Locations saisonnières et copropriété : la réponse de la Cour de cassation


Depuis plusieurs années, de nombreux débats ont lieu sur la possibilité de louer des appartements dans une copropriété de façon saisonnière. En effet, cette activité s'est développée avec le lancement de nouvelles plateformes en ligne.

 

La Cour de cassation s'est prononcée dans un arrêt du 27 février 2020. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence a pu interdire à un copropriétaire sous astreinte de louer ses lots ou de les faire occuper par sa clientèle.

 

L'Institut national de la consommation vous présente les motifs qui ont conduit à cette décision.


 

1 - LES FAITS : LA LOCATION SAISONNIERE DE 39 LOTS PAR UN COPROPRIETAIRE

Une société est propriétaire de lots dans la "résidence des Pins", soumise au statut de la copropriété. Le règlement de copropriété de la résidence a été établi le 22 août 1950 et modifié le 8 février 1951.

 

Elle loue, de façon saisonnière, les trente-neuf lots de copropriété qu'elle possède. Elle se livre à une activité commerciale de location à la journée ou à la semaine d'appartements et de studios.

 

Des copropriétaires ont assigné le syndicat des copropriétaires de cette résidence et la société pour interdire à la société de poursuivre dans l'immeuble une activité commerciale de location saisonnière.

 

 

2 - LA DECISION DE LA COUR D'APPEL : L'INTERDICTION DE LOUER LES LOTS DE COPROPRIETE DE FACON SAISONNIERE

La Cour d'appel d'Aix-en-Provence a accueilli, le 25 janvier 2018, la demande des copropriétaires. Elle a interdit à la société sous astreinte de louer ses lots ou de les faire occuper par sa clientèle.

 

 

3 - LES ARGUMENTS DE LA SOCIETE : L'ATTEINTE AU DROIT DE PROPRIETE

La société bailleuresse s'est pourvu en cassation et a fait état des deux moyens suivants :

 

  • Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires sur leurs parties privatives en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble

Il s'agit de la destination de l'immeuble définie aux actes, par ses caractères ou sa situation.

 

La société ajoute que toute stipulation contraire est réputée non écrite.

 

En conséquence, la société estime que la Cour d'appel a amputé son droit de propriété. Elle ne l'a pas seulement restreint. Cette amputation est générale et absolue et excède manifestement ce que peuvent justifier la destination contractuelle, le caractère ou la situation de la résidence des Pins.

 

Selon le copropriétaire, la Cour d'appel a violé :

 

> l'article 8, alinéa 2 qui précise que "Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation" ;

 

 > l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 qui ajoute que "toutes clauses contraires (à cet article) sont réputées non écrites".

 

  • Toute personne a droit au respect de ses biens

La société précise que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

 

Elle ajoute que le droit de propriété emporte, au profit de la partie qui le détient, le droit de jouir de la chose qui en forme l'objet et donc d'en percevoir les fruits civils, tels que l'article 584 du code civil les définit.

 

Selon la société, la Cour d'appel la prive objectivement de la substance même de son droit de propriété sur les lots dont elle est détentrice.

 

En effet, elle lui interdit purement et simplement de donner à bail les trente-neuf lots privatifs dont elle est détentrice dans la copropriété et aussi de permettre à sa clientèle d'occuper ces mêmes lots à quelque titre que ce soit

 

Elle conclut que la juridiction a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

 

 

4 - LA DECISION DE LA COUR DE CASSATION : LA REPONSE DANS LE REGLEMENT DE COPROPRIETE

La Cour de cassation rappelle qu'elle apprécie souverainement la destination de l'immeuble.

 

Or, le règlement de copropriété de la résidence des Pins réserve les bâtiments à l'usage exclusif d'habitation.

 

Elle ajoute que l'utilisation des locaux à titre professionnel était autorisée sous réserve que l'activité professionnelle ait été exercée dès l'origine, dans des locaux annexes à ceux servant à l'habitation du propriétaire, ce qui excluait que les appartements soient utilisés au titre d'une activité commerciale.

 

En conséquence, la cour d'appel a pu en déduire qu'il devait être fait interdiction à la société de louer ses lots privatifs ou de les faire occuper par sa clientèle.

 

De plus, la société ne précise pas, concrètement, en quoi la mesure d'interdiction la priverait objectivement de la substance même de son droit de propriété sur ses lots.

 

Par ces motifs, le pourvoi de la société bailleresse est rejeté.

 

Cette décision doit être relativisée en raison du nombre de lots loués par le copropriétaire. Elle aurait peut-être été différente si un seul lot était loué par le copropriétaire assigné.

 

  Arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation en date du 27 février 2020, n° de pourvoi 18-14305.

 

 

Virginie POTIRON,

Juriste à l'Institut national de la consommation

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