DPE : de nombreuses questions restent en suspens !


En février 2024, le Gouvernement a annoncé différentes mesures visant à modifier certains éléments de calcul du Diagnostic de Performance Energétique (DPE), avec une réforme qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2024.

 

Suite à ces annonces, de nombreuses questions se posent. L'Institut national de la consommation (INC) fait le point sur les points d'interrogation qui existent.

 

 

1 - RAPPEL DU CONTEXTE DE LA REFORME DES DPE

Créé en 2006, le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) a fait l'objet d'une réforme entrée en vigueur le 1er juillet 2021. A cette occasion, des modifications importantes ont été apportées. Des enjeux importants découlent de ce document au coeur de la politique de rénovation énergétique de la France.

 

Le contenu du nouveau DPE après 2021

Le diagnostic de performance énergétique ou DPE, réalisé au sein d’une maison, d’un lot de copropriété ou dans un immeuble, a pour vocation d’informer le propriétaire, l’acquéreur ou le locataire sur la quantité d’énergie utilisée par le bâtiment et les émissions de gaz à effet de serre.

 

L'ordonnance du 29 janvier 2020 est venue préciser le contenu législatif du DPE. Ce document comprend :

 

  • la quantité d'énergie effectivement consommée ou estimée, exprimée en énergie primaire et finale, pour une utilisation standardisée du bâtiment ou d'une partie de bâtiment,
  • une classification en fonction de valeurs de référence permettant de comparer et évaluer sa performance énergétique.

Il est désormais accompagné :

 

  • de recommandations destinées à améliorer cette performance,
  • et du montant des dépenses théoriques de l'ensemble des usages énumérés dans le diagnostic.

Des recommandations de travaux sont insérées dans le diagnostic. Ces dernières ne sont toutefois pas opposables.

 

Les enjeux liés aux DPE

Le DPE est à l'origine de nombreuses politiques publiques : rénovation des logements, aides, primes, interdiction de louer...

 

Dans ce contexte, la réforme de 2021 a renforcé la valeur de ce document. Il est en partie opposable juridiquement aux bailleurs et aux vendeurs de biens immobiliers.

 

Le DPE peut conduire à l'interdiction de louer les biens les plus énergivores, à l'interdiction d'augmenter les loyers. Si un propriétaire vend une passoire, il peut être obligé de réaliser un audit énergétique.

 

Consultez les documents de l'INC "Location : quelles sont les obligations et interdictions dans les passoires énergétiques ?" et "1er avril 2023 : l'obligation de réaliser un audit énergétique lors de la vente de certaines maisons énergivores".

 

La remise en cause de la fiabilité du DPE

En septembre 2021, le ministère de la Transition écologique recommande aux diagnostiqueurs immobiliers de suspendre la réalisation de nouveaux diagnostics pour les logements construits avant 1975, sauf pour des transactions urgentes. La situation s'est clarifiée en novembre 2021.

 

En juin 2022, une étude réalisée par "60 Millions de consommateurs" a mis en évidence qu'un même bien pouvait obtenir plusieurs classes énergétiques en fonction des DPE. Cette étude a été suivie de l'étude de l'UFC - Que choisir, dont les conclusions vont dans le même sens.

 

Consultez L'article de "60 Millions de consommateurs" de 2022 : Essai comparatif "Nouveau DPE : des erreurs en pagaille !" et l'article de l'UFC - Que Choisir "Diagnostics de performance énergétique, Du grand n'importe quoi, encore et toujours" également publié en 2022.

 

 

2 - LES ELEMENTS DE LA REFORME DE FEVRIER 2024

Le mardi 13 février 2024, le Gouvernement a annoncé une simplification du diagnostic de performance énergétique. Celle-ci nécessite l’adoption d’un arrêté, avec une entrée en vigueur prévue le 1er juillet 2024.

 

"Les statistiques montrent que les logements de petites surfaces sont moins bien classés que la moyenne par le DPE. Pour corriger ces disparités, une consultation est lancée sur un projet d’arrêté visant à rendre les seuils DPE plus équitables pour les logements d’une surface inférieure à 40 m².

