L’installation d’une cuisine


Depuis plusieurs mois, vous feuilletez les magazines de décoration, en source d’inspiration. Le projet prend forme, vous avez trouvé la cuisine de vos rêves et êtes prêt à rencontrer des cuisinistes.

 

Les cuisines et les salles de bains sont les pièces les plus rénovées après les chambres (2023 Etude Houzz France : Tendances rénovation).

 

De la signature du bon de commande, en passant par le choix des meubles et des équipements, jusqu'à la réalisation complète par un artisan, c'est un projet important encadré par des règles juridiques.

 

L'Institut national de la consommation vous aide et vous conseille à chacune des étapes.

 

Les 16 questions-réponses s’appliquent également aux contrats d’installation de salle de bains.

 

 

1 - Un devis est-il obligatoire ?

2 - Que doit contenir un devis ?

3 - Le cuisiniste facture le devis, est-ce normal ?

4 - Si je signe un devis, quelles sont les conséquences ?

5 - J’ai signé un devis sur une foire, ai-je un délai de réflexion ?

6 - J’ai signé un devis ou un bon de commande dans un magasin, sous la pression du vendeur. Puis-je me rétracter ?

7 - Quelles sont informations obligatoires au moment de la vente ?

8 - Le cuisiniste doit-il indiquer avec précision les délais de livraison ?

9 - Que faire si le vendeur ne respecte pas la date de livraison ?

10 - Le cuisiniste a pris beaucoup de retard pour terminer l’installation de la cuisine. Puis-je demander des dommages et intérêts ?

11 - Le cuisiniste me demande un supplément de prix par rapport à celui fixé dans le bon de commande, car les mesures ne sont pas exactes. En a-t-il le droit ?

12 - J’ai signé un bon de commande alors que je n’ai pas encore le logement destiné à accueillir la cuisine

13 - Les meubles et les appareils électroménager bénéficient-ils d’une garantie ?

14 - Je dois prendre un crédit pour l’achat de la cuisine

15 -J’achète comptant, quels sont les pièges à éviter ?

16 - Quels sont mes recours à l'encontre du cuisiniste ?

 

 

1 - Un devis est-il obligatoire ?

NON.  La loi n‘impose pas la remise d’un devis avant l’achat d’une cuisine.

Cependant, il est très important de faire établir des devis avant de vous décider. Cela vous permettra de comparer les différentes offres et les prestations comprises dans le prix.

Si vous demandez un devis au professionnel, il ne peut pas vous le refuser (article R. 111-3 du code de la consommation).

 

 

2 - Que doit contenir un devis ?

Pour servir à comparer les offres entre elles, le devis doit être très détaillé (meubles, électro-ménager, travaux à réaliser…).

 

Au titre des informations précontractuelles, le devis doit contenir un certain nombre d’informations.

 

Veillez à obtenir les informations suivantes : le prix total bien sûr, mais aussi les coordonnées précises du professionnel, les caractéristiques essentielles des meubles (y compris les références et marque de l’électroménager), de l’installation ainsi que les délais de livraison prévus. Le devis doit également reprendre les informations relatives aux garanties légales (voir "Les meubles et les appareils électroménagers bénéficient-ils d’une garantie ?").

 

Si le devis ne contient pas ces informations, demandez au professionnel de les rajouter.

 

 

3 - Le cuisiniste facture le devis, est-ce normal ?

Un devis est en principe gratuit, mais rien n’empêche le professionnel de le facturer. Tout dépend de sa politique commerciale. 

 

Si le devis est payant, le professionnel doit alors vous informer de manière très claire de son intention de facturer le devis et de son montant.

 

Si le professionnel ne vous a pas informé au préalable du caractère payant du devis, vous êtes en droit de refuser de le payer, et s’il vous a été facturé vous pouvez en demander le remboursement (article L. 121-17 du code de la consommation).

 

 

4 - Si je signe un devis, quelles sont les conséquences ?

Attention, si vous signez le devis, cela signifie que vous acceptez la proposition du professionnel et le devis devient alors un véritable contrat, liant les deux parties (vous et le professionnel).

 

 

Ne cédez jamais aux sollicitations des vendeurs qui demandent de signer rapidement pour obtenir une ristourne exceptionnelle.

 

Une fois le devis signé, vous êtes engagé, vous ne pouvez plus renoncer… sauf à perdre l’acompte dans le meilleur des cas ou la totalité du prix dans le pire des cas (voir la fiche juridique de l’INC  "Arrhes, acompte, avoir"). Le commerçant est en droit d'exiger le paiement du prix convenu.

