Assurance emprunteur : la résiliation annuelle encore incertaine


La résiliation annuelle du contrat d’assurance emprunteur : des incertitudes pour sa mise en application au 1er janvier 2018


Pour rappel, la loi du 21 février 2017 a introduit la faculté de résiliation annuelle du contrat d’assurance emprunteur, pour tous les contrats conclus à compter du 22 février 2017 (modifiant l’article L. 313-30 du code de la consommation). Pour les contrats en cours d’exécution, soit ceux conclus avant cette date, la faculté de résiliation annuelle s’appliquera à compter du 1er janvier 2018, à condition que le nouveau contrat proposé par l’emprunteur respecte l’équivalence des garanties (pour plus d'informations, voir les nouveautés 2017 sur l'assurance emprunteur). 

 

L'action des banques contre ces nouvelles dispositions

Les banques se sont insurgées face à cette législation qui, selon elles, va mettre à mal la concurrence et le coût des assurances emprunteurs pour les ménages les plus modestes.

 

La directrice de la Fédération bancaire française (FBF), Marie-Anne Barbat-Layani indiquait dans le Monde, en septembre 2016, que cette mesure, en apparence bénéfique pour l'emprunteur, est en réalité très risquée quant à ses conséquences. Cette dernière rappelle tout d'abord que "Nous avons, en France, un écosystème de crédit qui fonctionne bien, ouvert à tous ou presque, avec des sécurités et peu d'impayés. Cet amendement écrit sur un coin de table risque de le déstabiliser". Elle ajoute : "Nous craignons une démutualisation au détriment des consommateurs les plus fragiles, notamment les malades présentant des risques aggravés".

 

En effet, le dispositif actuel d'assurance emprunteur permet la solidarité entre emprunteurs en reposant sur la mutualisation des risques. Or, les conséquences de cet amendement seraient une démutualisation excessive au détriment des catégories sociales d'accédants à la propriété les plus fragiles sur les plans des revenus, de l'âge ou de la santé (source).

 

Ainsi, la faculté de résiliation offerte à tous les détenteurs de contrats d’assurance-emprunteur en cours d’exécution à la date du 1er janvier 2018, ne passe pas chez les banquiers, qui tentent, par tous les moyens, de la faire annuler.

 

La FBF, appuyée par un certain nombre d’organismes financiers, a introduit une requête auprès du Conseil d’Etat, le 27 juillet 2017, afin de faire annuler l’arrêté du 14 juin 2017 relatif au format et au contenu de la fiche standardisée d’information. Elle a profité de cette action pour demander le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) : celle de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de la loi du 21 février 2017 prévoyant la faculté de résiliation annuelle des contrats d’assurance emprunteur et notamment le chapitre V de ladite loi qui prévoit que « Le présent article est également applicable, à compter du 1er janvier 2018, aux contrats d'assurance en cours d'exécution à cette date ».

 

Le Conseil d’Etat a accédé à la demande de la FBF en renvoyant leurs questions au Conseil constitutionnel, qui dispose de trois mois pour rendre sa décision, soit avant le 11 janvier 2018.

 

En cas de censure par les sages de ces dispositions de la loi du 21 février 2017, la faculté de résiliation annuelle de tout le stock de contrats en cours pourrait ne pas s’appliquer.

 

Une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui pourrait se trouver inopérante si la loi du 21 février 2017 est validée.

L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 4 octobre 2017 (Cass. civ. 1ère, 4 octobre 2017, n° 16-19.742) illustre bien les répercussions de l’application des dispositions de la loi du 21 février 2017 relatives à la résiliation annuelle des contrats d’assurance emprunteur.

 

En effet, lors de cette affaire, la haute juridiction a été appelée à se prononcer sur l’application :

 

  • de l’article L. 113-12 du code des assurances qui prévoit, au profit tant de l’assuré que de l’assureur, le droit de résilier le contrat d’assurance au moins deux mois avant la date d’échéance annuelle,
     
  • de l’article L. 312-9 du code de la consommation, tel qu’il était rédigé dans sa version antérieure à la loi du 1er juillet 2010 applicable en l’espèce, et qui prévoyait que le droit de résiliation n’était pas ouvert dans le cas d’un contrat d’assurance de groupe garantissant le remboursement total ou partiel du montant d’un prêt immobilier restant dû (en d’autres termes, l’assurance emprunteur), ce contrat étant souscrit pour la durée de l’emprunt et ne comportant pas d’échéance annuelle.

Elle a considéré qu’ «en l’état de ces textes, la reconnaissance, au bénéfice de l’emprunteur, d’une faculté de résiliation annuelle du contrat d’assurance conduirait, à défaut de l’accord du prêteur sur le nouveau contrat d’assurance offert en garantie, à la résiliation du contrat de prêt consenti sous la condition de l’octroi et du maintien d’une assurance agréé par le prêteur, une telle résiliation pouvant imposer à l’emprunteur de vendre l’immeuble financé afin de désintéresser le créancier». Cette solution a été retenue à plusieurs reprises par la Cour de cassation  (Cass. civ. 1ère 24 mai 2017, n° 15-27.127).

 

La Cour, dans cet arrêt, donne ainsi raison à l’établissement de crédit en refusant la faculté de résiliation annuelle d’un contrat d’assurance de groupe garantissant le remboursement partiel ou total du montant d’un prêt immobilier restant dû.  

 

A compter du 1er janvier 2018, et à supposer que les dispositions de la loi visées par la QPC soient validées par le Conseil constitutionnel, la résiliation de tels contrats serait donc possible.

 

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), en charge de la surveillance de l'activité des banques et des assurances en France, a émis une recommandation sur le libre choix de l’assurance emprunteur souscrite en couverture d’un crédit immobilier, le 26 juin 2017.

 

L’ACPR  a procédé à un état des lieux des pratiques appliquées par les principaux acteurs bancaires lors de la mise en œuvre de ces dispositions et a relevé que « l’information délivrée à la clientèle sur les conditions permettant de faire usage de ce droit était souvent insuffisante et que certaines modalités de traitement des demandes d’assurance externe pouvaient ralentir les démarches des demandeurs voire limiter l’exercice de leur droit ».

 

A cette fin, l’ACPR a émis un certain nombre de recommandations pour inciter les banques à respecter les principes posés par la règlementation et notamment l’information de la clientèle, les modalités de traitement des demandes d’assurance externe et le contrôle interne du principe du libre choix de l’assurance emprunteur.

 

 

Fanny JOFFROIS

Juriste à l’Institut national de la consommation

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