Clauses abusives : mode d'emploi

Fiche pratique J 245


Les professionnels rédigent souvent leurs contrats en des termes qui restreignent leurs obligations ou accroissent celles de leurs clients.

 

La loi protège les consommateurs contre ces clauses abusives, en leur permettant de retrouver les droits qu’elles visaient à supprimer ou à limiter. Mais encore faut-il savoir les reconnaître.

 

Qu’est-ce qu’une clause ? Qu’est-ce qu’une clause abusive ? Comment faire valoir vos droits ?

 

La fiche pratique de l’Institut national de la consommation répond à ces différentes questions.

 

1 - Qu'est-ce qu'une clause abusive ?

2 - Comment reconnaître une clause abusive ?

3 - Une clause vous semble abusive... comment réagir ?

4 - D’autres outils pour vous défendre

 

 

1 - QU'EST-CE-QU'UNE CLAUSE ABUSIVE ?

Le contrat et ses clauses

Un contrat n’est pas forcément un papier signé. Commander un café, c’est passer un contrat, et nul besoin d’écrit : chaque fois que le contrat est exécuté sur-le-champ, un accord oral suffit généralement. Il s’agit alors d’un contrat dit "consensuel" puisque le simple échange des consentements suffit pour que le contrat soit formé ; il n’y a pas besoin de formalisme supplémentaire.

 

En revanche, lorsque le contrat doit être exécuté plus tard (commande de meuble, de travaux…) ou pour une certaine durée (adhésion à un club de sport, abonnement téléphonique, contrat d’entretien…), il est nécessaire de préciser par écrit ce à quoi les parties s’engagent. D’une part, pour éviter tout malentendu sur les engagements convenus ; d’autre part, comme preuve de ces engagements ; et parfois parce que la loi l’impose : contrat conclu au cours d’un démarchage à domicile (ou vente hors établissement), bail d’habitation, contrat de crédit ou d’assurance, achat d’un voyage à forfait, etc.

 

Dans un contrat écrit, on trouve au minimum l’identité des signataires, la description et le prix du produit à fournir ou du service à rendre. Mais on y trouve aussi une série de précisions sur ce à quoi s’engagent les signataires (la date de livraison, les modalités de paiement…) ou sur les conséquences de certains incidents (perturbations dans la fourniture du service, retards de paiement…). Ce sont ces mentions que l’on nomme "clauses", mais on dit également "dispositions", “conditions", "termes", "articles", "stipulations", etc. Tous ces termes sont synonymes.

 

On trouve des clauses ailleurs que dans le document signé : dans les brochures (de voyage, par exemple), les catalogues (de vente à distance), les tickets de dépôt (de vêtements), les contrats de garantie, les bons de livraison, les billets de spectacle… car tous sont des documents contractuels.

 

  Un contrat électronique conclu via Internet est un contrat écrit.

 

Les clauses abusives

 

  La législation sur les clauses abusives est pour la majorité issue d'une transposition de la directive européenne  93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993l modifiée en 2011 par la directive 2011/83/UE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, aussi appelé "Directive CACC".

 

Parmi les clauses du contrat, certaines peuvent se révéler abusives. Voici comment la loi les définit : "Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat" (article L. 212-1 du code de la consommation). Cette définition est également valable pour les non-professionnels.

 

Chacun de ces termes mérite un petit commentaire :

 

"Dans les contrats

 

On entend par ce terme :     

 

  • tout contrat : vente, location, prêt, assurance, transport…
  • tout support : bon de commande ou de livraison, facture, contrat par voie électronique, ticket de caisse, de dépôt, billet (de transport, de théâtre)…
  • tout emplacement : conditions générales de vente, conditions particulières, notes de bas de page…

… conclus entre professionnels

 

Le terme désigne :

 

  • tout producteur, distributeur ou prestataire de service, toute personne physique ou personne morale,
  • toute société commerciale ou tout service public (service des eaux, HLM, maison de retraite, etc.).

Mais un bailleur privé qui loue moins de quatre logements n’est pas considéré comme professionnel.

