Les dommages causés par le gel
Fiche pratique J 66
- les canalisations, les radiateurs ou la chaudière éclatent sous la pression du gel ;
- immédiatement, ou au moment du redoux, la détérioration des canalisations ou du chauffage peut provoquer des dégâts, l'eau s'échappant de l'installation.
Vous pouvez alors être indemnisé par votre assurance multirisques habitation (MRH).
Si tout ou partie de vos dégâts ne vous sont pas remboursés par votre assureur, vous devrez le plus souvent supporter seul les frais de réparation. Néanmoins, si vous êtes locataire, vous pouvez, dans certaines circonstances, obtenir la prise en charge des travaux par votre propriétaire. De même, certains dommages peuvent relever de la responsabilité des constructeurs.
1 - Que couvre votre assurance habitation ? Quels sont les événements couverts ? Quels sont les dommages pris en charge par votre assureur ? Quelles mesures de précaution faut-il prendre en période de gel ? Quelles sont les clauses abusives ? Que faire en cas de sinistre ? Comment se déroule l'indemnisation ?
3 - La responsabilité des constructeurs
5 - Pour vous aider |
2 - Les rapports entre propriétaire et locataire Le locataire doit se comporter de façon raisonnable Le locataire est présumé responsable des dégradations Le locataire n'est pas responsable en cas de force majeure Le locataire n'est pas responsable lorsque le propriétaire est lui-même fautif Les recours du locataire
4 - Le gel des compteurs d'eau Une clause abusive ? |
1 - QUE COUVRE VOTRE ASSURANCE HABITATION ?
L'étendue des garanties dépend du contrat d'assurance multirisques habitation (MRH) que vous avez souscrit. Relisez donc bien ce document, tant pour connaître les garanties que les mesures de prévention contre le gel éventuellement exigées par votre assureur pour éviter toute déconvenue en cas de sinistre.
Quels sont les événements couverts ?
D'une manière générale, l'action du gel est couverte si elle affecte les installations intérieures (canalisations, appareils de chauffage ).
Cela signifie qu'a contrario, si vous avez des installations extérieures et que vous subissez des dommages du fait de la rupture de la canalisation extérieure, par exemple, votre assureur n'interviendra pas pour indemniser les dommages consécutifs à cette rupture. Pour ce type d'installations, il est donc vivement recommandé de prendre toutes les mesures de prévention utiles en période hivernale afin d'éviter leur gel (voir encadré "Quelles mesures de précaution faut-il prendre en période de gel ?").
Quels sont les dommages pris en charge par votre assureur ?
La plupart des sociétés d'assurance indemnisent les dommages occasionnés par l'eau ou la glace :
- aux biens assurés,
- aux voisins. C'est alors la garantie responsabilité civile de votre contrat qui jouera pour indemniser vos voisins si la fuite d'eau a pris naissance chez vous.
En revanche, les assureurs ne remboursent pas toujours les frais liés à la réparation des canalisations ou des installations à l'origine du dommage (radiateur, chaudière ). Il arrive également que les dommages à certaines installations (climatiseurs, par exemple) fassent l'objet d'exclusions de garantie. Si ces dernières sont bien "formelles et limitées", c'est-à-dire que leur étendue est parfaitement claire et qu'elles apparaissent bien dans votre contrat (caractère gras, encadré ), votre assureur pourra vous opposer ces exclusions pour ne pas régler votre sinistre.
Sachez également que les frais de recherche de fuite peuvent être pris en charge par certains assureurs, avec des plafonds spécifiques. Là encore, ce n'est qu'à la lecture du contrat que vous saurez si de tels frais sont pris en charge et, si c'est le cas, dans quelles limites.
La perte de jouissance du logement assuré peut être couverte, c'est-à-dire que l'assureur peut prendre en charge tout ou partie des frais de relogement suite à l'impossibilité temporaire d'occuper les lieux. Dans ce cas, l'indemnité est souvent calculée sur la base du loyer annuel ou de la valeur locative du bien sinistré. C'est l'expert qui détermine le temps nécessaire à la réfection du logement, et donc la durée de l'indemnisation. Dans tous les cas, cette dernière est limitée dans le temps par les contrats, en général à un an.
