L'assurance des catastrophes industrielles

Fiche pratique J 238


L’explosion du 21 septembre 2001 de l’usine AZF à Toulouse est une catastrophe industrielle historique qui restera gravée dans les esprits : 30 000 logements affectés, 5 000 véhicules détériorés, 7 000 entreprises industrielles et artisanales touchées, sans oublier les trente personnes qui ont perdu la vie et des centaines de blessés.

Ce sinistre d’une exceptionnelle gravité a révélé, à l'époque, l’insuffisance des textes législatifs existants pour prévenir de potentiels dommages technologiques. Bien que ce sinistre ne se soit pas reproduit depuis, il existe en France environ 1 224 autres entreprises classées Seveso 1 qui présentent des risques semblables.


La loi du 30 juillet 2003 complétée par le décret du 30 novembre 2005 a mis en place un régime spécifique d’indemnisation des victimes de catastrophes technologiques, dont les dispositions figurent dans le code des assurances.

 

Le régime n’envisage que l’indemnisation des dommages matériels et ne prend pas en charge les dommages corporels.

 

Cette fiche pratique de l'INC vous présente ce mécanisme d'indemnisation des catastrophes technologiques.

 

 

1 - Qu'est-ce qu'une catastrophe technologique ?

2 - Que couvre l'assurance des catastrophes technologiques ?

3 - Que faire après une catastrophe technologique ?

4 - L'expertise

 

 

1 - QU’EST-CE QU’UNE CATASTROPHE TECHNOLOGIQUE ?

On peut définir une catastrophe technologique au sens courant comme un accident se produisant dans une des phases de la production industrielle, de l’exploitation minière ou du transport de cette production.

 

Toutefois, la loi retient une définition plus restreinte des catastrophes technologiques. Selon l’article L. 128-1 du code des assurances, c’est un accident non nucléaire survenant dans une installation classée comme dangereuse au sens du code de l’environnement et endommageant un grand nombre de biens immobiliers.

 

Ces installations liées à l’industrie peuvent être indistinctement des usines, ateliers, dépôts, chantiers, exploitations de carrière ou toute autre installation. Les accidents dus au transport de matières dangereuses (par train, camion, bateau, avion, etc.) peuvent être considérés comme des catastrophes technologiques.

 

D’une manière générale, sont visées les installations classées qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients pour le voisinage, la santé, la sécurité et la salubrité publique, l’agriculture, la protection de la nature et de l’environnement, la conservation des sites et des monuments ou encore des éléments du patrimoine archéologique.

 

Quels événements sont garantis ?

Seuls les accidents sont concernés par le dispositif, à l’exclusion des attentats, du terrorisme et autres faits volontaires.

 

Les événements qui constituent des accidents se matérialisent principalement par des incendies ou des explosions. Mais la loi ne restreint pas la notion d’accident : sous réserve d’interprétation contraire par les tribunaux, la pollution durable d’une zone suite à une catastrophe technologique pourrait avoir comme effet d’entraîner la mise en œuvre de l’assurance.

 

Quand est-on légalement en présence d’une catastrophe technologique ?

Trois critères doivent être réunis cumulativement pour que l’on soit en présence d’une catastrophe technologique prise en charge soit par l’assurance, soit par le fonds d’indemnisation :

 

  • l’accident doit être considéré comme grave. Pour cela, l’article R. 128-1 du code des assurances précise que sont visés les accidents rendant inhabitables plus de cinq cents logements,
  • l’accident doit se produire dans une installation de type industriel,
  • l’accident doit survenir dans une installation classée dangereuse.

Ainsi un accident, même important, se produisant à proximité d’une installation classée ou dans une usine non classée n’est pas une catastrophe technologique et ne sera pas pris en charge au titre de l’assurance des catastrophes technologiques. Pour obtenir une indemnisation, la victime devra soit faire jouer son contrat multirisques habitation (garantie explosion…), soit engager la responsabilité du responsable de l’accident selon le droit commun.

 

2 - QUE COUVRE L’ASSURANCE DES CATASTROPHES TECHNOLOGIQUES ?

Si vos biens sont assurés pour les dommages qu’ils peuvent subir, vous êtes obligatoirement couvert contre les catastrophes technologiques.

 

Depuis la loi du 30 juillet 2003, tous les contrats d’assurance de biens (multirisques habitation, assurance dommages automobile) des particuliers doivent obligatoirement comporter la garantie des risques technologiques. Cette garantie n’est pas une garantie obligatoire en tant que telle, mais une extension obligatoire des garanties de dommages.