… et  consommateurs / non professionnel

Le consommateur, c’est la personne physique qui souscrit un contrat en dehors de son activité professionnelle. Selon l’article liminaire du code de la consommation, "est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole".

 

Le non professionnel est, selon le même article, une personne morale qui agit à des fins n'entrent pas dans le cadre de son "activité commerciale, industrielle, artisanale libérale ou agricole" (même texte).

Par exemple : les syndicats de copropriétaires, de salariés ou une association

… sont abusives les clauses…

Toutes les mentions (imprimées, manuscrites, électroniques), négociées ou non, autres que celles qui définissent l’objet du contrat et son prix initial.

… qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non ­professionnel ou du consommateur…

C’est-à-dire directement ou indirectement, clairement ou par ambiguïté, sciemment ou non…

… un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat"

 

Le déséquilibre s’apprécie au regard de l’ensemble de l’environnement contractuel, de toutes les clauses du contrat, toutes les clauses d’autres contrats ou encore des circonstances de sa conclusion. Le déséquilibre résulte souvent de la combinaison de deux clauses (par exemple : l’une permet au professionnel de résilier le contrat, l’autre interdit au consommateur de le faire) ou, au contraire, de l’absence de clause réciproque. Mais, parfois, la gravité de la clause suffit à déséquilibrer le contrat. Ce déséquilibre s’apprécie au moment de la conclusion du contrat.

 

 

Qui décide qu'une clause est abusive ? 

En principe, seul le juge peut dire de façon catégorique qu’une clause est abusive. Faut-il pour autant saisir le tribunal quand une stipulation vous empêche d’exercer un droit ?

 

Non. Le plus fréquemment, il vous suffira d’ignorer la clause et de persister dans votre demande, quand le contrat prétend vous en empêcher ; ou de résister à la demande du professionnel, quand cette clause prétend lui accorder un droit. En effet, la directive CACC demande aux Etats membres que le consommateur n’ait pas besoin de contester la clause litigieuse pour ne pas être lié à cette dernière.

 

Si l’affaire doit aller en justice à votre initiative si vous réclamez un droit, à l’initiative du professionnel si c’est lui qui réclame, vous soulèverez le caractère abusif de la clause, en argumentant (voir "Comment reconnaître une clause abusive ?").

 

Rappelons que, d’une manière générale, le code de la consommation prévoit que le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du code dans les litiges nés de son application. En effet, le juge "écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat" (article R. 632-1 du code de la consommation). 

   

Que devient alors cette clause ?

La réponse est au 6e alinéa de l’article L. 241-1 du code de la consommation : "les clauses abusives sont réputées non écrites". On fait donc comme si la clause n’existait pas, et chacun retrouve les droits ou les obligations qu’elle visait à fausser.

 

Le contrat lui-même n’est pas remis en cause et, poursuit l’alinéa 2, il reste "applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses".

Ces dispositions sont d’ordre public, c’est-à-dire qu’on ne peut y déroger.

 

Il faut distinguer la notion de clause abusive de celle de clause illicite.

  • Les clauses abusives ne sont pas illicites en elles-mêmes puisqu’elles pourraient être autorisées dans d’autres type de contrats qui auraient un environnement contractuel ou des parties différents si elles ne font pas naître de déséquilibre particulier.
  • Les clauses illicites sont des clauses qui contreviennent à des dispositions légales ou réglementaires, et peuvent être considérées comme abusives si elles créent des situations de déséquilibre entre les droits et obligations des parties.

 

  La réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations du 10 février 2016 a introduit l’article 1171 dans le code civil. Celui-ci répute non-écrit toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dans les contrats d’adhésion, tout en indiquant que ce déséquilibre ne peut porter sur l’objet du contrat ou l’adéquation avec le prix. Cet article reprend donc le principe et la définition de la clause abusive du code de la consommation. Ces clauses se retrouvent donc consacrées en droit commun. Cependant, la plupart des contrats d’adhésion sont des contrats relevant du code de la consommation, donc soumis aux article L. 212-1 et suivant de ce code, ou des contrats d’affaires soumis à l’article L. 442-1-I- 2° du code de commerce disposant que l’auteur engage sa responsabilité s’il soumet ou tente de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Cette disposition ne vaut que pour les partenaires commerciaux. On peut donc s’interroger sur la portée et l’utilité de cette nouvelle disposition.  Une certaine doctrine considère que cette disposition du code civil s’appliquera dans le cadre de relations commerciales avec des personnes autres que les partenaires commerciaux spécifiquement cités par l’article susvisé. D’autres ont pu considérer que cet article s’appliquerait pour les modèles de contrats signés entre particuliers trouvés en ligne par exemple.