Quelles mesures de précaution faut-il prendre ?
Pour les installations extérieures, il est essentiel de bien les protéger avec des matériaux isolants. En effet, si elles ne sont pas couvertes par l'assurance multirisques habitation (MRH), vous n'aurez le plus souvent aucun recours en cas de sinistre.
Pour les installations intérieures, couvertes par la garantie gel, la plupart des contrats d'assurance imposent de prendre certaines mesures de précaution pour éviter la survenance d'un dommage. Elles sont variables d'un contrat à l'autre. Les sanctions en cas d'inobservation de ces mesures de prévention pouvant aller jusqu'à la non-prise en charge de vos dommages, vous avez tout intérêt à relire les conditions générales et particulières de votre contrat. Les dispositions préventives à adopter figurent le plus souvent dans la partie "dommages aux biens", rubrique spécifique "gel" ou "dégât des eaux".
Exemples de mesures à prendre : En période de gel, c'est-à-dire lorsque la température se maintient en dessous de 0 °C pendant plus de 24 heures, ou en période de grand froid (généralement entre novembre et mars), le chauffage doit rester allumé et, en cas d'absence, il convient a minima de couper l'alimentation en eau.
En cas d'absence prolongée (définition variable selon les contrats : 48 heures, 3 jours ), vous devez non seulement couper l'alimentation en eau mais aussi, bien souvent, vidanger les installations ou les protéger avec du liquide antigel.
S'agissant de votre résidence secondaire, certains contrats prévoient des règles spécifiques en raison des longues périodes d'inoccupation. Quelles sanctions en cas de non-respect de ces mesures ? Si vous n'avez pas respecté les mesures de prévention prescrites par votre contrat, les sanctions peuvent être variables :
Rappelons qu'il appartient à l'assureur de démontrer que les mesures de prévention n'ont pas été respectées, pour pouvoir appliquer les sanctions prévues par le contrat (voir notamment Cass. civ. I, 26 février 1991, pourvoi n° 89-17140). |
Quelles sont les clauses abusives ?
La Commission des clauses abusives (CCA) a pour mission de rechercher dans les modèles de contrats habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs les clauses qui créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur (article L. 822-4 du code de la consommation).
Elle recommande ensuite la suppression ou la modification de ces clauses (pour en savoir plus, voir le site de la CCA).
Les clauses abusives sont réputées non écrites. Donc, si on vous oppose une telle clause, ignorez-la et maintenez vos exigences. Peut-être serez-vous contraint de saisir le tribunal pour faire valoir vos droits. Demandez alors les conseils d'une association de consommateurs agréée (voir la rubrique "Associations de consommateurs" et proposez-lui de se joindre à votre action. Dans ce cas, elle demandera au juge d'ordonner la suppression matérielle de la clause dans tous les contrats utilisés par votre adversaire. Les associations peuvent également former ce type de demande indépendamment de tout litige.
Dans sa recommandation n° 85-04 concernant les contrats d'assurance destinés à couvrir divers risques de la vie privée (notamment le vol, l'incendie, les dégâts des eaux et la responsabilité civile) et couramment dénommés multirisques habitation, la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminés des contrats multirisques habitation les clauses ayant pour objet ou pour effet :
"29° D'exclure, de façon générale, de la garantie [ ] dégâts des eaux tous les dommages dus à un défaut d'entretien" ou à "un défaut des réparations indispensables incombant à l'assuré ;
"30° De subordonner l'application de la garantie [ ] dégâts des eaux à la preuve d'un accident ou, plus généralement, de toute autre condition permettant à l'assureur de refuser cette garantie pour les dommages qui se produisent de façon progressive ou qui ne sont pas imputables exclusivement à un événement extérieur présentant les caractères de la force majeure ;
"31° D'appliquer la sanction prévue pour inobservation d'une précaution exigée afin d'éviter [ ] le dégât des eaux, alors même qu'il serait prouvé que cette négligence n'a eu aucune influence sur la réalisation du sinistre.