 

Exemple : des consommateurs signent, en magasin, un bon de commande pour l'achat d'une cuisine d'un montant de 6439,27 €. Deux jours plus tard, ils souhaitent se rétracter, le vendeur refuse et les assigne en paiement du prix. La cour d'appel les condamne à verser au cuisiniste la totalité du prix du mobilier commandé (6439,27 €) ainsi que 500 € à titre de dommages et intérêts (CA Pau, 6 juin 2023, RG n°21 - 02807).

 

 

5 - J’ai signé un devis sur une foire, ai-je un délai de réflexion ?

NON. Contrairement à une idée reçue : il n’y a aucun délai de réflexion en cas d’achat sur une foire ou sur un salon.

 

Dans les foires ou les salons, le professionnel doit vous informer que vous ne disposez pas d’un droit de rétractation et ce avant toute conclusion d’un contrat (article L. 224-59 du code de la consommation).

 

En pratique, il doit afficher, de manière visible, sur un panneau dont la taille est supérieure ou égale au format A3 et dans une taille de caractère ne pouvant être inférieure à celle du corps 90, la phrase suivante "le consommateur ne bénéficie pas d’un droit de rétractation pour tout achat effectué dans [cette foire] ou [ce salon], ou [sur ce stand] " (article 1 de l’arrêté du 2 décembre 2014 relatif aux modalités d’information sur l’absence de délai de rétractation au bénéfice du consommateur dans les foires et salons).

 

Bon à savoir :

Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne estime que le fait pour un consommateur d'avoir été attiré par un professionnel sur son stand, alors qu'il se trouvait dans les allées d'un salon, pourrait éventuellement être assisimilé à du démarchage à domicile. (CJUE, 7 décembre 2019, affaire 465/19). SI c'est votre cas, encore faut-il le prouver ! N'hésitez pas à recueillir, si cela est possible les témoignages des stands à côté. Si vous arrivez à prouver que le cuisiniste vous a attiré sur son stand alors que vous étiez dans les espaces communs du salon, vous pourriez le cas échéant invoquer la nullité de votre contrat. Demandez conseil à une association de consommateurs.

 

 

6 - J’ai signé un devis ou un bon de commande dans un magasin, sous la pression du vendeur. Puis-je me rétracter ?

NON. En dehors des cas prévus par la loi (vente à distance, contrat conclu à la suite d’un démarchage téléphonique ou en dehors d’un magasin), vous ne bénéficiez d’aucun délai de rétractation. La vente est ferme et définitive et vous engage.

 

Si la cuisine est financée par un crédit affecté, et que vous exercez votre droit de rétractation, le contrat de vente est automatiquement annulé (voir "Je dois prendre un crédit pour l’achat de la cuisine").

 

C’est pourquoi, dans tous les cas, prenez le temps de la réflexion et ne signez rien avant d’être certain de votre décision.

 

 

7 - Quelles sont les informations obligatoires au moment de la vente ?

Le contrat d’installation de cuisine comporte la vente de meubles. A ce titre, le contrat de fourniture de meubles doit être rédigé en conformité avec le décret du 14 mars 1986 relatif à l’étiquetage des meubles neufs.

 

Concernant la vente de meubles de cuisine, le contrat doit notamment comporter :

 

  • le prix et l’énumération des objets livrés ou emportés pour ce prix,
  • les principales matières, essences ou matériaux les composant et la nature de la finition (meubles massifs, meubles en bois de placage, contreplaqué, mention de la couleur éventuellement obtenue si elle est référencée par le fabricant…),
  • les dimensions d’encombrement,
  • les mots “à monter soi-même” si les meubles sont fournis démontés.

Ces indications doivent également être portées sur les étiquettes, les catalogues et les documents publicitaires.

 

Concernant la nature du bois :

 

  • l’appellation “massif” est interdite pour qualifier les éléments ou panneaux de bois d’épaisseur inférieure ou égale à 5mm ou les panneaux plaqués ou revêtus,
  • il est interdit de désigner une essence de bois par le nom d’une essence d’une autre famille botanique que celle à laquelle elle appartient.

Si le contrat ne respecte pas ces prescriptions, vous pouvez alerter les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). La plateforme Signal Conso vous permet de signaler en ligne à la DGCCRF tout manquement à la règlementation. Vous pouvez également contacter le 0 809 540 550 (numéro d'appel non surtaxé). Voir "Quels sont mes recours à l'encontre du cuisiniste – Alertez l’administration").