 

Dès lors que vous possédez une assurance dommages (vol, incendie, dommages automobile, bris de glace…), la garantie catastrophes technologiques est automatiquement acquise, même si votre contrat est antérieur à 2003 et qu’il ne comporte pas cette garantie :

 

  • si vous avez une assurance multirisques habitation, vous serez  couvert contre les catastrophes technologiques,
  • si vous avez souscrit une assurance dommages pour votre véhicule, vous serez couvert pour les dommages consécutifs subis par votre véhicule lors d’une catastrophe technologique. À l’inverse, si vous n’avez souscrit que la responsabilité civile automobile obligatoire, vous ne serez pas indemnisé par l’assurance en cas de catastrophe technologique.

L’assurance des catastrophes technologiques couvre la réparation des seuls dommages matériels causés aux immeubles d’habitation ainsi qu’aux meubles contenus dans ces immeubles. L’assurance couvre également les dommages causés aux véhicules qui font l’objet d’une assurance de biens.

 

Pour tenir compte des difficultés rencontrées par les victimes des habitations collectives (copropriété et HLM), la garantie s’étend également aux contrats d’assurance souscrits par les syndicats de copropriété ou les organismes HLM.

 

L’assurance n’intervient qu’à la constatation de l’état de catastrophe technologique par l’autorité administrative (exemple : maire, président de collectivité). Il est utile de préciser que l’état de catastrophe technologique, comme l’état de catastrophe naturelle, est apprécié directement par l’autorité administrative par publication d’un arrêté au Journal officiel de la République française (JO). Le juge administratif contrôle la cause et l’étendue du sinistre.

 

EXCLUSIONS :

 

  • La garantie catastrophes technologiques exclut les dommages corporels et immatériels. Les dommages corporels et immatériels doivent être réparés selon le droit commun de la responsabilité.
  • Les biens non assurés – ou exclus du contrat d’assurance – ne seront jamais pris en charge par l’assurance des catastrophes technologiques.
  • De plus, lorsqu’un plan de prévention des risques (PPR) a délimité une zone inconstructible, la garantie obligatoire d’assurance ne s’applique pas aux biens construits dans cette zone après la publication du plan.

 

Pour les victimes non assurées, un fonds de garantie, dont le fonctionnement est détaillé ci-dessous, a été mis en place (article L. 421-16 du code des assurances).

 

 

Les immeubles à l’exclusion des dépendances

Ne seront pris en charge par l’assureur que les dommages causés aux biens immobiliers situés sur le territoire français, à usage d’habitation ou encore placés dans des locaux à usage d’habitation, comme précisé par l’article L. 128-2 du code des assurances.

 

Les dépendances (garage, abri de jardin, etc.) ne semblent pas donc concernées par le dispositif.

 

En effet, il ressort d’un rapport parlementaire (rapport en première lecture déposé par Alain Venot à l’Assemblée nationale le 26 février 2003) que les dommages aux garages ou abris de jardin sont volontairement exclus du fait qu’ils ne sont pas considérés comme prioritaires en cas de catastrophe technologique. Ces biens pourront faire l’objet d’une réparation au titre de l’assurance multirisques habitation ou en application du droit commun de la responsabilité.

 

Afin d’assurer l’indemnisation complète des dommages subis par les particuliers, aucune franchise, clause de vétusté, limitation de garantie ou encore clause d’exclusion liée aux risques technologiques ne pourra être opposée par l’assureur. En cas de disparition totale de l’immeuble ou d’impossibilité de reconstruire, l’article R. 128-2 du code des assurances énonce que l’indemnité doit permettre à l’assuré de racheter dans un secteur comparable un immeuble équivalent selon des critères de confort, d’emplacement et de consistance.

 

L’indemnité d’assurance doit permettre de couvrir tous les frais que peut rencontrer une victime :

 

  • frais de démolition, déblais, pompage, désinfection, décon- tamination, nettoyage…
  • frais d’architecte, experts divers, cotisation d’assurance dommages ouvrage obligatoire…
  • pertes indirectes : indemnité forfaitaire (5 à 20 % du montant de l’indemnité) destinée à couvrir les dépenses inchiffrables et indirectes supportées par vous. Elle n’entraîne la présentation d’aucun justificatif,
  • privation de jouissance : cela permet de compenser les frais d’hébergement que vous pouvez avoir à supporter si, à la suite d’un incendie, vous vous trouvez contraint de quitter temporairement votre appartement ou votre maison. Si vous êtes locataire, votre assureur vous remboursera les loyers que vous devez continuer à verser bien que vous ne puissiez pas occuper les locaux en cours de réfection. Si vous êtes propriétaire, vous recevrez une indemnité fondée sur la valeur locative de votre logement. Cette indemnité a pour finalité de vous reloger provisoirement ailleurs.