Que faire en cas de sinistre ?
Prendre les mesures d'urgence
Si une canalisation ou un appareil ont été endommagés par le gel et que cela conduit à une fuite d'eau, vous devez impérativement prendre toutes les mesures pour éviter que les dommages ne s'aggravent :
- coupez l'arrivée d'eau au niveau de votre compteur ;
- sauvegardez vos biens en les mettant autant que possible hors d'atteinte de l'eau ;
- épongez, aérez ;
- pensez à vous ménager des preuves de l'étendue des dégâts. Conservez, si possible, les biens endommagés, prenez des photos et cela sans attendre le passage de l'expert.
Si vous devez contacter un plombier, évitez d'avoir recours aux entreprises de dépannage d'urgence dont vous avez reçu une publicité dans votre boîte aux lettres ou que vous avez trouvées dans l'annuaire papier ou sur Internet. Sachez que la plupart des assureurs proposent, via l'assistance liée à votre contrat habitation, de vous mettre en relation avec un professionnel avec lequel ils travaillent. Selon les assureurs, tout ou partie des frais peuvent même être pris en charge. Si vous n'avez pas d'assistance ou si votre assureur ne propose pas un tel service, privilégiez un professionnel que vous connaissez ou qui vous a été conseillé (par votre syndic, votre agence immobilière, un proche ). Pensez à conserver la facture du professionnel, si elle n'est pas directement réglée par votre assureur, afin d'en réclamer ultérieurement le remboursement si la prise en charge de ces frais est prévue par votre contrat.
Limitez-vous aux mesures strictement nécessaires pour faire cesser la fuite et éviter que les dégâts ne s'aggravent. N'engagez aucuns travaux avant d'avoir déclaré le sinistre et que l'expert soit passé. En effet, si vous faites réaliser les travaux, l'expert ne pourra plus constater les dommages ni leur origine ; cela risque alors fortement de compliquer, voire de compromettre, votre indemnisation.
Pour déclarer le sinistre à votre assureur, quelques règles doivent être respectées.
Dans quel délai la déclaration doit-elle être faite ?
Le délai de déclaration de sinistre est mentionné dans votre contrat. Il ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés à compter de la connaissance du sinistre, sauf cas fortuit ou de force majeure vous empêchant d'effectuer cette déclaration (article L. 113-2 du code des assurances).
En tout état de cause, si l'assureur prévoit une déchéance de garantie (perte du droit à indemnisation) en cas de déclaration tardive, il ne pourra en faire application que s'il démontre que ce retard lui a causé un préjudice, une aggravation des dommages par exemple.
Que doit contenir la déclaration ?
- votre nom et votre adresse,
- les références de votre contrat d'assurance multirisques habitation,
- la date de survenance du sinistre (si vous la connaissez) et la cause apparente,
- la description des dommages (les vôtres, mais également ceux de vos voisins le cas échéant),
- les éléments permettant une évaluation des biens endommagés (factures d'achat, relevé de compte bancaire, dossiers d'achat à crédit, photos ),
- les démarches déjà entreprises (intervention d'un plombier par exemple).
L'assureur ne peut vous imposer de forme particulière pour déclarer le sinistre, mais sachez qu'il existe un modèle de constat amiable de dégât des eaux qui est aussi utilisé en cas de dommages causés par le gel. En complétant ce document, qui a pu vous être transmis par l'assureur après un premier échange ou que vous lui avez demander, l'objectif est d'accélérer votre indemnisation. Ce constat peut être adressé à votre assureur même si vous êtes la seule victime du sinistre.
Comment se déroule l'indemnisation ?
L'expertise
L'expertise est-elle obligatoire ?