 

Les publicités doivent également énumérer les objets livrés et emportés pour le prix annoncé, spécialement les appareils électroménagers (Com., 14 février 2012, pourvoi n° 10-19330).

 

La Cour de cassation a ainsi prononcé la nullité d’un contrat de vente de meubles qui ne respectait pas les mentions obligatoires d’ordre public prévues par le décret du 14 mars 1986 (Cass. civ. 1, 7 décembre 2004, pourvoi n° 01-11823).

 

Par ailleurs, en application de l'article L. 111-1 du code de la consommation, le professionnel est tenu d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du bien vendu. Lorsque le bon de commande ne comprend pas ces informations, le bon de commande peut être annulé (CA Paris, 9 février 2023, RG n° 20 - 05365).

Le professionnel doit vous informer sur les contraintes d'usage et d'entretien des matériaux choisis. Ainsi, un cuisiniste a été condamné à remplacer un plan de travail en marbre présentant de nombreuses tâches et auréoles. Le cuisiniste n'a pas pu apporter la preuve qu'il avait mis en garde les acquéreurs sur les conséquences de l'utilisation de produits acides sur le marbre (CA Rennes, 22 janvier 2021, RG n°17-06836).

 

 

8 - Le cuisiniste doit-il indiquer avec précision les délais de livraison ?

OUI. Le professionnel doit indiquer la date de livraison des différents meubles et le délai auquel il s’engage à les installer (article L. 111-1 3° du code de la consommation). Vous devez avoir cette information avant de vous engager définitivement.

 

Dans le bon de commande pour l’installation d’une cuisine, le vendeur doit indiquer également les délais prévus pour l’installation.

 

Les clauses qui indiquent un délai de livraison "dès que possible" ou "selon les disponibilités d’approvisionnement du fabricant" ou pour une date donnée "à titre indicatif" sont présumées abusives.

 

La jurisprudence est hostile à ce type de clauses, estimant qu’elles confèrent un avantage excessif au professionnel en le laissant libre de déterminer unilatéralement la date de livraison. Il appartient au professionnel d’apporter la preuve contraire (article R. 212-2 du code de la consommation).

 

Si votre contrat prévoit une clause de ce type, vous pouvez ne pas en tenir compte et exiger que le professionnel vous livre sans retard injustifié et au plus tard dans les 30 jours qui suivent la commande (article L. 216-1 alinéa 3 du code de la consommation).

 

 

9 - Que faire si le vendeur ne respecte pas la date de livraison ?

Le vendeur ne cesse de repousser la date de livraison des meubles ou du début des travaux en invoquant des problèmes de fabrication, de transport, de main d’œuvre… ?

 

Vous n’êtes pas obligé d’accepter ces retards.

 

Vous pouvez demander la résolution du contrat, à condition de respecter certaines étapes.

 

Voici la marche à suivre pour demander la résolution par lettre recommandée. Attention à bien respecter chacune des étapes édictées par le code de la consommation (article L. 216-2 du code de la consommation) :

 

 

1 - Reportez-vous au contrat

Une date est mentionnée et celle-ci est dépassée ou le contrat ne prévoit pas de date et 30 jours après la conclusion du contrat, la livraison n’a toujours pas eu lieu.

 

Vous n’êtes jamais obligé d’accepter un report de livraison si cela ne vous convient pas.

 

2 - Mettez en demeure le professionnel

Envoyez une mise en demeure au professionnel d’effectuer la livraison ou de commencer les travaux d’installation dans un délai supplémentaire raisonnable que vous lui fixerez. Le code de la consommation n'impose pas que la mise en demeure soit envoyée par LRAR. Par précaution, conservez soigneusement une copie de votre mise en demeure avec la preuve qu'elle a été reçue par le professionnel (lettre suivie, mail avec accusé de réception, LRAR...) (voir la lettre type de l’INC).

 

 Il n'existe pas de définition du délai raisonnable, c’est à vous qu’il appartient de le fixer. 

Selon que la livraison concerne un réfrigérateur ou l’installation d’une cuisine, le "délai raisonnable" de livraison ne sera, bien évidemment, pas le même. Tout dépend également de vos échanges avec le vendeur : s'agit-il d'une première relance ou avez-vous patienté de nombreuses semaines ?

En général, on estime que mettre en demeure le professionnel de respecter ses engagements dans un délai de 8 à 15 jours constitue un délai raisonnable.