Les dommages causés aux locaux destinés à une exploitation professionnelle ou à usage mixte ne sont pas concernés par ce dispositif (article R. 128-3 du code des assurances).

 

 

Les meubles

Seront pris en charge par l’assureur l’ensemble des dommages affectant les biens mobiliers sur le principe de la réparation intégrale. Les meubles sont garantis à concurrence des capitaux prévus au contrat.

 

L’indemnisation s’effectue en valeur de remplacement, donc sans application de coefficient de vétusté ou de franchises contractuelles. Toutefois, la loi a posé une limite à ce principe. Lorsque les biens mobiliers ont fait l’objet d’une déclaration de valeur ou d’un capital assuré, les montants prévus constituent une limitation de garantie.

 

Sont garantis par le contrat, dans les limites fixées aux conditions particulières :

 

  • tous les biens mobiliers : ceux qui au moment de l’accident se trouvent dans les locaux désignés, appartenant à vous-même et aux personnes qui habitent avec vous (membres ou non de votre famille). Il s’agit du mobilier courant : meubles, linges et vêtements, appareils électriques et ménagers, etc.,
  • les objets de valeur et précieux.

Les bijoux, objets en métaux précieux, tableaux, ordinateurs portables, livres rares, meubles anciens et collections ne sont généralement garantis que pour une somme limitée – par exemple 30 % de la valeur du mobilier (ainsi, si vous êtes assuré pour 40 000 euros de mobilier, le remboursement des objets de valeur sera limité à 12 000 euros).

 

Les objets de valeur ou précieux sont définis dans votre contrat. Par exemple, un meuble devient précieux pour une société d’assurance s’il a plus de cinquante ans d’âge ou si sa valeur unitaire dépasse 5 000 euros.

 

 

Les véhicules terrestres à moteur (VTM)

Sera pris en charge par l’assureur l’ensemble des dommages affectant le VTM (auto, moto, camion) en application du principe de la réparation intégrale, mais seulement si l’assurance auto comprend une garantie dommages (vol, incendie, bris de glace, accident…).

 

Si vous avez souscrit une assurance dommages pour votre véhicule, vous serez couvert pour les dommages consécutifs subis par votre véhicule lors d’une catastrophe technologique. À l’inverse, si vous n’avez souscrit que la responsabilité civile automobile obligatoire, vous ne serez pas indemnisé par l’assurance des catastrophes technologiques. Dans ce cas, un recours direct contre le responsable de la catastrophe doit être envisagé.

 

Selon l’article L. 128-2 du code des assurances, les véhicules concernés sont des véhicules à usage non professionnel. On peut toutefois s’interroger pour savoir si un véhicule à usage professionnel (véhicule de fonction, véhicule d’un artisan…) est concerné ou non par le dispositif.

 

 

3 - QUE FAIRE APRÈS UNE CATASTROPHE TECHNOLOGIQUE ?

Surtout, ne jetez rien. Conservez tous les objets endommagés (brisés, fendus, brûlés…) car vous devez fournir la preuve et l’étendue de vos dommages. Des restes d’objets peuvent être précieux pour vous aider à constituer une preuve de vos pertes. Vous devez également prendre toute mesure d’urgence pour éviter l’aggravation des dommages (calfeutrage des fenêtres, fermeture du logement…).

 

De même que pour l’assurance des catastrophes naturelles, l’assurance n’intervient qu’à la publication au JO de l’arrêté de catastrophe technologique (article R. 128-1 du code des assurances : l’état de catastrophe technologique est constaté par arrêté dans un délai maximal de quinze jours).

 

Vous avez souscrit une assurance dommages aux biens pour votre habitation ou votre véhicule

Prévenez votre assureur au plus tôt après le sinistre. Observez dans tous les cas le délai indiqué dans votre contrat pour effectuer la déclaration.

 

Outre votre nom, votre adresse et votre numéro de contrat, vous devez lui préciser la date du sinistre, ses causes présumées, l’étendue des dommages et une première estimation de leur montant.

 

Dès la publication de l’arrêté de catastrophe technologique au JO transmettez à votre assureur (de préférence par lettre recommandée avec accusé de réception) un état estimatif le plus précis possible de vos biens endommagés ou de vos pertes subies.

 

Pour constituer un état estimatif : photographiez, filmez tout ce qui a été endommagé pour constituer une preuve. Rassemblez également tout ce qui peut justifier l’existence et la valeur des biens tels que bons de garantie, factures. Toutefois, si toute preuve matérielle a disparu, recueillez des témoignages de personnes qui déclarent avoir vu tel ou tel objet chez vous.

 

Dans tous les cas, sollicitez des devis pour la remise en état de vos biens avant le passage de l’expert.