Par principe, il n'est pas nécessaire d'avoir recours à une expertise. Cependant, en application des conventions entre assureurs, un expert sera mandaté si le montant de votre dommage est estimé à plus de 1 600 € H.T.
Quel est le rôle de l'expert ?
Le rôle de l'expert est de déterminer les causes du sinistre afin de savoir s'il relève ou non des garanties du contrat. Il est également chargé d'évaluer le montant des dommages à indemniser. Pour ce faire, un inventaire des biens endommagés doit être effectué, leur degré de vétusté doit être déterminé, et les mesures à prendre (réparation, remplacement ) doivent être indiquées dans le rapport.
Quand a lieu l'expertise ?
L'examen des dommages ne peut bien souvent avoir lieu avant plusieurs semaines afin de permettre à l'eau de sécher et ainsi de connaître l'ampleur réelle des dégâts.
En attendant, comme nous l'avons vu précédemment, ne réalisez pas de travaux qui ne seraient pas strictement nécessaires à la préservation de vos biens.
Comment se déroule l'expertise ?
Dans la mesure du possible, assistez à l'expertise afin de défendre votre point de vue. N'hésitez pas à interroger l'expert ou à lui montrer tous les dommages qui ne seraient pas immédiatement apparents. Vous pourrez indiquer les frais que vous avez éventuellement dû engager et remettre une copie des justificatifs (facture d'un plombier, preuves d'achat de matériaux, photos des biens que vous n'avez pas pu conserver ). Si vous souhaitez réaliser vous-même certains travaux, ce sera également le moment de le préciser. Le remboursement proposé devrait alors, en principe, être fondé sur le prix des fournitures et sur un montant forfaitaire pour la main-d'œuvre.
Une fois l'expert passé, il remettra son rapport à votre assureur afin de permettre le règlement de l'indemnité. C'est en effet sur cette base que l'assureur vous fera une offre d'indemnisation.
Doit-on me transmettre le rapport d'expertise ?
S'il s'agit d'un expert que vous avez mandaté, vous aurez bien entendu communication de son rapport. En revanche, si vous souhaitez obtenir la communication du rapport d'expertise demandé par l'assureur, sachez qu'aucun texte spécifique ne le contraint à le faire. En revanche, la plupart des assureurs se sont engagés à communiquer le rapport d'expertise sur demande de l'assuré. N'hésitez donc pas à demander la communication de ce document si vous êtes en désaccord avec les solutions proposées.
Que faire si je suis en désaccord avec les conclusions de l'expert ?
Si vous contestez l'expertise réalisée à la demande de l'assureur, vous devrez certainement avoir recours à une contre-expertise. En pareille hypothèse, l'ensemble des frais seront en principe à votre charge, mais, selon les contrats, tout ou partie de vos frais pourront être réglés par votre assureur au titre de la garantie honoraires d'expert. De même, si vous avez une protection juridique, il est possible que ce type de frais soient couverts par cet assureur. Renseignez-vous donc avant de procéder à cette contre-expertise.
Pour trouver un expert, sachez qu'une liste est disponible auprès du greffe des tribunaux.
Si les deux experts ne tombent pas d'accord, ils désigneront ou feront désigner par le tribunal de grande instance un troisième expert chargé de trancher le différend. Les frais seront alors partagés entre vous et votre assureur. On parle de "tierce expertise".
L'offre de l'assureur et vos recours
A la lecture du rapport d'expertise et en fonction des garanties souscrites, l'assureur vous fera une offre d'indemnisation. Il faut alors distinguer deux hypothèses :
- si l'offre vous convient, vous l'indiquerez à l'assureur. Ce dernier vous versera le montant convenu dans un délai fixé par le contrat (article R. 112-1 du code des assurances) ;
- si l'offre ne vous convient pas, adressez un courrier motivé à votre assureur par lettre recommandée. Si vous ne parvenez pas à un accord avec votre interlocuteur habituel, sachez qu'il existe des procédures de recours amiable, en particulier la médiation de la consommation. En effet, votre assureur doit vous offrir la possibilité de recourir au médiateur de la consommation qu'il aura désigné pour rechercher une solution amiable. Ce qui doit être mentionné sur votre contrat, la notice d'information et sur son site Internet (pour en savoir plus sur ces médiateurs, voir le site de la Commission d'évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation).