C'est une étape indispensable à respecter avant de pouvoir demander la résolution du contrat.

Gardez précieusement une copie de votre mise en demeure, c’est une étape indispensable dans le processus de résiliation pour non-respect du délai de livraison.

 En cas de retard de livraison, la mise en demeure est une condition indispensable.

> Voir la lettre-type "La date de livraison prévue sur le bon de commande n'a pas été respectée. Vous adressez une mise en demeure".

 

 

3 - Demandez la résolution du contrat

Si, malgré la mise en demeure, le professionnel ne s’est toujours pas exécuté, la loi vous permet de demander la résolution du contrat. Par lettre recommandée avec accusé de réception ou par écrit sur un support durable (courriel avec accusé de réception par exemple).

 

Le contrat est considéré comme résolu à réception par le professionnel de la lettre ou de l’écrit l’informant de votre décision à moins que le professionnel ne se soit exécuté entre temps (article L. 216-6-I, 2° du code de la consommation).

La loi n'impose pas l'envoi d'une LRAR, vous pouvez donc adresser votre demande de résolution du contrat par courrier, mail, lettre suivie ou LRAR. Par précaution, il est important de garder une trace et la date de vos échanges avec le professionnel.

 

> Pour en savoir plus : voir la fiche de l'INC "Les livraisons".

 

Les juges estiment qu'un cuisiniste qui n'a pas finalisé l'installation d'une cuisine plus de 21 jours après la date initialement prévue, et qui ne pourra le faire dans les règles de l'art à cause d'une erreur dans les mesures, a manqué à ses obligations dans la conception de la cuisine. 

Le contrat est résolu, le cuisiniste est condamné à rembourser la consommatrice le prix d'achat avec intérêt au taux légal (9952,06 €). Il doit prendre en charge les frais de démontage des éléments installés (720 €) et indemniser le trouble de jouissance (1300 €), car la consommatrice a dû vivre dans une cuisine à l'état de chantier puis dans une cuisine inachevée (CA Orléans, 27 juin 2022, RG n° 19/03258).

 

 

10 - Le cuisiniste a pris beaucoup de retard pour terminer l’installation de la cuisine. Puis-je demander des dommages et intérêts ?

OUI. Si le retard pris par le cuisiniste vous a causé un préjudice que vous êtes en mesure de prouver et de chiffrer, vous pouvez demander des dommages et intérêts à l’installateur.

 

De plus, l’article 1217 du code civil prévoit que lorsqu’un engagement n’a pas été exécuté ou a été exécuté imparfaitement, il est possible notamment, de solliciter une réduction de prix, ou demander la réparation de l’inexécution.

 

Cela peut être par exemple, le remboursement des frais de repas à l’extérieur le temps que les travaux soient terminés, ou les frais de laverie pendant la période où le lave-linge ne peut pas être utilisé… Si la situation perdure, vous pouvez également demander une indemnisation pour la privation de jouissance de la cuisine.

 

Ainsi, un juge de proximité a condamné un cuisiniste à verser 1 500 € de dommages et intérêts à un consommateur dont la cuisine livrée en octobre 2004, n’avait été installée qu’en janvier 2005, en raison de la mauvaise exécution des travaux. Le juge a estimé que le fait de vivre dans un appartement dont la cuisine est en travaux pendant une aussi longue période constitue un préjudice indemnisable (TI de Saint-Maur-des-Fossés, 2 mars 2006, RG n° 91-05-000089).

 

Des consommateurs, insatisfaits des travaux d’installation de leur cuisine, ont obtenu 3000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance. Pendant 3 ans, ils ont vécu dans une cuisine non terminée, nécessitant l’intervention à plusieurs reprises du cuisiniste (CA Amiens, 22 août 2017, RG n° 15/ 04470).

Le fait de devoir vivre dans une cuisine laissée en état de chantier puis durablement dans une cuisine inachevée crée un trouble de jouissance qui justifie le versement d'une indemnité de 1300 € à titre de dommages et intérêts (CA Orléans, 27 juin 2022, RG N° 19- 03258)

 

SI le professionnel fait la sourde oreille à vos relances, mettez-le en demeure par LRAR de terminer les travaux dans un délai raisonnable que vous lui fixerez, et rappelez lui, que l’article 1222 du code civil, vous donne la possibilité de faire terminer les travaux par une autre entreprise à ses frais.

 

 

11 - Le cuisiniste me demande un supplément de prix par rapport à celui fixé dans le bon de commande, car les mesures ne sont pas exactes. En a-t-il le droit ?