 

 

2 - COMMENT RECONNAÎTRE UNE CLAUSE ABUSIVE ?

Commencez par vous fier à votre bon sens

Le droit n’est jamais très éloigné de l’idée que l’on s’en fait. Si en lisant une clause vous pensez "c’est abusif !", il est possible qu’elle le soit effectivement. Mais il faudra le vérifier, car toute clause rigoureuse ou sévère n’est pas forcément abusive.

 

Un autre indice qui peut vous aider à vérifier si une clause est abusive est son intelligibilité et sa compréhensibilité. Si on essaye de vous cacher une clause ou si on vous en rend difficile l’accès, il est également probable qu’il s’agisse d’une clause abusive. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans son arrêt Andriciuc (C-186/16, 20 septembre 2017) a indiqué que l’exigence de transparence de la directive CACC, impliquait non seulement une compréhensibilité lexicale et grammaticale de la clause, mais aussi une compréhensibilité de l’impact économique de celle-ci.

 

Comparez la clause avec celles qui ont été dénoncées par décret

Deux listes de clauses abusives sont issues du code de la consommation  :

 

​Les clauses énumérées dans ces listes ne sont pas de véritables clauses telles qu’elles sont rédigées dans les contrats ; il s’agit plutôt de leur description : seront abusives toutes les clauses qui ont "pour objet ou pour effet de" produire le résultat décrit. 

 

 Ces listes ne sont pas limitatives. D’autres textes interdisent la présence de certaines clauses dans des contrats. Si celles-ci y figurent, elles sont alors des clauses illicites car contraires à des dispositions d’ordre public et par conséquence abusives. A titre d’exemple, citons la "clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation" qui est contraire aux dispositions de la section « contrat conclu à distance et hors établissement » qui sont pourtant d’ordre public. Il s’agit donc de clause illicite donc abusive (article L. 221-29 du code de la consommation).

 

De même, "Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d'interdire à un consommateur de participer à une action de groupe" (article L. 623-32du code de la consommation) ou encore "est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge" (article L. 612-4 du code de la consommation).

 

Les clauses abusives dans les contrats de bail

 

Dans le contrat de bail, la loi du 6 juillet 1989 prévoit un certain nombre de clauses qui sont interdites et donc automatiquement considérées comme "abusives". Elles sont réputées non écrite sans même avoir à passer devant un juge.

 

Ces clauses sont énumérées à l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989. Elles peuvent concerner des réductions de liberté, des limitations ou exonération de responsabilité, des impositions de frais supplémentaires, des limitations de jouissance du bien pour le locataire ou encore des facilités pour résilier le bail.

 

Il faut aussi savoir que si une clause dans un contrat de bail (ou autre) vous semble "abusive", il est possible de saisir le juge pour demander à celui-ci de se prononcer sur le caractère abusif ou non de la clause.

 

C’est ce sur quoi a dû se prononcer la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion. En l’espèce, un bailleur pensait pouvoir tirer profit de la clause admise en droit commun selon laquelle "tout mois commencé est dû intégralement" pour demander à son locataire, qui avait achevé son préavis le 2 janvier, le paiement de tout le mois de janvier. La Cour d’appel a jugé cette clause illicite au regard de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 qui impose au locataire donnant congé de payer le loyer pendant toute la période du préavis. Le bailleur, en exigeant d’avantage, a donc violé la loi. La recommandation n° 2000-01 du 17 février 2000 émise par la Commission des clauses abusives (CCA) a inséré dans sa liste de clauses qualifiées d’illicites au regard de dispositions d’ordre public, celle prévoyant que "tout mois commencé est et sera dû intégralement tant pour le loyer que pour les accessoires" (CA Saint-Denis de la Réunion, 9 décembre 2011, Venner c/ Baril).