2 - LES RAPPORTS ENTRE PROPRIETAIRE ET LOCATAIRE
Qui, du bailleur ou du locataire, doit assumer les frais de remise en état des installations détériorées à la suite du gel ?
Pour répondre à cette question, il faut rappeler les obligations légales des parties.
Le locataire doit se comporter de façon raisonnable La loi parle de l'obligation pour le locataire d'user paisiblement des locaux loués (art.icle7 b de la loi du 6 juillet 1989). Dès lors, le locataire doit se comporter de façon raisonnable et prévoyante, sous peine d'engager sa responsabilité.
A ce titre, le locataire devra en premier lieu respecter les consignes qui figurent dans son contrat de location, dans le règlement intérieur de l'immeuble, voire dans un document qui aurait été porté ultérieurement à sa connaissance. Reste que ces consignes, quand elles existent, sont généralement imprécises, se limitant le plus souvent à demander au locataire de protéger les installations contre les gelées, chose qu'on attend de tout locataire. En effet, même sans prescriptions particulières, ce dernier est tenu de se montrer prévoyant et sa responsabilité sera engagée s'il s'est montré négligent. Ainsi, on peut estimer que le locataire qui quitte son logement plusieurs jours de suite, sans couper l'eau et vidanger les tuyaux, fait preuve de négligence. |
Le locataire est présumé responsable des dégradations
Suivant l'article 7 c) de la loi du 6 juillet 1989 le locataire "des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement". Cela signifie que le locataire est a priori responsable des canalisations éclatées ou des dégâts des eaux consécutifs au gel, et que c'est à lui qu'il appartient, s'il veut dégager sa responsabilité, de démontrer que les dégradations sont la conséquence d'un cas de force majeure, d'une faute du bailleur ou du fait d'un tiers.
Le locataire n'est pas responsable en cas de force majeure
Le gel n'est pas en soi un cas de force majeure. Il ne sera considéré comme tel que si, compte tenu du climat habituel de la région, il était d'une intensité imprévisible, et si les diligences que l'on est en droit d'attendre d'un locataire normalement vigilant se sont révélées insuffisantes. Autant dire que cela ne sera pas apprécié de la même manière dans le Var et dans le Doubs.
Mais le cas de force majeure exonère également le bailleur non de son obligation de remettre en état les équipements dégradés, mais de celle d'indemniser le locataire des conséquences du gel (dégât des eaux, privation de jouissance). L'assurance multirisques habitation souscrite par le locataire pourra prendre en charge ces dommages.
La force majeure se définie comme : "un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur." (article 1218, alinéa 1 du code civil).
Le locataire n'est pas responsable lorsque le bailleur est lui-même fautif
Il y a faute du bailleur si les installations du logement donné en location ne sont pas conçues pour répondre aux risques prévisibles dans la région : canalisations insuffisamment enterrées ou traversant des locaux non chauffés ou des combles non isolés, par exemple. Même chose si l'installation est trop vétuste pour résister aux assauts du gel.
Mais il appartient au locataire de le démontrer. Ainsi, un locataire a pu écarter sa présomption de responsabilité en établissant que le propriétaire avait omis de mettre en place "un système de calorifugeage susceptible d'éviter le phénomène de gel dans l'hypothèse où aucun mouvement de fluide n'interviendrait dans les canalisations des locaux d'habitation loués" (CA Besançon, 1re ch., 8 avril 1999).
Les recours du locataire
Les recours se présenteront de façon différente selon qu'il s'agira pour le locataire de demander la réparation des pertes consécutives à un dégât des eaux, la remise en état des équipements détériorés ou inutilisables, ou encore une indemnisation pour privation de jouissance.