NON. Avant de vous faire signer le bon de commande, le professionnel doit avoir chiffré avec précisions tous les travaux. En qualité de professionnel, l’installateur doit vous conseiller sur les travaux souhaités et vous mettre éventuellement en garde sur la difficulté de réaliser certains travaux en fonction de la configuration de la pièce.

 

Un cuisiniste sérieux doit se déplacer à votre domicile pour prendre les mesures de la cuisine avant de vous faire signer le bon de commande définitif.

 

Il ne peut invoquer que les mesures ont été prises par le client pour s’autoriser à modifier le bon de commande ou pour se décharger de sa responsabilité si les meubles sont mal dimensionnés et incompatibles entre eux.

Exemple : la cour d'appel d'Orléans confirme la résolution de la vente d'une cuisine dont les meubles se sont révélés mal dimensionnés et incompatibles entre eux. Le cuisiniste prétendait que les mesures avaient été données par la cliente. Le cuisiniste a été condamné à rembourser au consommateur la partie du prix déjà payé (9952,06 €), les frais de démontage des meubles déjà installés (720 €) et 1300 € à titre de dommages et intérêts (CA Orléans, 27 juin 2022, RG n° 19-03258 précité).

 

En vertu de l’article L. 111-1 du code de la consommation, le professionnel doit fournir les caractéristiques essentielles du contrat,  (voir "Que doit contenir un devis ?").

 

Régulièrement, des cours d’appel rappellent que cette obligation n’est pas remplie :

 

  • lorsque les plans sont imprécis et que la société n’a pas vérifié avant de faire signer le bon de commande si les dimensions… permettaient de réaliser la cuisine promise (CA Colmar, 28 juin 2018, RG n° 16/ 05877),
  • lorsque le bon de commande conclu sur une foire, ne comprend pas les informations relatives aux caractéristiques essentielles et notamment le plan d'implantation (CA Paris, 9 février 2023, RG n° 20/05365)
  • quand le bon de commande ne prévoit pas la description des travaux indispensables (CA Angers, 5 novembre 2013, RG n° 12/ 01842),
  • lorsque le plan métré est imprécis et que le prix de la pose est imprécis (CA Caen, 27 juin 2017, RG n° 15/ 01725),
  • à défaut de métré précis et de vérification des contraintes techniques sur les lieux du projet parce que la maison est en construction (CA Basse-Terre, 25 avril 2022, RG n° 21/00152).

Dans ces situations, les juges estiment que le contrat n’est pas valablement formé et prononcent l’annulation du bon de commande à la demande du consommateur ainsi que, le cas échéant, le remboursement de l’acompte.

 

Si vous souhaitez effectuer des travaux supplémentaires en cours d’installation, n’oubliez pas de signer un avenant au contrat initial pour valider les modifications demandées, dès que vous vous êtes mis d’accord avec le cuisiniste.

 

 

12 - J’ai signé un bon de commande alors que je n’ai pas encore le logement destiné à accueillir la cuisine

Certains cuisinistes n’hésitent pas à faire signer des bons de commande alors que les consommateurs n’ont pas encore le logement auquel est destiné la cuisine.

 

Attention, cette situation n’est pas un argument permettant de demander l’annulation de la commande. Les juges estiment que le cuisiniste n’est pas obligé de mettre en garde le consommateur sur les risques liés à un tel achat (CA Paris, 24 mars 2016, RG n° 13/ 24231).

 

 

13 - Les meubles et les appareils électroménagers bénéficient-ils d’une garantie ?

Le four tombe fréquemment en panne, la hotte aspirante est plus bruyante que prévu, le plan de travail se fissure rapidement après la pose ? Une garantie peut-elle être invoquée ?

 

OUI. Le vendeur est obligé de respecter les deux garanties légales : la garantie des vices cachés et la garantie légale de conformité.

 

Par ailleurs, le cuisiniste peut vous avoir offert une garantie commerciale au moment de la vente. Vérifiez si vous bénéficiez d’une garantie commerciale.

 

La garantie commerciale n’est pas obligatoire. Le vendeur n’est pas obligé de la proposer. Mais s’il en fait un argument de vente, il doit alors respecter certaines obligations. En proposant une garantie commerciale, le vendeur s’engage à prendre en charge, dans les conditions prévues par le contrat, à ses frais, la réparation du matériel pendant un délai déterminé.