 

Sur un autre point concernant un contrat de bail mettant la quasi-totalité des dépenses à la charge du locataire, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a dû se prononcer le 17 décembre 2015. Ainsi, la clause qui, dans un contrat de bail, fait peser sur le locataire la quasi-totalité des dépenses incombant normalement au bailleur et le dispense sans contrepartie de toute participation aux charges qui lui incombent normalement en sa qualité de propriétaire doit être considérée comme abusive. En effet, cette clause a pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (Cass. civ. III, 17 décembre 2015, n° de pourvoi : 14-25523).

 

Vérifiez si la clause, par exception, n’est pas valable

Certaines clauses semblent abusives, mais sont pourtant valables. Ainsi, les clauses définissant l’objet principal du contrat (par exemple, l’étendue des garanties dans un contrat d’assurance) ou l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert  ne peuvent pas être déclarées abusives : la notion de "clause abusive" garantit l’équilibre entre les droits et les obligations des parties et non l’équilibre économique du contrat (article L.  212-1du code de la consommation). A condition toutefois que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible (même texte).

 

Un exemple d’application à un contrat d’assurance de groupe en matière de garantie de prêts immobiliers en cas d’incapacité : Cass. civ. I, 10 septembre 2014, n° de pourvoi : 12-20931) : "en l'espèce, la clause relative à la garantie de l'incapacité temporaire totale de travail prévoit que l'assuré bénéficie d'une telle garantie lorsqu'il se trouve, à la suite d'un accident ou d'une maladie dans l'incapacité, reconnue médicalement, d'exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel ; que cette clause, rédigée de façon claire et compréhensible, définit l'objet principal du contrat ; qu'il en résulte que, par application du septième alinéa du texte précité, le grief est inopérant".

 

  Si la législation sur les clauses abusives ne permet pas de contester un contrat qui serait économiquement déséquilibré, il est toujours possible de se référer à l’article 1169 du code civil qui énonce qu’un contrat à titre onéreux est nul si la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire.

 

D’autre part, certaines clauses a priori abusives ne le seront pas, compte tenu de leur objet ou de la nature du contrat dans lequel elles figurent article R. 212-3  et R. 212-4 du code de la consommation. Ainsi, quel que soit l’objet du contrat :

 

  • dans tous les contrats à durée indéterminée, les clauses permettant de modifier le prix (3e point de la liste noire) ou le service (6e point de la liste grise) sont valables, à condition que le consommateur soit averti dans un délai raisonnable pour être en mesure, le cas échéant, de résilier le contrat (article R. 212-4, alinéa 3),
  • les clauses prévoyant des modifications des caractéristiques du produit ou du service (3e de la liste noire) liées à l’évolution technique sont valables, à la triple condition que le prix n’augmente pas, que la qualité ne soit pas altérée et que la modification ne porte pas sur une caractéristique à laquelle l’acheteur a subordonné son engagement (article R. 212-4, alinéa 4).

 

Les autres exceptions concernent uniquement des produits ou services financiers :

 

  • les clauses de modification de prix ou de service (3e de la liste noire, 6e de la liste grise) sont valables dans les contrats portant sur des produits financiers (achat d’actions, …) et autres produits ou services dont le prix dépend d’un cours, d’un indice ou d’un taux que le professionnel ne ­contrôle pas, ainsi que dans les contrats de vente ou d’achat de devises, chèques de voyages, de mandats postaux internationaux libellés en devises,
  • les clauses de variabilité des taux d’intérêts et des frais (3e de la liste noire, 6e de la liste grise) sont valables dans les contrats passés avec des fournisseurs de services financiers (banques, compagnies d’assurance).