Pertes consécutives à un dégât des eaux
Le dégât des eaux est un risque locatif contre lequel le locataire est obligatoirement assuré (article 7 dernier alinéa de la loi du 6 juillet 1989). Il sera donc indemnisé par son assurance, que la fuite ait pris naissance chez lui ou chez un voisin, sous réserve qu'il ait respecté les précautions que lui édictait son contrat d'assurance.
Dégradation des équipements : canalisations, radiateurs, chaudières
Le bailleur devra remettre en état les éléments détériorés par le gel, chaque fois que le locataire aura pu dégager sa responsabilité, et il ne peut pas invoquer la force majeure pour se soustraire à cette obligation. S'il s'y refuse, ou s'il considère que les dégradations sont de la responsabilité du locataire, ce dernier pourra saisir la commission départementale de conciliation. Si le désaccord subsiste, le locataire pourra saisir le tribunal d'instance dont dépend géographiquement le logement. Si sa demande est d'un montant inférieur ou égal à 4 000 €, il pourra la saisir par simple déclaration au greffe. Le juge décidera alors, en tenant compte de la conception du logement et des conditions climatiques prévisibles dans la contrée, si la réparation incombe au bailleur ou au locataire. En cas d'urgence, la juridiction peut être saisie en référé par assignation délivrée par un huissier de justice.
Privation de jouissance
Le locataire qui, par la faute du bailleur (mauvaise conception des locaux, vétusté des installations), aura été privé d'eau ou de chauffage peut demander des dommages-intérêts pour privation de jouissance. Une locataire, privée d'eau pendant près de deux mois, a ainsi reçu l'équivalent de 750 € de dommages-intérêts en réparation de son "préjudice d'agrément". Les arguments du bailleur suivant lesquels le gel, cette année-là (janvier 1985), constituait une circonstance imprévisible ont été réfutés, l'expert ayant constaté que l'installation des canalisations était en partie située sur les murs extérieurs et trop légère pour résister au gel (Cass. civ. III, 17 juillet 1987, pourvoi n° 86-12069).
3 - LA RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS
Nous l'avons vu, il peut arriver que des dommages liés au gel ne soient pas pris en charge par l'assureur. On peut ici penser aux canalisations extérieures, non couvertes par l'assurance multirisques habitation, ou aux dommages faisant l'objet d'exclusions spécifiques.
En pareil cas, vous n'êtes pas forcément dépourvu de tout recours. Il peut en effet arriver que le dommage soit lié à une absence (ou à une insuffisance) d'isolation des installations, engageant la responsabilité du constructeur.
C'est ainsi que la responsabilité contractuelle du constructeur est engagée pour n'avoir pas respecté la cote hors gel prévue dans la notice descriptive (CA Dijon, 1re ch. civile, 20 septembre 2011, n° 10-01410).
De même, engage sa responsabilité décennale l'entreprise qui n'a pas correctement isolé une toiture (non-conformité au DTU applicable), rendant les canalisations vulnérables au gel un sinistre avait déjà eu lieu durant l'année de parfait achèvement. En l'espèce, la responsabilité de l'architecte avait été également retenue (CA Rennes, ch. 4, 29 septembre 2011, n° 350-09/01476).
> Pour plus d'informations concernant les règles applicables à la responsabilité des constructeurs, consultez notre fiche pratique J. 159 "Les assurances construction".
4 - LE GEL DES COMPTEURS D'EAU
Il n'est pas rare que les compteurs d'eau gèlent lors des grands froids. Et il est également fréquent que les services des eaux facturent à l'usager les frais de leur remplacement. Pour justifier leur demande, ces services invoquent une clause du règlement du service qui rend automatiquement l'usager responsable de ce type d'incident. Par exemple : "L'abonné doit prendre toutes les précautions utiles pour assurer une bonne protection du compteur contre le gel. Faute de quoi, l'abonné serait alors responsable de la détérioration du compteur".