 

Lorsqu’elle est proposée, la durée de la garantie commerciale est variable selon les biens, par exemple les meubles de cuisines peuvent être garantis pendant 5 ans et l’électroménager pendant deux ans. Reportez-vous au contrat pour connaître les conditions de la garantie commerciale.

 

Si le vendeur propose une garantie commerciale, la remise d’un contrat écrit est obligatoire. Le contrat doit notamment préciser le contenu de la garantie, sa durée et ses modalités de mise en œuvre. Il doit également rappeler que les garanties légales s’appliquent er reproduire les textes qui les régissent (article L. 217-15 du code de la consommation).

 

Toute période d’immobilisation d’au moins 7 jours pendant la durée de la garantie commerciale, prolonge d’autant la durée de la garantie qui reste à courir (article L. 217-16 du code de la consommation).

 

Dans tous les cas, le vendeur est obligé d’appliquer les garanties légales, il ne peut s’y soustraire. Il en existe deux :

 

1 - La garantie légale des vices cachés 

Un vice caché est un défaut caché au moment de la vente qui rend le bien acheté impropre à sa destination ou qui diminue tellement son usage que l’acheteur ne l’aurait pas acheté ou pas à ce prix s’il avait connu ce défaut (article 1641 du code civil).

 

Vous avez le choix de demander au vendeur la résolution de la vente et obtenir le remboursement du prix ou bien de conserver le bien défectueux en demandant au vendeur une diminution du prix (article 1644 du code civil).

 

C’est vous qui choisissez la solution qui est la plus appropriée à votre cas, le vendeur ne peut pas vous imposer l’une ou l’autre solution.

 

Vous avez deux ans à compter de la découverte du vice pour intenter l’action en garantie des vices cachés (article 1648 du code civil).

 

2 - La garantie légale de conformité

Le vendeur professionnel doit livrer un bien conforme au contrat et doit répondre des défauts de conformité existant au moment de la délivrance (article L. 217-3 du code de la consommation).

 

La garantie légale de conformité permet de couvrir non seulement les défauts cachés mais aussi tout ce qui ne correspond pas à l’usage recherché par le consommateur ou tout ce qui a été convenu entre le professionnel et le consommateur.

 

La description donnée par le vendeur, les qualités présentées sous forme d’échantillon ou de modèle, les publicités, l’étiquetage, l’emballage sont prises en compte pour apprécier la conformité du bien par rapport à l’attente légitime du consommateur.

 

La garantie légale de conformité s’applique aux biens manufacturés (meubles de cuisine, électroménager…) mais aussi aux contrats de meubles à fabriquer (meubles de cuisine fabriqués sur mesure).

 

Lorsque les meubles livrés ne correspondent pas à ceux commandés, la garantie légale de conformité peut être invoquée.

Exemple :

- un cuisiniste a été condamné à verser 5062,20 € et 750 € de dommages et intérêts pour défaut de conformité car certains meubles étaient manquants ou abîmés (CA Colmar, 9 janvier 2023, RG n°21-04799).

- un cuisiniste est condamné à 2500 € pour la remise en état des meubles défectueux (différence de couleur de façade, tiroirs défectueux, non fonctionnement de la hotte) et 500 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral (CA Colmar 30 janvier 2023, RG n° 21-03764).

 

Lorsque vous commandez une cuisine sur mesure auprès d’un artisan, faites consigner par écrit tout ce qui a de l’importance pour vous. Ne vous contentez pas d’accords verbaux.

 

C’est votre vendeur qui doit appliquer la garantie de conformité. Il ne peut pas vous renvoyer vers le fabricant.

 

Comment invoquer un défaut de conformité ?

1ere étape

En cas de défaut de conformité, l’acheteur peut demander la réparation ou le remplacement du bien non-conforme. Mais le vendeur peut ne pas respecter le choix de l’acheteur et imposer l’une des deux solutions s’il estime que le choix de l’acheteur entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l’autre option (articles L. 217-8 et L. 217-9 du code de la consommation).

 

2ème étape

Si la réparation ou le remplacement sont impossibles, ou si l’option demandée par l’acheteur ne peut être mise en œuvre dans le délai d’un mois suivant la réclamation de l’acheteur, ou si la mise en œuvre de la solution crée un inconvénient majeur pour l’acheteur compte tenu de la nature du bien et de l’usage recherché, l’acheteur peut alors rendre le bien et se faire rembourser le prix ou bien conserver le bien et demander une diminution du prix.

 

L’action en garantie de conformité doit être intentée dans les deux ans qui suivent la délivrance du bien (article L. 217-3 du code de la consommation).