 

Consultez les recommandations de la Commission des clauses abusives

La Commission des clauses abusives (CCA) est une instance indépendante composée de magistrats, d’universitaires, de représentants des consommateurs et de représentants des professionnels (articles L. 822-4 et suivants du code de la consommation). Sa principale mission consiste à examiner les contrats utilisés habituellement par les professionnels, et à en relever les clauses qu’elle considère comme abusives. Elle rend alors une recommandation dans laquelle elle demande à tous les professionnels du secteur de supprimer ces types de clauses de leurs contrats. Elle peut être saisie par le Ministre de l’économie, une association de consommateurs, par les professionnels eux-mêmes, ou se saisir d’office (article L. 822-5 du code de la consommation).

 

Ces dernières années, la CCA a ainsi passé au crible les contrats proposés par les services audiovisuels à la demande, les assurances complémentaires santé, les syndics de copropriété, les banques, déménageurs et garde-meubles, établissement de crédits, entre autres.

Ces recommandations n’ont pas de force contraignante pour les professionnels, qui sont libres de les suivre ou non. Elles ne s’imposent pas non plus au juge, mais les tribunaux s’y réfèrent fréquemment. Elles constituent donc un outil précieux.

Vous pouvez les consulter sur le site : www.clauses-abusives.fr.

 

La Commission des clauses abusives n’intervient pas dans le litige qui oppose le consommateur à un professionnel. Autrement dit, inutile de la saisir pour lui demander si dans un contrat des clauses peuvent être qualifiées d’abusives. Elle peut donner un avis sur un dossier contentieux uniquement lorsqu’elle est saisie pour avis par un tribunal dans le cadre d’une instance dont il est saisi (article R. 822-21 du code de la consommation).

 

Examinez les décisions rendues par les tribunaux dans des cas similaires

Des jugements et arrêts ont été rendus tantôt dans le cadre de litiges individuels, tantôt dans le cadre d’actions en suppression de clauses abusives engagées par des associations de consommateurs. Les décisions sont notamment accessibles sur le site de la Commission des clauses abusives (www.clauses-abusives.fr).

 

Il est possible d’interroger cette base soit en choisissant parmi les thèmes proposés (télésurveillance ou installation de cuisine, par exemple) ; soit en recherche libre, en tapant par exemple "retard de livraison", "modalités de paiement", "interruption de service"… On a alors accès, au choix, au texte intégral de la décision ou à des résumés rappelant le contenu de chaque clause jugée et les motifs pour lesquels la juridiction l’aura considérée (ou non) comme abusive.

 

C’est une mine d’or, mais l’exercice reste délicat pour un non-juriste. En effet, vous trouverez peut-être une clause rédigée en termes strictement identiques à celle que vous soupçonnez d’abus dans votre contrat, mais il est plus vraisemblable que vous rencontrerez des clauses rédigées différemment et produisant pourtant les mêmes effets. Donc lisez bien la motivation du tribunal et notez-la : avant de déclarer abusive la clause, le juge a en effet expliqué en quoi elle déséquilibrait le contrat, et c’est cela qui importe.

 

 

3 - UNE CLAUSE VOUS SEMBLE ABUSIVE... COMMENT REAGIR ? 

Partons d'un exemple

Vous fréquentez un club de sport, mais le casier dans lequel vous déposez vos affaires a été forcé et votre sac a disparu. Vous vous retournez alors vers le responsable du club qui vous fait remarquer que le contrat que vous avez signé comporte la clause suivante : « L’utilisation de ces casiers est sous la seule responsabilité de l’adhérent, celui-ci renonce à rechercher la responsabilité du club pour tout vol ou tout dommage qu’il pourrait subir de ce fait".

 

Votre bon sens vous souffle que la clause est abusive : qui pourrait faire des exercices en surveillant son casier ?

 

Ce que vous devez faire :

 

1 - Vous consultez les listes noire et grise. Vous remarquez que sont interdites les clauses qui suppriment le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en raison d’un manquement du professionnel à ses obligations (6e de la liste noire).
 

2 - Vous vous rendez sur le site de la Commission des clauses abusives (www.clauses-abusives.fr) et vous constatez qu’une recommandation a été rendue sur ce sujet (recommandation no 87-03 relative aux contrats proposés par les clubs de sport à caractère lucratif). Elle condamne expressément cette clause.
 