Une clause abusive ?
Cette clause est-elle abusive, c'est-à-dire a t-elle "pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat" (article L. 212-1 du code de la consommation) ?
La position des tribunaux administratifs est claire : la clause n'est pas abusive dès lors qu'elle ne prive pas l'abonné de recours contre le service des eaux s'il estime que sa responsabilité est engagée dans le dommage. Mais, si la clause est valable, sa portée est limitée :
- la clause ne peut être opposée à l'abonné que si le règlement du service lui a été communiqué à la signature du contrat d'abonnement (Cass. civ. I, 17 novembre 1987, pourvoi n°86-12114) ;
- la clause n'a pas pour effet de mettre à la charge de l'abonné les conséquences du gel, s'il démontre qu'il a pris les précautions nécessaires pour protéger les compteurs d'eau des gelées (Cass. civ. I, 31 mai 1988, pourvoi n° 87-10479).
En résumé, seul l'abonné qui n'aura pas protégé le compteur contre le gel devra assumer le coût de son remplacement ; et si le compteur gèle malgré ces précautions, son remplacement sera à la charge du service des eaux.
Reste à savoir quelles précautions doit prendre l'abonné en cas de gel, lorsque le règlement du service n'en précise pas la nature. A titre d'indication, citons cet arrêt de la cour d'appel de Rennes qui a considéré qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'abonné qui avait pris soin de fermer le robinet du compteur en son absence, de purger l'installation et d'entourer le compteur de matières isolantes (CA Rennes, 1er octobre 1991, arrêt n° 595, rôle n° 430-90).
Que faire en cas de litige ?
Dans un premier temps, l'abonné sera certainement obligé de payer le coût de remplacement du compteur. Rien ne l'empêchera par la suite d'en demander le remboursement. Si ses demandes amiables n'aboutissent pas, il pourra saisir la Médiation de l'eau et, en cas d'échec, la juridiction de proximité (voir la fiche pratique "La déclaration du greffe ou la saisine simplifiée" de son domicile (et non le tribunal administratif).
L'abonné qui aura été victime d'une coupure d'eau non en raison du gel, mais à cause de son refus de payer les frais de remise en état du compteur, peut attaquer le service des eaux. En effet, la coupure d'eau pour un litige de facturation est inadmissible, comme l'ont précisé les juges de la cour d'appel de Rennes dans l'arrêt du 1er octobre 1991 précité, condamnant le service des eaux à verser l'équivalent de 2 000 € de dommages-intérêts à un abonné mis dans l'impossibilité d'utiliser sa résidence d'été deux années de suite.
5 - POUR VOUS AIDER
Vous pouvez prendre contact avec une organisation de consommateurs qui pourra vous informer sur vos droits, intervenir en vue d'un règlement amiable, et vous aider dans vos démarches pour une éventuelle action judiciaire. La liste des associations de consommateurs agréées au plan national est disponible sur notre site.
Vous pouvez obtenir des informations sur les procédures auprès des points d'accès au droit (PAD) ou des maisons de justice et du droit (MJD). Vous trouverez les coordonnées dans la rubrique "Lieux d'accès au droit" sur le site du ministère de la justice.
6 - POUR EN SAVOIR PLUS
> Recommandations et avis de la Commission des clauses abusives
> Recommandation n° 85-01 concernant les contrats de distribution de l'eau
> Recommandation n° 01-01 complémentaire à la recommandation n° 85-01 concernant les contrats de distribution d'eau
> Avis n° 09-01 relatif à un contrat d'assurance "fuite d'eau après compteur"
> Recommandation n° 85-04 concernant les contrats d'assurance destinés à couvrir divers risques de la vie privée (notamment le vol, l'incendie, les dégâts des eaux et la responsabilité civile) et couramment dénommés multirisques habitation
Marie-Odile Thiry-Duarte, Sarah Lespinasse, Juristes
Mise à jour Charles Le Corroller, Laurine Caracchioli