 

Pour savoir quelle action mettre en œuvre, comparez attentivement les différentes actions, leurs conditions de mise en œuvre, les différentes solutions, vous pouvez vous faire conseiller par une association de consommateurs.

 

Une affichette précisant que les meubles ne sont "ni repris, ni échangés" ne fait pas obstacle à l’application de la garantie légale. Ces dispositions sont d’ordre public, cela signifie qu’il est impossible d’y renoncer.

 

Exemple : un consommateur achète des meubles de cuisine dont certains sont des modèles d’exposition. Les meubles d’exposition portent la mention "ni repris, ni échangés". Peu de temps après la livraison, il s’aperçoit que certains meubles ne sont pas aux dimensions convenues et que les teintes et le veiné des meubles livrés ne sont pas homogènes. Les juges soulignent que ces défauts d’aspects sont des défauts de conformité dont le consommateur ne pouvait avoir connaissance au moment de l’achat (CA Toulouse, 3 juin 2014, RG n° 12/ 05972). Les juges constatent que la réparation ou le remplacement sont impossibles dans ce cas, et prononcent la résolution de la vente conformément au code de la consommation.

 

Consultez les fiches de l’Institut National de la consommation sur les garanties du vendeur.

 

Si vos démarches amiables auprès du vendeur n’aboutissent pas, vous pouvez saisir un médiateur de la consommation ou les tribunaux. Un rapport d’expertise contradictoire (en présence du vendeur) ou d'un commissaire de justice (ex huissier de justice) constatant le défaut peuvent vous être utiles pour établir le vice caché ou le défaut de conformité.

 

Une assurance de protection juridique (si vous avez une) ou une association de consommateurs peuvent vous aider dans vos démarches.

 

 

14 - Je dois prendre un crédit pour l’achat de la cuisine

La plupart du temps, vous allez prendre un crédit pour financer l’achat d’une cuisine.

 

Les cuisinistes proposent souvent des formules de crédit qu’ils présentent comme très avantageuses par rapport au reste du marché. Dans la mesure du possible, prenez le temps de comparer avec les offres de votre banque ou d’autres établissements de crédit.

 

Le vendeur doit vous remettre une offre de contrat de crédit qu’il s’engage à maintenir pendant une durée minimale de quinze jours (article L. 312- 18 du code de la consommation).

 

La loi vous donne la possibilité de vous rétracter dans un délai de quatorze jours à compter de l’acceptation de l’offre (article L. 312-19 du code de la consommation). Pour permettre l’exercice de cette faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l’offre préalable (article L. 312-21 du code de la consommation).

 

S’il s’agit d’un crédit affecté, votre rétractation vis-à-vis de l’offre de crédit entraîne automatiquement l’annulation du contrat de vente (article L. 312-52 du code de la consommation). Mais s’il s’agit d’un crédit renouvelable, votre rétractation n’entraîne pas l’annulation de la vente, seule l’offre de crédit est annulée, le contrat de vente demeure valable.

 

 

15 - J’achète comptant, quels sont les pièges à éviter ?

Evitez dans tous les cas de payer la totalité du prix à la commande. En effet, vous n’aurez plus aucun moyen de pression si par la suite, la livraison ou l’installation se déroulent mal.

 

Exigez de payer au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

 

Conservez un montant significatif (idéalement 30 %) à verser lorsque les travaux seront complètement achevés. Cela vous permettra de faire pression sur le cuisiniste s’il tarde à terminer les travaux.

 

La clause qui impose de payer l’intégralité du prix avant le début de la pose a été jugée abusive par les tribunaux. Elle prive le consommateur d’invoquer l’exception d’inexécution alors que les éléments livrés présenteraient des défauts de conformité ou une non-conformité ou ne seraient pas susceptibles de remplir leur destination (TGI Grenoble, 29 janvier 2001).

 

 

16 - Quels sont mes recours à l'encontre du cuisiniste ?

 

  • Association de consommateurs

Pour vous aider dans vos démarches,  vous pouvez solliciter l’aide d’une association de consommateurs agréée ou d’un organisme professionnel auquel serait affilié votre vendeur (par exemple, le Syndicat National de l’Equipement de la Cuisine , 133 rue de la Roquette, 75011 Paris, tél : 01 78 94 88 02.

 

  • Mode de règlement amiable des litiges

Si le vendeur ne répond pas à votre courrier ou que sa réponse vous semble toujours insatisfaisante, vous pouvez recourir à la procédure de médiation de la consommation, ce qui doit être indiqué dans la contrat (bon de commande, CGV … ), (article L. 211-3 du code de la consommation).