3 - Sur le même site, vous consultez les décisions rendues par les tribunaux, sous l’onglet "Jurisprudence" (tapez simplement : "club sport vol"). Vous notez que deux cours d’appel, Nancy (24 novembre 1998) et Rennes (19 novembre 2004), ont jugé cette clause abusive.
 

4 - Fort de ces constats, vous persistez dans votre demande d’indemnisation auprès du responsable du club. Si aucun arrangement n’est possible, le cas échéant après avoir saisi le médiateur de la consommation  qui aura été désigné par le club de sport pour vous permettre de rechercher une solution amiable, vous l’assignez en justice pour demander réparation de votre préjudice. Votre adversaire se défendra en invoquant la clause, mais vous soulèverez son caractère abusif. C’est alors le juge qui tranchera.

 

> Pour plus d’informations sur les salles de sports, consultez les fiches de l’INC : "Les salles de sport et remise en forme : vous souhaitez vous inscrire" et "Les salles de sport et remise en forme : que faire en cas de litige ?".

 

Certaines clauses sont interdites et réglementées :

 

  • sont nulles les clauses qui prévoient qu’en cas de litige, seul le tribunal de tel endroit sera compétent (article 48 du code de procédure civile),
  • les clauses pénales (c’est-à-dire celles qui prévoient qu’en cas de manquement au contrat, le fautif paiera une certaine somme) peuvent toujours être rectifiées par le juge si elles sont excessives (article 1231-5 du même code),
  • les frais de recouvrement avant jugement sont toujours à la charge du créancier (article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution), sauf lorsque l’acte est prescrit par la loi. Les clauses qui stipuleraient le contraire sont donc nulles.

 

Faites-vous aider

Si l’exercice d’analyse proposé vous paraît difficile, ou si vous n’avez pas accès à Internet, n’hésitez pas à contacter une association de consommateurs agréée pour qu’elle vous aide à résoudre votre litige. Elle vous guidera dans vos démarches.

 

Et si elle considère que la clause est abusive et qu’elle doit disparaître de tous les contrats du professionnel, elle pourra agir à vos côtés devant le tribunal pour en demander la suppression.

 

Le rôle des associations de consommateurs

Les associations de consommateurs agréées ont un rôle important dans la lutte contre les clauses abusives. Quand une association constate que le contrat proposé par un fournisseur de produits ou de service contient une ou plusieurs clauses qui lui paraissent abusives, elle peut assigner le professionnel même en l’absence de tout litige, dans le cadre d’une action dite en suppression de clause abusive ou illicite. Cette action vise la suppression de clause dans "tout contrat ou type de contrat en cours ou non, proposé ou destiné au consommateur" (article L. 621-1 du code de la consommation).

 

Sur ce point, la Cour de cassation a jugé que l'action qui intéressait un contrat proposé ou destiné à des syndicats de copropriétaires, peu importe la présence de consommateurs en leur sein, était irrecevable (Cass. civ. I, 14 janvier 2016, n° de pourvoi : 14-28337). En l’espèce, l’UFC arguait que le contrat destiné à un syndicat de copropriétaires s’adressait en réalité à ses membres soit des personnes physiques et donc que l’action de l’association de consommateurs était recevable. Cependant, la Cour a jugé que le contrat avait pour destinataire le syndicat qui n’est pas une personne physique, donc pas un consommateur, et que, de ce fait, l’action de l’association de consommateurs était irrecevable.

 

Si le tribunal suit l’association dans sa démonstration, il ordonnera au professionnel de supprimer dans ses modèles de contrats les clauses qu’il aura jugées abusives. Concrètement, cela revient à les réimprimer sans les clauses en question ou à les republier dans un délai déterminé et généralement sous astreinte, c’est-à-dire avec des pénalités en cas de retard. L’association peut agir de la même manière dans le cadre d’un procès opposant un consommateur à un professionnel (action dite en intervention volontaire au sens de l’article L. 621-8 du code de la consommation).

 

Les décisions sont notamment en ligne sur le site de la Commission des clauses abusives.