 

Pour corriger ces disparités, une consultation est lancée sur un projet d’arrêté visant à rendre les seuils DPE plus équitables pour les logements d’une surface inférieure à 40 m². Cela permettra à 140 000 logements de moins de 40 m² de sortir de la catégorie des passoires énergétiques (étiquettes F ou G), ce qui représente plus de 15 % de ces surfaces.

 

Pour chaque logement touché par cette réforme, il sera possible de générer une attestation de nouvelle étiquette DPE, téléchargeable sur l’Observatoire DPE-Audit de l’Ademe. En attendant la génération de celle-ci, l’Ademe met à disposition un simulateur permettant de disposer d’une évaluation de cette future étiquette".

 

Consultez la plateforme de l’Ademe : observatoire-dpe-audit.ademe.fr.

 

Consultez le site du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

 

 

3 - LES QUESTIONS RESTANT A ECLAIRCIR SUR LES SUITES DE LA REFORME DE 2024

La réforme pose de nombreuses questions d'application. Certains éléments sont développés ci-après.

 

Les dates de validité des DPE successifs

 

La durée de validité du diagnostic de performance énergétique est fixée à dix ans par l'article D. 134-4-2 du code de la construction et de l'habitation.

 

Les DPE réalisés avant la réforme de 2021 ont une durée de validité dérogatoire.

 

Ainsi la durée de validité des anciens DPE est fixée dans les limites suivantes :

 

  • les diagnostics réalisés entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 étaient valides jusqu'au 31 décembre 2022,
  • les diagnostics réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 sont valides jusqu'au 31 décembre 2024.

De plus, la méthode de calcul a été revue à l'automne 2021. Cela a entrainé une suspension de la réalisation des DPE jusqu'au 1er novembre 2021.

 

Concrètement, à partir du 1er juillet 2024 et jusqu'au 31 décembre 2024, plusieurs types de DPE réalisés selon différentes méthodes seront présents sur le marché :

 

  • Les diagnostics réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 avec l'ancienne méthode (éventuellement méthode sur factures pour les logements d'avant 1948),
  • Les diagnostics réalisés entre le 1er juillet 2021 et le 31 octobre 2021 (suite à la réforme de 2021),
  • Les diagnostics réalisés entre le 1er novembre 2021 et le 30 juin 2024 (application de la nouvelle méthode après la suspension),
  • Les diagnostics réalisés entre le 1er juillet 2024 et le 31 décembre 2024 (réforme de la formation des diagnostiqueurs).

 

 

La production d'une nouvelle attestation d'étiquette DPE téléchargeable sur l’Observatoire DPE-Audit de l’Ademe

 

Pour chaque logement touché par cette réforme, il est précisé qu'il sera possible de générer une attestation de nouvelle étiquette DPE, téléchargeable sur l’Observatoire DPE-Audit de l’Ademe.

 

Plusieurs questions se posent sur ce point :

 

> Sera-t-il possible de générer une attestation pour les DPE réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 ?

 

En effet, ces diagnostics sont toujours valables. Cependant, ils ont été réalisés sous l'ancienne méthode. Les diagnostiqueurs appliquaient alors la méthode sur factures pour les logements d'avant 1948.

 

 

> Quel sera le point de départ de la validité du DPE ?

 

Une attestation sera téléchargée à partir du 1er juillet 2024. Ce document sera-t-il valable pendant 10 ans ou à partir de la date de réalisation du DPE ?

 

> Que se passera-t-il si certains propriétaires n'ont pas accès à l'information ?

 

Il est opportun de penser aux personnes - encore nombreuses - qui n'ont pas accès aux outils numériques. Elles ne seront pas en mesure d'avoir accès à l'information de l'existence de cette possibilité, ni à la possibilité de télécharger l'attestation. Les bailleurs dans cette situation ne connaitront pas réellement leur situation et les obligations auxquelles ils sont réellement soumis. Il en sera de même pour les locataires dans cette situation, qui pourraient croire que leur logement n'est plus louable à partir du 1er janvier 2025.