 

Le vendeur doit vous communiquer les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont il relève (article L. 616-1 du code de la consommation), "en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site Internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou sur tout autre support adapté. Il y mentionne également l'adresse du site Internet du ou de ces médiateurs" (article R. 616-1 du code de la consommation).

 

Cette information doit aussi vous être fournie "dès lors qu'un litige n'a pas pu être réglé dans le cadre d'une réclamation préalable directement introduite auprès de ses services" (article L. 616-1du code de la consommation). Ainsi, il doit vous communiquer ces coordonnées dans le courrier de refus de prise en compte de votre réclamation.

 

Il doit également vous informer de la possibilité de recourir à la plateforme européenne de résolution des litiges en ligne qui permet, via le site de la Commission européenne "Règlement en ligne des litiges", de rechercher une solution amiable avec le professionnel (situé au sein de l’Union européenne) en choisissant le médiateur de la consommation compétent (article L. 616-2 du code de la consommation) par référence à l'article 14 du règlement (UE) n° 524/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation et modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2009/22/CE.

 

La liste officielle des médiateurs de la consommation est publiée sur le site Internet de la CECMC, organisme officiel en charge "d’établir et de mettre à jour la liste des médiateurs, y compris les médiateurs publics, qui satisfont aux exigences de qualité".

 

  • Alertez l’administration

Pour les litiges relatifs à l'information sur les prix ou à une pratique commerciale trompeuse, vous pouvez alerter les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).

La plateforme Signal Conso vous permet de signaler en ligne à la DGCCRF tout manquement à la règlementation. Vous pouvez également contacter le 0 809 540 550 (numéro d'appel non surtaxé).

 

  • Comment saisir les tribunaux ?

Lorsque vous n’avez pas pu obtenir une solution amiable ou lorsque vous êtes victime d’une infraction, vous pouvez agir devant les tribunaux judiciaires.

 

Les juridictions civiles

Avant de saisir le tribunal, il est toujours conseillé de régler le conflit par un mode alternatif de résolution des litiges : conciliation, médiation. A compter du 1er octobre 2023, c'est obligatoire pour les litiges portant sur une somme n'excédant pas 5000 € (article L. 750-1 du code de procédure civile).

Si vos démarches amiables ont échoué, et selon votre dossier, vous pouvez alors saisir un tribunal (renseignez-vous auprès d’une association de consommateurs ou d’un professionnel du droit pour avoir un avis sur votre dossier).

Vous devez vous adresser au tribunal judiciaire ou, selon les villes, auprès du tribunal de proximité. Renseignez-vous auprès du service d’accueil du tribunal.

Vous pouvez aussi consulter l’annuaire du ministère de la Justice pour trouver les coordonnées du tribunal judiciaire ou du tribunal de proximité.

 

En votre qualité de consommateur personne physique, vous pouvez saisir le tribunal du lieu de signature du contrat (votre domicile) (article R. 631-3 du code de la consommation), du lieu d’exécution de la prestation ou de la livraison effective de la chose (article 46 du code de procédure civile). Le lieu de "livraison effective" s'entend non seulement de celui où la livraison de la chose a été effectuée, mais aussi de celui où elle doit l'être (en cas de non-livraison) (Cass. civ. II, 18 janvier 2001, pourvoi n° 96-20912).

 

Le tribunal du lieu du siège social de l’entreprise est également compétent.

 

Le tribunal judiciaire peut être saisi par requête (pour les demandes en paiement d’une somme inférieure ou égale à 5 000 €). Vous pouvez utiliser le formulaire en ligne et l’adresser au greffe.

 

 Pour en savoir plus sur les procédures, vous pouvez vous rendre auprès de point-justice (anciens Points d'accès au droit et Maisons de justice et du droit), qui vous renseignera gratuitement sur les procédures. Un annuaire de ces lieux et de nombreux autres renseignements figurent sur le site du ministère de la Justice, rubriques "Vos droits et démarches" ou "Justice de proximité".

 

 

Les juridictions pénales

Si vous êtes victime d’une infraction (par exemple d’une pratique commerciale déloyale), vous pouvez porter plainte auprès du procureur de la République près du tribunal judiciaire de votre domicile, par simple lettre exposant les faits.

 

 

 

Françoise HEBERT-WIMART

Juriste à l'Institut national de la consommation


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