constate que l’objectif de ces dispositions est de garantir l’information précontractuelle du consommateur et donc, qu’avant tout, la communication des informations doit être rapide, claire, directe et efficace. De plus, elle craint que le fait d’imposer à tous les professionnels la mise en place de moyen de communication spécifique soit néfaste pour la concurrence, notamment pour les petites entreprises pour lesquelles la loi imposerait des charges inappropriées.

 

3 - Quel impact sur la législation française ?

Selon une interprétation littérale, les articles L. 111-1 et R. 111-1 du code de la consommation imposent au professionnel de communiquer au consommateur avant la conclusion du contrat ses coordonnées téléphoniques et électroniques. Les articles L. 221-5 et L. 221-11 dudit code, applicables aux contrats de vente à distance et les contrats conclus hors établissement, renvoient à l’article L. 111-1 du même code. Ces contrats sont donc concernés par l’obligation d’information précontractuelle susmentionnée. Ces dispositions ont donc les mêmes effets que celles de la législation allemande. Par ailleurs, le gouvernement français a été entendu dans le cadre du contradictoire de la présente affaire.

 

Le droit français devrait donc être mis en conformité avec l’interprétation faite par la CJUE du traité puisque cette interprétation s’impose à tous les Etats (Commission c/ Italie, CJCE, 13 juillet 1972).

 

4 - Et les autres contrats ?

Il est également remarquable qu’il résulte de cette décision et de l’interprétation de "lorsqu’ils sont disponibles", que la directive n’impose pas au professionnel proposant des contrats à distance ou hors établissement de mettre à disposition un numéro de téléphone ou une adresse électronique alors qu’elle impose la mise à disposition de ces éléments pour les autres contrats non conclus à distance ou hors établissement en son article 5.

 

 

(*) CJUE, 10 juillet 2019, Affaire C-649/17, Bundesvanderband der Verbraucherzentralen c/ Amazon EU sàrl

 

William URVOY

Juriste-stagiaire à l’Institut national de la consommation

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