 

Un renforcement de la communication sur cette question est donc essentiel.

 

Les conséquences juridiques de la production d'une nouvelle attestation

Les questions juridiques sont très nombreuses.

 

> La rétroactivité éventuelle de la sortie du classement de "passoires énergétiques"

 

A partir du 1er juillet 2024, certains logements ne seront plus considérés comme des passoires énergétiques. Or, ces logements ont pu être considérés comme tels entre 2021 et 2024. Des conséquences importantes en ont découlé comme :

 

  • l'interdiction d'augmenter les loyers des logements les plus énergivores,
  • l'indécence des logements classés "G+".

La remise en cause de la catégorisation en passoires énergétiques sera-t-elle rétroactive ? Les bailleurs pourront-ils demander l'augmentation des loyers ? Ces questions sont à l'origine d'une vive insécurité juridique regrettable pour l'ensemble des parties prenantes.

 

Si la mesure n'est pas rétroactive, il pourrait être considéré comme "injuste" de retenir une classification qui n'est pas la bonne pendant plusieurs années.

 

 

> La complexification de l'opposabilité du DPE

 

La loi Elan du 23 novembre 2018 est venue modifier la valeur du diagnostic de performance énergétique.

 

Avant le 1er juillet 2021, l'acquéreur ne pouvait se prévaloir à l'encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n'avaient qu'une valeur indicative. Il en était de même pour le locataire.

 

Depuis le 1er juillet 2021, l'acquéreur ou le locataire ne peut se prévaloir à l'encontre du propriétaire des recommandations accompagnant le diagnostic de performance énergétique qui n'ont qu'une valeur indicative.

 

Le changement porte donc sur la valeur du document. Désormais, seules les recommandations contenues dans le diagnostic auront une valeur informative. Il s'agit des recommandations de travaux. Le reste du document sera donc opposable au vendeur ou au bailleur.

 

MENTIONS DU DPE CARACTERE OPPOSABLE OU NON
Quantité d'énergie effectivement consommée ou estimée, exprimée en énergie primaire et finale, pour une utilisation standardisée du bâtiment ou d'une partie de bâtiment Opposable
Classification énergétique Opposable
Recommandations destinées à améliorer la performance Non opposable

 

La réforme envisagée de 2024 vient poser de nombreuses questions sur cet aspect. L'opposabilité du DPE initial n'est-elle pas remise en cause par la génération d'une nouvelle attestation ? Comment générer une attestation si les données d'entrée sont erronées ? Comment engager la responsabilité du diagnostiqueur sur la base d'une attestation qu'il n'a pas générée ?

 

 

EN CONCLUSION

De nombreuses études ont remis en cause la fiabilité des DPE. Il a pu être constaté qu'un des problèmes consistait dans les données d'entrée, qui étaient erronées. La modification d'un coefficient appliqué aux petites surfaces ne va pas corriger ces erreurs humaines. La situation va être complexifiée, car il sera désormais difficile d'identifier quelles seront les logements les plus énergivores déterminées par un diagnostiqueur et ce, sans erreur. Il peut être opportun de se demander la raison de la non-application de ce coefficient depuis 2021.

 

Le présent document illustre quelques problématiques qui vont se poser et qui vont certainement opacifier encore la vision sur le parc énergivore français.  Cependant, le contenu de la formation des diagnostiqueurs sera modifié à partir du 1er juillet 2024. Il convient d'espérer que cette modification conduise à une fiabilité des prochains DPE réalisés à partir de cette date.

 

 

POUR EN SAVOIR PLUS

Le diagnostic de performance énergétique est encadré par les articles L. 126-26 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Son contenu est détaillé par les articles R. 126-15 et suivants du même code (depuis le 25 août 2021).

 

Consultez la fiche de l'INC "Le diagnostic de Performance Energétique".

 

 

 

Virginie POTIRON,

Juriste à l'Institut national de la consommation

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