Le yield management : qu’est-ce que c’est ?

Fiche économique E09


Le yield management est une pratique commerciale qui consiste à faire varier les prix en fonction du comportement de la demande des consommateurs. Elle est utilisée depuis plusieurs années, notamment par les professionnels du tourisme et des transports. Avec l’apparition du numérique, des innovations technologiques et du traitement des données de masse (Big Data), ce phénomène a pris de l’ampleur ces dernières années en s’étendant à d’autres secteurs.


Cette pratique pose des questions au niveau du traitement des données personnelles, de la juste observation des prix, mais également au niveau éthique. Cela a justifié la création d’un groupe de travail au sein du Conseil National de la Consommation (CNC) sur le sujet. Ce groupe a établi un rapport et des recommandations contenues dans un avis qui a été adopté le 27 janvier 2020 et publié sur le site du CNC en janvier 2020.

 

L’Institut National de la Consommation vous propose un éclairage sur le yield management, son principe, ses avantages et ses inconvénients pour les consommateurs et sur les propositions contenues dans l’avis du CNC.

 

1 – Les principaux paramètres pris en compte par le yield management

2 – Les deux mécanismes principaux du yield management

3 – Les différentes logiques du yield management

4 – La réglementation

5 – Les risques et avantages pour les consommateurs

6 – Les propositions du Conseil National de la Consommation

 

 

1 – Les principaux paramètres pris en compte par le yield management

Le yield management n’a aujourd’hui pas de traduction officielle (le CNC évoque la "gestion fine des prix") et ne dispose pas d’une définition unique. Selon le CNC, il s’agit d’un "système de gestion tarifaire des capacités disponibles avec pour objectif l’optimisation de leur remplissage et du chiffre d’affaires".

 

Autrement dit, la pratique du yield management consiste à faire varier le prix d’une prestation ou d’un produit en fonction du comportement de la demande des consommateurs.

 

Pour déterminer le niveau des prix, les professionnels s’appuient sur différents paramètres de la demande. Il existe deux paramètres principaux, quel que soit le secteur d’activité du professionnel :

 

  • la désirabilité du moment de la prestation qui consiste à faire payer plus cher sur les périodes les plus demandées, et inversement,
  • le moment de la réservation qui correspond à la disponibilité effective de la prestation : moins il reste de "stock disponible" de la prestation, plus celle-ci sera chère.

Et il existe des critères qui sont propres au secteur d’activité du professionnel :

 

  • l’environnement concurrentiel : les prix sont déterminés par rapport aux prix exercés par la concurrence (volonté d’être moins cher par exemple),
  • le contexte géopolitique et climatique : notamment pour les professionnels du tourisme où le prix d’une prestation peut varier selon ces critères,
  • la variation ou non des coûts pour l’entreprise.

Ceci explique la différence de prix que l’on peut constater pour une même prestation. Par exemple, une chambre d’hôtel en bord de mer n’aura pas le même prix au mois de mars qu’au mois de juin. Ou encore un billet de train entre Paris et Lille n’aura pas le même prix si le trajet se fait le vendredi à 19h ou le mercredi à 15h.

 

 

2 – Les deux mécanismes principaux du yield management

Après interrogations auprès des professionnels lors du groupe de travail du CNC, on retient deux mécanismes principaux du yield management : le yield management ascendant et le yield management dynamique.

 

Le yield management ascendant

Il s’agit du mécanisme le plus souvent pratiqué par les professionnels.

 

Le principe est de garantir que le prix de la prestation ne peut pas baisser ou qu’il ne peut qu’augmenter. Autrement dit, plus on réserve tôt, plus on bénéficie d’une tarification avantageuse.

 

Ce mécanisme est qualifié de prévisible et non "adaptatif", dans le sens où les professionnels connaissent à l’avance les prix qui seront pratiqués, quelle que soit l’intensité de la demande en temps réel des consommateurs.

 

Le yield management dynamique

Le principe ici est que les prix proposés vont s’ajuster à la hausse, comme à la baisse en fonction du comportement en temps réel des consommateurs. Contrairement au yield management ascendant, il y a moins de visibilité sur le niveau des prix, aussi bien pour les professionnels que pour les consommateurs.