 

Si les dommages sont importants, il peut être utile de faire appel à un expert que vous aurez vous-même choisi. Il vous aidera à établir l’état de vos pertes ainsi qu’à défendre vos intérêts. Les honoraires de cet expert sont à votre charge, sauf si votre contrat prévoit une garantie “honoraires d’expert”.

 

Vous avez tout intérêt à remettre au plus vite l’état de vos pertes à votre assureur. En effet, la loi contraint l’assureur à vous indemniser dans un délai de trois mois à compter de la remise de l’état estimatif de vos pertes et/ou biens endommagés.

 

 

Votre habitation n'est pas assurée : le rôle du fonds de garantie (FGAO)

Le principe

L’indemnisation des victimes non assurées a également été prévue par le législateur. Conformément à l’article L. 421-16 du code des assurances, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) est chargé de l’indemnisation des dommages immobiliers causés par une catastrophe technologique à l’habitation principale non couverte par un contrat d’assurance de dommages.

 

Si votre habitation principale pour laquelle vous n’êtes pas assuré a été endommagée par une catastrophe technologique, vous pouvez déposer une demande d’indemnisation auprès du Fonds de garantie. Vous devez respecter la même procédure que pour les biens assurés (voir ci-dessus).

 

Dès la publication de l’arrêté de catastrophe technologique au JO, adressez votre dossier au Fonds de garantie (voir le site du FGAO).

 

Le Fonds doit proposer une indemnisation dans les trois mois à compter de la date de la remise effective de l’état estimatif des biens endommagés (ou de l’arrêté de catastrophe technologique, si sa publication est postérieure). L’indemnisation des dommages immobiliers par le Fonds est effectuée dans la limite d’un plafond fixé par décret à 100 000 euros.

 

 

Exclusion des biens mobiliers et résidences secondaires

Concernant votre habitation, seuls sont pris en charge par le Fonds de garantie les dommages causés à l’habitation principale à l’exclusion des biens mobiliers et des autres biens immobiliers. Il est donc inutile de déposer une demande d’indemnisation auprès du Fonds pour les dommages subis par des biens mobiliers ou des biens immobiliers autres (votre résidence secondaire, par exemple).

 

Pour les biens précités, il est toutefois possible d’obtenir réparation en effectuant un recours devant les tribunaux contre les responsables de la catastrophe technologique.

 

 

4 - L’EXPERTISE

Des règles spécifiques sont prévues par la loi du 30 juillet 2003 complétée par le décret du 30 novembre 2005. Ce décret a repris une convention mise en place à l’initiative des assureurs en 2004, qui favorisait l’indemnisation rapide des victimes en adoptant des procédures d’expertise simplifiées.

 

Trois procédures d’expertise simplifiées ont été mises en place :

 

  • Dispense d’expertise

Si le montant des dommages est inférieur à 2 000 euros pour les dommages aux habitations (article R. 128-4-1° du code des assurances) et à 325 euros pour les dommages aux véhicules (article R. 128-4-2° du code des assurances), l’assureur de la victime ou le fonds d’indemnisation procède sans expertise à l’indemnisation des victimes.

 

Ce premier niveau favorise l’indemnisation rapide des victimes en dispensant du passage de l’expert pour les dommages inférieurs aux montants précités. En effet, la victime est alors présumée avoir subi les dommages mentionnés au descriptif. Les indemnités sont présumées réparer les dommages, même en l’absence d’expertise. Toutefois, l’assureur a toujours la possibilité de vérifier la réalité des dommages.

 

 

  • Expertise unique

L’assureur ou le Fonds de garantie (dommages aux habitations uniquement) doivent faire procéder à une expertise dont les conclusions sont opposables à tous les assureurs concernés lorsque le montant de ces indemnités est compris entre :

 

  • 2 000 et 100 000 euros pour les dommages aux habitations et aux autres biens,
  • 325 et 6 500 euros pour les dommages affectant un véhicule terrestre à moteur.

L’article R. 128-4 précise que la victime est présumée avoir subi les dommages mentionnés aux états estimatifs des pertes et dommages. Les indemnités sont censées réparer lesdits dommages à condition qu’il ait été procédé au moins à une expertise par un expert choisi par l’assureur ou le Fonds de garantie.

 

 

  • Expertise contradictoire

Si le montant des dommages dépasse les seuils fixés pour l’expertise unique, la convention n’est plus applicable. Les règles classiques de l’expertise sont alors applicables. Une expertise contradictoire entre l’expert de l’assureur du responsable et l’expert de l’assureur de dommages devra être organisée.

 

> N'hésitez pas à vous rapprocher d'une association nationale agréée de consommateurs.

 

 

Fiche mise à jour par Fanny JOFFROIS

Juriste à l'Institut national de la consommation

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