 

Les associations de consommateurs peuvent aussi demander à la juridiction civile ou à la juridiction répressive, d'ordonner au défendeur ou au prévenu, le cas échéant sous astreinte, toute mesure destinée à faire cesser des agissements illicites ou à supprimer dans le contrat ou le type de contrat, en cours ou non, proposé aux consommateurs, une clause illicite (article L. 621-2 du code de la consommation).

 

Les associations de consommateurs peuvent demander à la juridiction (civile ou répressive selon le cas), de déclarer qu’une clause illicite ou abusive est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel (avec des consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés, et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés (article L. 621-7, L. 621-8 et L.621-9).

 

  C’est ainsi qu’a transposé le législateur l’exigence de la directive CACC relative au fait que le consommateur ne soit pas lié par la clause abusive même sans avoir à la contester. En revanche, le consommateur peut refuser d’être protégé par la législation des clauses abusives un fois qu’il a été informé concrètement que la clause était abusive.

 

En pratique, cela signifie que tous les consommateurs ayant conclu un contrat dont l'action a déclaré une ou plusieurs clauses abusives, pourront bénéficier de ladite décision sans avoir à introduire une action en justice.

 

  Le tribunal qui rend une décision en matière de cessation ou de suppression de clauses abusives peut ordonner la diffusion de cette décision, par tous moyens appropriés, pour informer le public (article L. 621-11 du code de la consommation). Il peut ainsi s’agir d’une communication par voie de courrier électronique à des abonnés ou par voie de mention sur la page d’accueil du site Internet du professionnel.

 

Les associations peuvent lancer des actions de groupes auxquelles peuvent se joindre les consommateurs ayant été victimes de clauses abusives ou illicites. Par exemple, l’UFC-que choisir a lancé une action de groupe en juin 2019 suite à la condamnation de Google devant le TGI de Paris pour clauses abusives le 12 février 2019.

 

 

4 - D’AUTRES OUTILS POUR VOUS DEFENDRE

A côté de la législation sur les clauses abusives, d’autres règles poursuivent le même objectif : protéger le contractant le plus faible.

 

Ainsi :

 

  • le professionnel, vendeur ou prestataire de service, doit remettre un exemplaire du contrat qu’il propose à toute personne qui en fait la demande, pour lui permettre de le lire à tête reposée avant de s’engager (article L. 114-1 du code de la consommation). Un refus de remise est sanctionné pénalement (article R. 131-1 du code de la consommation).
    N’hésitez pas à demander la remise d’un exemplaire du contrat avant de vous engager (par exemple, le contrat d’un club de sport, contrat de crédit à la consommation, etc.). Si le professionnel répond que cela est impossible ou interdit car confidentiel, rappelez-lui cet article du code de la consommation !
     
  • les contrats doivent être présentés de façon claire et compréhensible et, en cas de doute, les clauses s’interprètent dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel (article L. 211-1 du code de la consommation).

Les mesures d'injonction

Les agents de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) ou de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces dispositions, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite (article L. 521-1 et L. 521-2 du code de la consommation).

 

Exemple de mesure d'injonction appliquée au réseau social Facebook 

 

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a procédé au contrôle des conditions d’utilisation du réseau social Facebook. L’examen de ces conditions a révélé la présence de clauses abusives, interdites par la loi. Ainsi, en application de ses pouvoirs et à l’issue d’une procédure contradictoire, la DGCCRF a enjoint à Facebook de supprimer ou modifier les clauses contractuelles considérées comme interdites à l’égard des utilisateurs non-professionnels du réseau social. Cette mise en conformité devait être exécutée dans un délai de soixante jours, sans préjudice des voies de recours à la disposition de ces sociétés pour contester cette mesure. La DGCCRF veille au respect par le réseau social de ses obligations légales de mise en conformité.

> Pour en savoir plus, visitez le site www.economie.gouv.fr

 

Par ailleurs, la Cour d'appel de Paris a relevé, dans son arrêt du 12 février 2016 (n° de RG : 15/08624), que la clause attributive de compétence au profit des juridictions californiennes contenue dans le contrat de réseautage social, a pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Elle a également pour effet de créer une entrave sérieuse pour un utilisateur français à l’exercice de son action en justice (site de la Commission des clauses abusives).