 

 

3 – Les différentes logiques du yield management

Le CNC distingue trois grandes logiques de tarification, qui dépendent notamment de la nature des produits ou prestations proposés et de la gestion de la demande.

 

Une logique de gestion des capacités

Cette logique est appliquée pour les produits et les prestations dits "périssables", c’est-à-dire qui perdent de la valeur selon la date d’utilisation du produit ou de la prestation. L’objectif est de faire varier le prix du produit ou de la prestation afin d’assurer un maximum de vente au meilleur prix.

 

Une chambre d’hôtel au bord de la mer.

 

Cette prestation est limitée dans le sens où il n’existe pas une infinité de chambres d’hôtel en bord de mer. De plus, la valeur de cette prestation va dépendre de la saison de la réservation : elle va être plus importante en été qu’en hiver.

 

Ainsi, le prix d’une chambre d’hôtel en été sera plus élevé que le prix de la même chambre en période hivernale.

 

Une logique d’optimisation des recettes

Cette logique s’applique notamment aux prestations destinées à plusieurs personnes en même temps qui supportent des coûts fixes importants, quel que soit le taux de remplissage de la prestation. L’objectif final étant de trouver un équilibre entre le prix de vente et le nombre de produits vendus afin de réaliser les recettes les plus importantes possible.

 

Le prix des billets de train.

 

La mise en circulation d’un train représente un coût pour le professionnel (mise à disposition d’un chauffeur, de contrôleurs, de personnels de service, réservation des rails, etc.). Ce coût, on l’appelle un "coût fixe", c’est-à-dire que le coût pour le professionnel sera le même que le train soit rempli ou à moitié vide.

 

Ainsi, pour les trains roulants aux heures d’affluence, les prix sont élevés, et pour les trains qui roulent à moitié remplis, les prix sont plus bas. Cette pratique a pour but de dissuader, par un prix élevé, les réservations aux horaires où les trains sont saturés, et d’inciter les consommateurs à réserver un billet de train sur des plages horaires "creuses" grâce à des prix plus attractifs.

 

Une logique de tarification en temps réel

Cette pratique consiste à faire varier le prix d’une prestation en fonction de la demande attendue, mais également en fonction de la demande constatée en temps réel. Les prix s’adaptent quasiment en temps réel au comportement des consommateurs grâce à une mise à jour des prix pouvant se faire dans la minute, voire moins.

 

Un trajet en VTC

 

Le prix d’un trajet en VTC va tout d’abord dépendre de la demande attendue. Par exemple, le prix des trajets en VTC est plus élevé dans la nuit, puisqu’avec l’arrêt des options alternatives de déplacement (RER, métro, etc.), la demande auprès des VTC va être plus importante, et donc cela fait augmenter les prix.

 

De plus, le prix d’un trajet en VTC va ensuite dépendre de la demande en temps réel. C’est-à-dire que s’il y a beaucoup de personnes qui demandent, au même endroit et au même moment, un transport en VTC, alors les prix vont augmenter.

 

Cette pratique a notamment été critiquée lors des attentats du pont de Westminster à Londres le 22 mars 2017, où le prix des VTC d’Uber s’était envolé.

 

 

4 – La réglementation

Le prix entre les professionnels et les consommateurs est essentiellement réglementé par le code de la consommation, notamment en matière d’information sur les prix. La pratique des prix est également régie par les articles L. 121-1 et suivants relatifs aux pratiques commerciales déloyales. La pratique du yield management est soumise à ces règles : la fixation des prix ne doit pas être déloyale, ni trompeuse, ni agressive. Elle est également soumise à la réglementation spécifique du secteur d’activité.

 

Cependant, il n’existe pas de réglementation qui encadre la pratique du yield management. Ainsi, dans certains cas, selon l’interprétation des normes et des règles, des professionnels peuvent se retrouver en marge de la légalité.