 

Plus récemment, le Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné Facebook, par un jugement du 9 avril 2019, pour l’illicéité de plus de 430 clauses contenues dans ses conditions générales d’utilisation en vigueur entre 2013 et 2016. Or, le même jour, un accord a été conclu entre la Commission européenne et le réseau social en vue de la modification des conditions générales d’utilisation de Facebook pour les rendre plus transparentes et expliquer plus en détail son modèle économique.

 

Les sanctions

En matière de clauses abusives, des amendes administratives sont prévues pour des violations de l’article R. 212-1 du code de la consommation, c’est-à-dire en cas de présence dans le contrat d’une ou plusieurs clauses abusives relevant de la "liste noire" et ce, de façon à assurer l’effectivité de la répression. Rappelons que ces clauses sont regardées, de manière irréfragable, comme abusives, "eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat".

 

Selon les dispositions de l', "dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, la présence d’une ou de plusieurs clauses abusives est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale" (article L.241-2 du code de la consommation).

Le professionnel peut se voir contraint de supprimer toute clause illicite dans un délai raisonnable. Mais lorsqu’il n'a pas déféré à cette injonction dans le délai imparti, l'autorité compétente peut prononcer à son encontre une amende administrative dont le montant ne peut excéder  :

 

  • 1 500 € pour une personne physique et 7 500 € pour une personne morale lorsque l'infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d'injonction est sanctionné par une amende au plus égale à celle prévue pour une contravention de la cinquième classe ou par une amende administrative dont le montant est au plus égal à 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale,
     
  • 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale lorsque l'infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d'injonction est sanctionné par une peine délictuelle ou une amende administrative dont le montant excède 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale (article L. 532-1). 

Selon les conditions prévues à l’article L. 522-1 du code de la consommation, cette amende est prononcée par les agents de la DGCCRF, qui peuvent mettre en œuvre ces mesures sur l'ensemble du territoire national. En effet, vous pouvez saisir les agents de la DGCCRF, soit, selon votre département, les agents de la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) ou de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection de Populations (DDCSPP) dont l’adresse peut vous être communiquée notamment, par votre préfecture ; liste disponible sur le site de la DGCCRF.  

 

A savoir que l’action de l’administration dans un pareil cas se prescrit par un an à compter du jour où le manquement a été commis.

 

Les mesures de publicité

L’injonction faite au professionnel tendant à ce qu’il supprime de ses contrats ou offres de contrat, une ou plusieurs clauses, peut faire l’objet d’une mesure de publicité. Les modalités de la publicité sont précisées dans la mesure d'injonction.

 

La publicité peut être effectuée, cumulativement ou pas, par l’une de ces trois mesures :

 

  • par voie d'affichage : l'affichage s'effectue dans les lieux et pour la durée indiqués par la mesure d'injonction et ne peut excéder deux mois. En cas de suppression, dissimulation ou lacération des affiches apposées, il est de nouveau procédé à l'affichage ;
  • par voie de presse ;
  • par voie électronique (article R. 522-2 dudit code).

La diffusion de la mesure d'injonction peut être faite au Journal officiel de la République française (JORF), par une ou plusieurs autres publications de presse, ou par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique (courriers électroniques, …). Les publications ou les services de communication au public par voie électronique, chargés de cette diffusion, sont désignés dans la mesure d'injonction. Ils ne peuvent s'opposer à cette diffusion.

 

La diffusion ou l'affichage peuvent porter sur tout ou partie de la mesure d’injonction, ou prendre la forme d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de cette mesure.

 

Rappelons que ces mesures de diffusion peuvent aussi intervenir en cas de décisions de justice rendue dans le cadre des actions en cessation ou suppression de clauses abusives ou illicites intentées par une association de consommateurs agréée.

 

 

 

Mises à jours Laurine CARACCHIOLI, juriste à l’Institut national de la consommation,

William URVOY, Juriste-stagiaire à l’Institut national de la consommation

Cliquez ici pour ouvrir de nouveau le bandeau d’information et de réglage des cookies Haut de page