 

De plus, certaines pratiques consistantes à faire varier le prix, en dehors du champ du yield management, peuvent être qualifiées de trompeuses. Par exemple : augmenter artificiellement les prix à la suite de plusieurs consultations sur le site de réservation par une même personne, incitation à réserver rapidement, adapter les prix en fonction des achats ou consultations antérieures, etc.

 

A ce jour, bien que ces pratiques soient soupçonnées, aucune donnée n’a permis de le démontrer, et les professionnels nient les mettre en œuvre.

 

 

5 – Les risques et avantages pour les consommateurs

Les risques

Comme nous l’avons vu, le yield management permet une grande volatilité des prix : ces derniers peuvent varier en fonction de la date de la prestation, du moment où la réservation est réalisée par rapport à la date de la prestation, de la demande au moment de la réservation, etc. Ainsi les consommateurs peuvent se retrouver dans une situation où leur « voisin de prestation » a payé un prix bien moins élevé, ou à l’inverse bien plus élevé.

 

Le yield management peut donc présenter des risques en termes d’information et de protection du consommateur.

 

La variabilité des prix engendre un manque de clarté pour le consommateur. De plus, le consommateur peut avoir un ressenti négatif, voire une non-acceptation du prix s’il n’y a pas d’explications, d’information ou de pédagogie autour de la formation du prix.

 

De plus, il a été noté que le yield management est géré de façon trop aléatoire et pas assez claire par les professionnels. Les consommateurs ont ainsi une vision tronquée et négative de cette tarification, ce qui remet en cause leur protection.

 

Les avantages

Bien que la pratique du yield management soit à l’initiative des professionnels afin d’augmenter leurs revenus, elle peut présenter plusieurs avantages pour les consommateurs.

 

Tout d’abord, le mécanisme de yield management ascendant ouvre la possibilité aux consommateurs d’avoir accès à des prestations à prix réduit, sous condition que ceux-ci soient flexibles sur les dates de réservation et/ou qu’ils soient capables d’anticiper leurs besoins. Ainsi, les consommateurs ont accès à davantage de choix dans le nombre de prestations proposées.

 

Ce mécanisme permet aussi d’avoir accès à des prestations de « dernière minute », même aux périodes de réservation où la demande est importante. En effet, la hausse des prix induite par la proximité entre le moment de la réservation et le moment de la prestation dissuade la plupart des consommateurs de s’y prendre à la dernière minute. Cependant, pour les consommateurs ayant un besoin immédiat, la discrimination tarifaire maintient une disponibilité quasi permanente des prestations en dernière minute, moyennant un prix élevé.

 

 

6 – Les propositions du Conseil national de la consommation

A la suite du manque de réglementation et des risques pour les consommateurs, le CNC préconise plusieurs démarches volontaires de bonnes pratiques afin d’améliorer l’information du consommateur.

 

Tout d’abord, une sensibilisation des professionnels au besoin d’informer le consommateur sur le yield management selon le niveau de précision suivant :

 

  • information sur l’existence d’une pratique de yield management et sur le fonctionnement général de cette pratique, fournie par tous moyens appropriés et de façon claire, lisible et accessible pour les consommateurs,
  • si le professionnel garantit l’offre pour une certaine durée, indication claire de sa durée de validité.

Ensuite, une formation des consommateurs sur cette pratique par les associations de consommateurs, selon le niveau de précision suivant :

 

  • définition de la notion de yield management et licéité de la pratique,
  • les différentes catégories de mécanisme de variation du prix,
  • les principaux paramètres qui fondent le mécanisme de yield management.

Et pour finir, le CNC préconise trois dernières pratiques :

 

  • la rédaction d’une fiche d’information pratique de la DGCCRF basée sur l’avis du CNC,
  • proposer une option de prorogation de la durée de validité de l’offre,
  • mettre à disposition un calendrier des meilleurs prix, permettant au consommateur de situer son prix vis-à-vis de l’offre globale.

 

Retrouvez toute l’information de l’INC sur le sujet des prix et des pratiques commerciales :

 

Concernant l’information des consommateurs sur la pratique du yield management, l’Institut national de la consommation ne manquera pas de revenir sur le sujet

 

 

Sophie Rémond,

Economiste à l'Institut National de la Consommation

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